La Chronique Agora

Chine : la fin du « Ponzi rouge » (2ème partie)

▪ Des projets comme celui évoqué vendredi — et la Chine en a à foison — sont un signe flagrant d’une catastrophe économique. Ils témoignent d’un simulacre, par nature intenable et instable, de capitalisme où l’objectif du crédit est de financer les quotas de PIB exigés par l’Etat et non des investissements efficients avec des rendements calculables.

Par conséquent, les formes extérieures du capitalisme sont remises en cause par un contrôle étatiste et une planification centralisée. Par exemple, il n’existe pas de système bancaire légitime en Chine — uniquement des administrations gigantesques dirigées par des membres du parti.

Leur modus operandi se résume à répartir les quotas de PIB national et de croissance de crédit définie au sommet puis de les redescendre en cascade à une longue chaîne hiérarchique allant des comtés, aux villes puis aux villages. Il n’y a jamais eu de prix légitimes des actifs financiers en Chine — tous les taux d’intérêt et les taux de change sont liés et réglementés à la virgule près ; il n’y a jamais eu non plus de comptabilité financière honnête — les emprunts sont des options perpétuelles pour continuer à "faire comme si".

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Le PIB chinois a augmenté de 10 000 milliards de dollars rien qu’au cours de ce siècle

Inutile de dire qu’il n’existe pas non plus de système de discipline financière basée sur le droit des contrats. Le PIB chinois a augmenté de 10 000 milliards de dollars rien qu’au cours de ce siècle — c’est-à-dire qu’il y a eu un boom à travers tout le pays en comparaison duquel la ruée vers l’or en Californie ressemble à une promenade bucolique. Toutefois, dans toute cette marche en avant effrénée, il n’y a quasiment eu aucune erreur, pas de casse sectorielle, pas de pénurie, voire même aucune faillite personnelle. Lorsque parfois un "investissement" a mal tourné, les prospecteurs se sont réunis en foule bruyante dans les rues et ont tapé sur leurs casseroles — un privilège que le régime a toujours invariablement accordé.

▪ Immeubles vides et surcapacité
En effet, à côté du Ponzi Rouge, Wall Street ressemble à une société de bonne moralité. Les constructeurs chinois se sont lancés dans une réplique de l’île de Manhattan pour 50 milliards de dollars près du port de Tianjin — avec son Rockefeller Center et ses Twin Towers — mais ils ont oublié d’informer les investisseurs que personne ne vit là. Pas même des banquiers !

En d’autres termes, même à l’apogée des récentes bulles financières à Londres, New York, Miami ou Houston, jamais on n’a vu construire de tels monuments pour célébrer le gaspillage économique et la destruction de capital. Mais il suffit de jeter un coup d’oeil sur le mammouth qu’est l’industrie sidérurgique chinoise.

Elle est passée d’une capacité d’environ 70 millions de tonnes au début des années 1990 à 1,2 milliards de tonnes aujourd’hui, soit 60% de la capacité totale mondiale actuelle. Il va sans dire qu’il est tout bonnement impossible de multiplier par 17 de manière efficiente la plus lourde des industries lourdes en un quart de siècle.

Le fait est que la Chine aura la chance d’avoir 500 millions de tonnes de véritable demande — c’est-à-dire une demande continue de tôles d’acier destinées aux automobiles, aux appareils et aux armatures pour le renouvellement de bâtiments, lorsque les excès actuels de construction de pyramides se termineront enfin — soit seulement 40% de ses investissements massifs.

C’est pour cela qu’il y a quelques jours, le Conseil des affaires de l’Etat à Pékin a fait une annonce pour le moins remarquable. A savoir, il fermera entre 100 millions et 150 millions de tonnes de capacité de fabrication d’acier. Cela signifie réduire la capacité par une quantité équivalente à la production annuelle du Japon, deuxième fabricant mondial d’acier, et près du double de la production des Etats-Unis.

▪ Un train fou
Ce ne sont pas là uniquement des comparaisons à couper le souffle. Il a fallu aux Japonais près de cinq décennies pour se hisser à la tête de l’industrie mondiale de l’acier grâce à des dizaines de milliers de perfectionnements sur les plans techniques et opérationnels. La Chine a créé le même tonnage chaque année après la crise financière mais il n’était basé que sur le grand n’importe quoi d’utopies entrepreneuriales.

Même chose pour l’industrie du ciment, la construction navale, les industries solaires et d’aluminium — sans parler des 70 millions d’appartements luxueux vides et des immenses autoroutes, des TGV, des aéroports, des centres commerciaux et des villes nouvelles.

Le revers de la bulle de crédit géante chinoise est le plus mauvais investissement massif des ressources économiques

Pour résumer, le revers de la bulle de crédit géante chinoise est le plus mauvais investissement massif des ressources économiques — main-d’oeuvre, matières premières et biens d’équipement — jamais vu. En effet, les anciennes porcheries rurales ont été écrasées sous des stocks de cuivre et les alentours urbains par des érections de verre et de ciment qui ne peuvent avoir de rendement économique mais qui sont tous devenus des "cautions" pour encore plus d’"emprunts" sur le Ponzi chinois.

La Chine est comme un train fou se dirigeant aux bords du précipice économique de la planète – une Terra Incognito monétaire — basé sur le principe circulaire d’emprunts, constructions, emprunts. Par essence, c’est un immense procédé de ré-hypothèque où la "dette" de l’un devient "l’actif" de l’autre.

Par conséquent, le gouvernement local a des revenus faibles mais des dettes hypertrophiées basées sur des stocks prodigieusement surévalués. Les entrepreneurs dans les mines de charbon doivent faire face à un effondrement des prix et des revenus, et à une flambée de taux d’intérêt à deux chiffres sur des prêts du shadow banking garantis par des réserves de charbon surévaluées. Les chantiers navals ont des carnets de commande vides, et des dettes immenses garanties par des constructions qui devraient prochainement être à l’arrêt. Les spéculateurs ont garanti d’énormes stocks de cuivre et de fer à des prix qui sont déjà de l’histoire ancienne.

La Chine se trouve donc au bord du plus grand appel de marge de l’histoire. Une fois que la valeur des actifs commencera à chuter, ses pyramides de dette seront exposées aux échecs de performance. Indubitablement, le régime luttera pour continuer son impression monétaire pendant un mois ou un trimestre, mais déjà les fractures apparaissent partout parce que le crédit a été trop loin, trop fort.

Tout comme le canon de Mao, l’impression monétaire a une date limite de vente.

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