Le président Obama a mené la politique étrangère la plus délétère de tous les présidents des Etats-Unis depuis Woodrow Wilson.
Ce n’est pas seulement en raison de cet ambassadeur mort dans les rues de Benghazi, de cette ligne rouge bidon, en Syrie, qui a provoqué 400 000 morts, deux millions de blessés et deux millions de réfugiés, de l’Egypte tombée aux mains des islamistes radicaux, ou de l’habilitation d’un régime terroriste en Iran.
Ces évènements à eux seuls permettent de classer Obama au rang des pires présidents en matière de politique étrangère. L’erreur la plus flagrante qu’il ait commise est bien pire : il s’agit de son incapacité à cerner cette dynamique de l’équilibre du pouvoir entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine.
Le monde compte trois grandes puissances : les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Toutes les autres nations représentent des alliés secondaires ou tertiaires de ce trio. Au sein d’un système comptant trois puissances, l’objet de la politique étrangère, pour une première puissance, est de s’aligner avec l’une des deux autres au détriment de la troisième.
Le retour en grâce américaine de la Russie évincée
Une grande puissance qui ne mène pas cette politique devient victime de l’alliance entre les deux autres. Cette alliance n’a pas besoin d’être permanente. Elle peut évoluer, comme cela s’est produit avec l’ouverture de Nixon sur la Chine, qui a placé la Russie sur la défensive et provoqué, au bout du compte, la chute de l’Union soviétique.
Cette dynamique n’est pas difficile à comprendre. Des joueurs de Risk, le jeu de société géostratégique, savent que si la partie commence avec six joueurs, elle évolue rapidement vers trois survivants. A ce stade, il est impératif que deux des joueurs s’allient et détruisent le troisième en l’attaquant systématiquement, tout en évitant de s’attaquer l’un l’autre. La victime est rapidement rayée de la partie.
Bien entendu, la géopolitique est plus complexe qu’une partie de Risk. Les joueurs sont rarement éjectés de la partie. Le fait de poursuivre leurs objectifs nationaux les avantage ou désavantage temporairement, simplement. Mais, ces dynamiques triangulaires, à deux contre un, sont fondamentalement identiques. Bismarck le savait bien. Kissinger aussi. Mais Obama, non.
Obama a adhéré à une idéologie mondialiste dépourvue de toute corrélation avec le monde réel, en dehors des amphithéâtres universitaires et des salons de Georgetown. Dans le monde selon Obama, les Etats nations sont un problème et non une solution.
Les Etats nations dissolus dans un « gouvernement mondial » ?
Les objectifs mondiaux sur des questions telles que le changement climatique, le commerce, le plan de fiscalité mondiale de l’OCDE, et la monnaie mondiale du FMI, exigent des institutions mondiales. Les Etats nations constituent des obstacles temporaires jusqu’à ce qu’une gouvernance mondiale puisse se construire au travers d’institutions transnationales non démocratiques.
Pendant ce temps, la Russie et la Chine n’ont jamais perdu de vue leurs intérêts nationaux. Alors que leurs leaders participaient scrupuleusement aux mêmes évènements multilatéraux qu’Obama, tels que le G20, le FMI et les sommets régionaux, ces deux pays ont toujours placé la Russie et la Chine en premier. Pour eux, le monde est un endroit dangereux au sein duquel l’intérêt national doit être impitoyablement mis en avant. Rien à voir avec la vision d’Obama de l’ordre mondial, auréolée d’illusions mondialistes naïves.
Les ennemis historiques – Chine et Russie – alliés sur le dos des Etats-Unis
Ce réalisme pur et dur de la Russie et de la Chine, associé au manque de réalisme d’Obama, a abouti au pire résultat possible pour les Etats-Unis. La Russie et la Chine ont étroitement mêlé leurs destins et sont en train de créer une solution alternative durable au système fondé sur le dollar, qui date de l’après-guerre et que les Etats-Unis dominent.
Ces initiatives russo-chinoises comprennent notamment une coopération de plus en plus forte entre les BRICS, l’Organisation de Coopération de Shanghai, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, la Nouvelle Route de la Soie, et des actions conjointes en matières de systèmes d’armement et d’aérospatiale.
Plus menaçant encore : au cours de ces 10 dernières années, la Russie a augmenté ses réserves d’or de 203%, et la Chine de 570%, selon les estimations. Une telle accumulation d’or n’a d’autre but que de poser les fondations d’un système monétaire international qui ne serait pas basé sur le dollar. Aucune grande puissance ne tient longtemps, sans une monnaie solide. Lorsque l’on ne fera plus confiance au dollar, la puissance américaine chutera avec lui.
[NDLR : Comment profiter de ces revirements et changements d’alliance ? Comment prévoir le D-Day, jour où le dollar, sous la pression de la Chine, de la Russie, de l’Inde ou même du Brésil, perdra son statut ? Tout est expliqué ici !]
Obama a commis une bourde car il a permis à la Russie et à la Chine d’appliquer la dynamique du deux contre un, et de faire des Etats-Unis celui qui est de trop. Heureusement, il n’est pas trop tard pour inverser cette dynamique. Les signes émanant du gouvernement Trump sont encourageants. Les premiers actes de Trump, et ses premiers rendez-vous, suggèrent qu’il comprend la position précaire des Etats-Unis, et qu’il se mobilise déjà en vue de modifier le statu quo.
