▪ "La Chine ? Des chiffres ? Tout le monde sait que les chiffres chinois sont frauduleux".
Janet Yellen a reçu l’approbation du Sénat américain pour le poste de présidente de la Fed. Votre correspondant a abandonné tout espoir. Il s’était porté candidat, espérant au moins obtenir un chauffeur gratuit comme nouveau chef de la Fed, mais sa candidature a été soigneusement ignorée. Le téléphone n’a jamais sonné. Et celui qui s’obstinait à ne pas appeler n’était nul autre que le président des Etats-Unis, Barack Obama.
Rejeté, ignoré et snobé par les grands pontes, votre correspondant a tourné son attention ailleurs. Vers la Chine, par exemple.
Pour remettre tout ça en perspective, votre correspondant fournit quelques conseils. Lesdits conseils sont peut-être sages, ou pas. Ils pourraient se révéler êtres bons, ou pas. Au moins sont-ils cohérents.
"Les profits se font à l’achat", a-t-il dit récemment. "Achetez bon marché. Achetez de la qualité. Ne vous inquiétez pas de ce qui arrive au prix".
Ce dernier conseil était à l’adresse de notre propre famille… en espérant qu’elle n’y prêterait pas attention. Notre conseil au début 2013 avait été d’ignorer les valeurs américaines chères et d’acheter des valeurs étrangères bon marché — particulièrement en Chine et en Russie. A la fin de cette même année, les valeurs américaines étaient encore plus chères. Les valeurs russes et chinoises, en revanche, étaient encore meilleur marché.
"Le prix ne compte pas vraiment. Pas à court terme. Ce qui compte, c’est la valeur. Et le prix ne vous dit pas ce qu’est la valeur. Il faut regarder plus en profondeur".
▪ Art moderne et gros sous
Nous interrompons ce commentaire financier pour observer une absurdité profonde. Si le prix est la mesure de la valeur, une oeuvre d’art de Christopher Wool, intitulée Apocalypse Now vaut 26 485 000 $. C’est le prix qu’un acheteur volontaire — et supposément sain d’esprit — a payé lors d’une vente aux enchères à New York le 12 novembre dernier. Le chef d’oeuvre en question, pour le lecteur qui ne le connaît pas, peut être décrit comme une toile blanche portant les mots SELL THE HOUSE SELL THE CAR SELL THE KIDS ["Vends la maison vends la voiture vends les enfants", ndlr.] Comme objet de décoration, il vaudrait — dans le foyer Bonner — environ 15 $. Ou bien il serait jeté avec les cartons de pizza vides.
Un critique décrit le tableau comme "singulier, fort, organique… aussi profond qu’il peut sembler superficiel". Nous doutons qu’il soit aussi profond que ça.
Mais qu’en savons-nous, après tout ? De notre point de vue, si les profits se font à l’achat, cet acheteur vient de perdre 26 484 985 $. L’acheteur de valeurs russes et chinoises, en revanche, a fait des profits (en dépit du mouvement des cours).
En regardant plus en détails les marchés russe et chinois, nous trouvons beaucoup de valeur. Nous trouvons aussi, sous la surface, beaucoup de problèmes, ce qui explique pourquoi tant de valeur reste disponible.
▪ Comment la Chine fonctionne
"Les Occidentaux ne se doutent pas du degré de corruption qui règne dans la vie économique et politique chinoise", a continué notre expert, qui restera anonyme de peur que les Chinois ne révoquent son visa.
"Quasiment tous les riches de Chine doivent leur fortune à une forme ou une autre d’activité criminelle. Parce que lorsque le pays a commencé à prendre le chemin du capitalisme, après 1979, on était presque obligé d’enfreindre une loi ou deux. Pas moyen de l’éviter".
En Chine comme en Russie, l’équivalent de milliards de dollars de propriétés d’Etat s’est soudain retrouvé accessible aux individus ; la transition a été plutôt brouillonne. Il était utile d’avoir des amis haut placés. Il était aussi utile d’avoir une vision flexible du bien et du mal.
La corruption au niveau local était endémique. C’est toujours le cas. Projets immobiliers, contrats, licences, dessous-de-table…
"On ne peut pas faire des affaires en Chine sans avoir des connaissances au niveau local", a ajouté notre ami.
"La Chine est un grand pays. Le gouvernement national décide du programme, mais les dirigeants locaux n’y prêtent souvent pas attention. Ils ont leur propre programme. Et tout le monde s’attend à obtenir quelque chose"…
Au plus haut niveau, les "petits princes" — généralement les membres de la famille de puissants chefs de parti — sont souvent milliardaires.
"Il y a tant d’argent en Chine. La Chine a des politiques d’argent facile encore plus hardies que celles des Etats-Unis. La masse monétaire est désormais de 17 000 milliards de dollars. Dans une économie qui ne fait que la moitié de la taille de celle des Etats-Unis".
Comme point de référence, la masse monétaire américaine n’est que de 10 000 milliards de dollars.
L’économie chinoise va-t-elle s’effondrer ? Ses marchés vont-ils s’écrouler ? Nous n’en savons rien. Mais les profits se font à l’achat. Achetez la Chine et vous gagnerez probablement de l’argent.
▪ Et la Russie ?
On peut dire la même chose de la Russie — une autre favorite de notre équipe de recherche, menée par Robert Marstrand. Aujourd’hui, notre collègue Steve Sjuggerud est du même avis : "les valeurs russes ont grimpé en flèche la dernière fois qu’elles étaient aussi bon marché. Notre base de données montre un gain de 328% entre 2001-2004 et un gain de 167% entre 2008-2011. Une évolution similaire est possible en ce moment".
"Deuxièmement, le rendement des actions russes est très élevé. Lui aussi n’a été aussi haut qu’à deux reprises au cours des 12 dernières années — en 2001 et 2009. Ces pics ont mené à un gain de 83% en six mois et un gain de 119% en 15 mois, respectivement".
L’une de nos entreprises russes préférées, Gazprom, est valorisée comme si elle allait faire faillite. Elle ne se vend que trois fois les bénéfices, et fournit un rendement de 4%.
Pourquoi est-elle aussi bon marché ? Eh bien, il y a beaucoup de raisons… la moindre n’étant pas que les investisseurs considèrent la Russie avec une grande méfiance. Ils craignent que Vladimir Poutine ne soit pas entièrement dévoué à la cause de la démocratie… et que les affaires entre le gouvernement et les oligarques ne soient pas entièrement propres.
Nous tenons ces deux choses pour acquises… comme pour la Chine. Ou les Etats-Unis. Mais un dollar de gain, c’est un dollar de gain. Et si l’on est prêt à regarder au-delà des krachs, des coups d’Etat et des effondrements financiers, on pourrait gagner plus en Russie et en Chine qu’aux Etats-Unis.
Au moins, c’est mieux qu’un gribouillage de M. Wool.