La Chronique Agora

La Chine, une histoire de Cendrillon

▪ Tout le monde sait que, lorsque minuit sonne pour Cendrillon, le carrosse redevient citrouille, le cheval redevient souris et la merveilleuse robe se transforme en haillons. Le charme est rompu et c’est le retour à la réalité. Ce conte me fait penser à la Chine.

L’une des grandes questions cette année est de savoir si la Chine explosera ou pas. Atterrira-t-elle en douceur ou brutalement ? Quand minuit sonnera-t-il pour les Chinois ? Les choses vont au ralenti et il commence à se faire tard.

Mais en quoi cela nous concerne-t-il ? Cela nous concerne parce que la Chine est grande. Si nous étions dans les années 1980 — lorsque l’économie chinoise représentait environ 1/7e de l’économie américaine — personne n’en aurait cure. Aujourd’hui, l’évident appétit de la Chine pour les matières premières est l’une des principales raisons pour lesquelles les compagnies minières et pétrolières sont pleines aux as. Par conséquent, si vous investissez dans ce genre d’entreprises, le destin de votre portefeuille dépend de la réponse à la question sur le type d’atterrissage qui attend la Chine.

Pour obtenir quelques éclaircissements sur ce sujet, j’ai fait appel à mon ami Ben Simpfendorfer, fondateur de Silk Road Associates, basée à Hong Kong, et auteur d’un excellent livre intitulé The New Silk Road [« La nouvelle route de la soie », NDLR.]. Il rédige également une lettre d’information très intéressante ciblée sur la Chine et appelée China Insider. Ben parle couramment le mandarin et l’arabe et a énormément voyagé en Asie et au Moyen-Orient. Ainsi, il maîtrise parfaitement deux cultures que peu d’Occidentaux connaissent.

▪ Chine : atterrissage difficile… ou pas ?
J’admire son travail pour ces raisons mais aussi parce qu’il sait porter un regard critique et judicieux sur les perspectives de la Chine, alors que beaucoup d’autres experts se montrent soit invariablement optimistes soit invariablement catastrophistes. Dans sa dernière lettre, Ben pose la question qui me taraude : atterrissage difficile ou pas ?

Si Ben « n’attend pas d’atterrissage difficile en 2012 », en revanche, pour 2013-15, il est beaucoup moins optimiste. Cependant, comme pour toute prédiction, le raisonnement est plus important (et plus intéressant) que la conclusion. La clé est de comprendre que la Chine possède encore un fort pouvoir d’achat. Voici ce qu’il en dit…

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« La Chine pourrait se permettre de s’endetter plus encore au cas où il apparaîtrait que l’économie ralentit brusquement. Certes, cela a des conséquences sur la croissance à moyen terme, mais la capacité du pays de continuer à emprunter ou à assouplir encore plus la politique monétaire et fiscale écarte le risque d’un atterrissage brusque en 2012 ».

Par le passé, la Chine a pu éviter la crise financière parce qu’elle a simplement ordonné à ses banques et entreprises publiques d’entreprendre dans de grands projets. Elle a la capacité de continuer sur cette lancée en 2012. Un domaine dans lequel elle se concentrera certainement est celui du logement. Les prix de l’immobilier chutent dans tout le pays. Mais les marchés immobiliers sont extrêmement locaux. Il faut se méfier de ceux qui essaient de les mettre tous dans le même panier. Ben en est conscient :

« Si l’on se penche sur les quartiers des principales villes du pays, on voit que les ventes de biens immobiliers se sont effondrées dans des zones centrées sur Pékin, Shanghai et Hangzhou », observe-t-il, « même si elles restent stables dans des villes comme Chongqing, Hefei et Shenyang ».

Ben continue :

« Ma propre expérience — j’ai visité une dizaine de villes de taille moyenne au cours des six derniers mois — confirme ces chiffres. Certaines villes sont clairement sur le point de subir un terrible krach immobilier tandis que d’autres semblent plus équilibrées car elles ont une offre moindre, mais également une économie locale plus forte (généralement, il s’agit des provinces côtières) qui dépend moins du stimulus fiscal ».

▪ L’immobilier comme mesure de soutien gouvernemental
Parlons-en de ce stimulus : le gouvernement chinois prévoit de construire sept millions de logements sociaux par an au cours des cinq prochaines années. Cela représente une forte augmentation par rapport aux trois millions de logements construits dans les années 2008-2010. Et c’est beaucoup plus que les 5 millions de logements construits par le secteur public au cours de cette même période.

Mais réfléchissons à ce que cela signifie. Il s’agit d’un stimulus artificiel. Son principal objectif est de maintenir les gens au travail. Toutefois, le marché lui-même ne soutient clairement pas une telle augmentation. Ainsi, de plus en plus, l’économie chinoise devient dépendante des dépenses publiques. Nous savons que de telles dépenses ne mènent à rien. Ou bien, dans le cas de la Chine, elles mènent à des immeubles de bureaux vides, à des tours de logements vides, à des centres commerciaux vides et, effectivement, à des villes vides. Ceci pose un grand problème — mais ce n’est sans doute pas pour 2012.

Ben conclut : « que ce soit à cause de la probabilité qu’un krach immobilier sera limité à certaines parties du pays ou à cause de la capacité de la Chine à injecter plus de crédit dans l’économie, il est probable que 2012 s’avérera étonnamment terne, avec une économie qui ralentit mais qui continue à croître à un taux d’environ 8% »…

C’est également une année d’élections en Chine. Les hauts dirigeants seront remplacés fin 2012. Raison de plus de s’attendre à des dépenses massives de la part du gouvernement pour ne pas rompre le charme, ne serait-ce que pour une année encore.

C’est ce qui se passera juste après 2012 qui pose problème. Peut-être le gouvernement dépense-t-il tellement que cela produit des chiffres économiques qui semblent raisonnables et permet aux gens de garder leur travail, mais la croissance économique qui en résulte aura été une chimère. Les économies n’existent que pour satisfaire les besoins et les désirs des hommes. Elles n’existent pas pour produire des chiffres qui font bien dans les rapports économiques.

L’économie chinoise aura échoué — tout comme les autres économies étatiques — dans sa tâche essentielle de servir les consommateurs. La fiction coûtera alors cher. Les caisses de la Chine, aussi pleines qu’elles semblent être, ne sont pas extensibles. Tout cela signifie que l’effondrement est inévitable, même s’il est difficile de dire quand il aura lieu.

Au moins pour 2012, il semble que les investisseurs peuvent compter sur la Chine pour continuer à dépenser. Mais l’heure tourne et minuit approche.

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