Le retour des Etats-Unis vers un allié naturel
La Russie représente un allié plus naturel, pour les Etats-Unis, que la Chine. La Russie est dotée d’un système parlementaire, à connotations autocratiques, certes. La Chine, quant à elle, est une dictature. La Russie a réhabilité l’église Orthodoxe, au cours de ces dernières décennies. La Chine, elle, est officiellement athée. La Russie encourage la croissance démographique alors que la politique de l’enfant unique, en Chine, ainsi que les avortements sélectifs, ont abouti à la mort de plus de vingt millions de fillettes.
Ces aspects culturels — les élections, le Christianisme et la famille — confèrent à la Russie des affinités naturelles avec les nations occidentales. Militairement, la Russie est également supérieure à la Chine, en dépit des récents progrès de ce pays. Dans le cadre d’un scénario à deux contre un, ces éléments font de la Russie un allié plus souhaitable.
L’argument le plus fort pour choisir la Russie en vue de mettre la Chine en échec, c’est l’énergie. Les Etats-Unis et la Russie sont les deux plus grands producteurs d’énergie dans le monde. La production énergétique américaine va encore augmenter, avec le soutien du gouvernement Trump.
La production russe va également augmenter, en partie grâce aux initiatives menées par Rex Tillerson, d’Exxon, bientôt Secrétaire d’Etat. La Chine a peu de réserves de pétrole et de gaz naturel et s’appuie largement sur du charbon « sale » et de l’énergie hydraulique. Le reste des besoins en énergie de la Chine est couvert par l’importation.
Une alliance dans l’énergie pour renverser le parti communiste chinois
Une alliance énergétique entre les Etats-Unis et la Russie, soutenue par l’Arabie Saoudite, pourrait mettre en péril l’économie chinoise et, par extension, la position du Parti communiste chinois. Cette menace est suffisante pour s’assurer que la Chine se plie aux objectifs américains.
L’émergence d’une entente entre les Etats-Unis et la Russie pourrait également aboutir à un allègement des sanctions économiques que l’Occident a infligées à la Russie. Cela ouvrirait la porte à une alliance entre l’Allemagne et la Russie. Ces deux économies sont presque parfaitement complémentaires dans la mesure où l’Allemagne est riche en ressources technologiques et pauvre en ressources naturelles, et que la Russie est dans la situation contraire.
L’isolement de la Russie est une mission perdue d’avance. L’économie russe est douzième au rang mondial. Le pays détient le territoire le plus vaste du monde, la puissance nucléaire, d’abondantes ressources naturelles, et c’est une destination recherchée pour l’investissement direct étranger (IDE). La culture russe est très résistante aux pressions extérieures, mais ouverte à la coopération extérieure.
De même que cinquante ans de sanctions à son encontre n’ont pas modifié le comportement de Cuba, les sanctions américaines ne modifieront pas le comportement de la Russie, sauf pour l’aggraver. L’engagement, et non la confrontation, représente la meilleure voie. Le nouveau gouvernement Trump l’a bien compris.
Le sens de l’Histoire de Poutine, qui reste, n’est pas celui d’Obama, qui s’en va
Certaines voix américaines, notamment celles de John McCain, Mitch Connell et Lindsey Graham, vont vite en besogne en déclarant que « la Russie n’est pas notre amie ». Et pourquoi pas ? Serait-ce parce que le président Obama a publiquement humilié Vladimir Poutine en déclarant qu’il était « comme un enfant qui se morfond à l’arrière de la salle de classe » ?
Serait-ce parce que le président Obama a proclamé que la Russie, sous la direction de Poutine, était « du mauvais côté de l’histoire » ? En fait, le sens de l’Histoire de Poutine remonte à Pierre le Grand. Celui d’Obama ne semble pas remonter plus loin que 1991.
La plupart des tensions entre les Etats-Unis et la Russie sont nées de l’invasion de la Crimée et de l’est de l’Ukraine par la Russie, en 2014. Mais cette invasion de la Crimée n’aurait dû étonner personne. Les services du renseignement américains et britanniques, de même que certaines ONG étrangères, ont déstabilisé le gouvernement élu pro-russe, à Kiev, début 2014, provoquant ainsi l’exil en Russie du président de l’Ukraine, Ianoukovitch.
L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’Union européenne a toujours été jugée présomptueuse. Mieux valait considérer l’Ukraine comme un état-tampon quasi-neutre, entre l’Est et l’Occident, que mettre en jeu son statut. L’Ukraine a toujours été divisée, d’un point de vue culturel. A présent, le pays est également divisé du point de vue politique.
L’emprise de la Russie sur l’Ukraine a été provoquée par les interventions occidentales irréfléchies d’Obama et de David Cameron. Obama va bientôt quitter la scène et Cameron l’a déjà fait. Poutine est le dernier homme à rester debout, ce qui n’est pas étonnant chez quelqu’un qui s’intéresse notamment aux arts martiaux et aux échecs.
Les Etats-Unis ont commis des bourdes en matière de politique étrangère, au cours de ces huit dernières années. La Russie est un allié naturel que l’on devrait réhabiliter.
Un nouveau gouvernement, dirigé par Trump, a l’opportunité d’inverser ces erreurs en créant des passerelles vers la Russie, et il semble que les choses évoluent dans cette direction.