Le bond se fera cette fois-ci par-dessus le dollar, et sera coordonné avec de nombreux autres pays.
Nos médias se décident enfin à faire leur métier en ces temps de bouleversement géopolitiques majeurs : se recentrer sur l’essentiel, à savoir mieux nous faire connaître ceux qui nous dirigent, et à qui nous avons confié la prise en charge de notre destin.
Têtu invite Olivier Dussopt pour son y faire « coming out », Emmanuel Macron prouve une fois de plus qu’il a les Français – petits et grands – dans le… Pif, et Marlène Schiappa se voit offrir 12 pages « uncensored » par Playboy pour défendre la cause du féminisme entre deux clichés.
Ne manque plus qu’Elisabeth « mille » Borne dans Auto Moto ou Top Gear !
De quoi nous faire oublier que le plus grand basculement macro-économique est en train de se jouer à 10 000 bornes de Paris (c’est la distance qui sépare notre capitale de Pékin par la route) où notre président et Ursula von der Leyen viennent de se rendre en urgence pour remettre Xi Jinping dans le droit chemin.
Nous avons eu chaud. Le dirigeant de la première puissance industrielle de la planète s’apprêtait à commettre l’erreur irréparable de continuer de faire alliance avec la Russie, premier producteur d’énergie et de matières premières de la planète, qui procure à la Chine autant de pétrole et de minerais que tous les pays d’Afrique réunis.
Accélération et décélération
Oui, il était temps de remettre de l’ordre dans les grands équilibres économiques et géostratégiques de la planète.
Car en 2022, les cinq pays composant les BRICS sont devenus plus puissants économiquement que ceux du G7, selon la mesure du PIB en parité de pouvoir d’achat (31,5% du PIB mondial PPP, contre 30,7% pour le G7) sans avoir demandé l’autorisation à Bruxelles ou à l’Oncle Sam !
Et la perte de vitesse du G7 va encore s’accélérer : oui, l’image est hardie mais après s’être « hâtée lentement », la Chine déclenche son second « grand bond en avant », et celui-là a tout l’air d’être le bon… car elle ne va pas sauter toute seule cette fois-ci.
La Chine entraîne avec elle (en plus des « BRIS ») l’Argentine et l’Algérie (qui ont demandé leur adhésion au quintet) mais aussi l’Arabie saoudite, le Kenya… et les 9 pays de l’ASEAN – dont la Malaisie, qui vient de signer pour 39 Mds$ d’investissements chinois.
Tous ces pays s’accordent pour régler leurs échanges bilatéraux avec la Chine en yuans et non plus en dollars. Au dernier décompte (au 5 avril 2023), ce sont 56 pays, dont Israël et le Japon, qui envisagent ou ont manifesté leur volonté de se dédollariser.
Tout vient de basculer en quelques semaines, parce que la coupe anti-américaine était pleine, avec notamment la judiciarisation du dollar (la justice américaine pouvant arbitrairement infliger des amendes aux entreprises étrangères utilisant le dollar ou confisquer les avoirs des pays indociles), mais aussi sa militarisation. Contester sa suprématie a bien souvent mené à un « surprenant » coup d’Etat ou une « guerre pour la démocratie »… et des dirigeants perdant la vie.
Billets rouges ou verts ?
Donald Trump, qui s’était fixé comme cap de ne plus déclencher de guerre impériale dispendieuse, avait donné le coup d’envoi de cette nouvelle démondialisation.
Mais c’est son meilleur ennemi, Xi Jinping, qui la fait basculer dans une autre dimension : le club de Shanghai représente désormais le nouveau bloc économique dominant et où, en bonne logique, le dollar et surtout le pétrodollar perdent leur statut de devise de référence planétaire… dans un monde devenu bipolaire.
Cela ressemble beaucoup au début d’un nouvel ordre mondial où les billets rouges (yuan numériques) remplaceront bientôt les billets verts (de rage).
En l’espace de quelques semaines, et notamment depuis la grosse secousse bancaire systémique qui a fait vaciller Wall Street et relancé la planche à billet de la Fed (un très mauvais signal), la Chine et le Brésil ont conclu un accord pour commercer sans le dollar.
L’Arabie saoudite a convenu avec la Chine d’accepter le yuan en règlement de son pétrole… mais également pour la construction d’une raffinerie à une douzaine de milliards (disons de francs suisse, pour rester neutres) sur le sol chinois.
Le prince Ben Salmane pousse la provocation jusqu’à affirmer qu’il n’a plus l’intention de complaire à Joe Biden (qui ne « l’impressionne pas ») ni de rendre service aux Etats-Unis en l’échange de rien.
Démonstration avec cette réunion hors calendrier de l’OPEP le 31 mars, qui débouche sur une réduction de la production de 1,65 millions de barils par jour. Résultat : le prix du baril flambe de 8% vers 85 $ à Londres (pour une hausse de 20% en 10 jours), ce qui semble anéantir les efforts de la Fed et de la BCE pour reprendre le contrôle de l’inflation.
Les routes du pétrole
Vladimir Poutine prend également part à cette réduction qui crée un petit électrochoc en Occident… mais nos éditorialistes se consolent en soulignant à quel point la Russie se retrouve doublement perdante. En parallèle d’une réduction des volumes exportés, elle a l’interdiction de vendre son pétrole plus de 60 $ aux pays alliés qui appliquent les sanctions voulues par l’Otan.
Sauf que, devinez quoi… la Russie a multiplié par 22 ses exportations d’or noir vers l’Inde. Le géant asiatique peut se permettre de le payer plus de 60 $, parce qu’elle le raffine ensuite pour le revendre aux pays occidentaux avec 10 ou 15% de marge (c’est devenu du diesel indien, et le tour est joué aux yeux de Bruxelles).
Plus incroyable encore, le Japon, censé appliquer les sanctions voulues par Washington (boycott et prix plafonnés) se repose toujours sur la Russie – qui est redevenue son premier fournisseur de gaz et de pétrole (que Tokyo paye plus de 60 $ également).
Tant que les pays en rébellion contre le dollar faisaient cavalier seul, c’étaient des cibles (militaires) faciles : la leçon a été bien comprise et nous assistons à une dédollarisation collective, sous la houlette de Pékin.
Le camouflet pour les Etats-Unis est gigantesque !
Mais au-delà des blessures d’amour propre d’un géant occidental malmené par un nouveau géant asiatique (sous les ricanements complices de ses anciens vassaux qui pensent tenir leur revanche par procuration), c’est le principal canal de financement bon marché – et apparemment illimité – d’un pays surendetté à 130% qui se tarit.
Voilà qui ne laisse guère d’autre possibilité aux USA que faire soit la guerre à la terre entière (enfin, à 5 des 8 milliards d’êtres humains), soit de monétiser sa propre dette à la japonaise, ce qui engendrera une inexorable et irréversible processus de dévaluation du dollar… et accélèrera le désir de la plupart de ses actuels détenteurs de s’en débarrasser.
Ce qui précède, c’est une certitude, ne figure ni dans Pif ni dans Playboy… mais ces faits sont « Têtus » !