La Chronique Agora

Chameaux, riches et Paul Volcker

Le système monétaire et financier est truqué – de longue date. Mais il se pourrait que les anciennes recettes ne fonctionnent plus…

Il est peut-être plus facile pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille que pour un riche d’entrer au royaume de Dieu… mais, ces 30 dernières années, ils ont été nombreux à vouloir essayer.

Qui plus est, la partie était truquée en leur faveur. Dans les faits, ils ont obtenu des prêts à taux bas de la part de la Réserve fédérale et ont utilisé l’argent pour faire grimper les prix de leurs actions et obligations… racheter leurs propres actions… financer leurs programmes insensés… et se remplir les poches de salaires, bonus et dividendes exorbitants.

La partie reste truquée

Ceux qui subissent La Chronique Agora de longue date connaissent bien cette escroquerie.

C’est pour cela que les riches sont bien plus riches aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a 30 ans.

C’est pour cela que le Dow frôle des sommets record – il est 15 fois plus élevé qu’après le krach de 1987.

C’est pour cela qu’une telle quantité des nouvelles entreprises capitalistes américaines – comme Uber, Lyft, WeWork, DoorDash, Tesla, Wag, Peloton et Postmates – sont censées valoir des milliards alors même qu’aucune d’entre elles n’a jamais gagné un sou. (Perdre de l’argent signifie qu’elles détruisent du capital ; elles n’en créent pas.)

C’est pour cela qu’il y a 73 000 Mds$ de dette aux Etats-Unis (publique et privée) – dont 25 000 Md$ ont été ajoutés ces 10 dernières années. C’est aussi pour cela que cette dette est deux fois supérieure à la charge de dette américaine traditionnelle.

C’est pour cela que les élites ont plus d’influence qu’elles n’en avaient il y a 30 ans (elles ont plus d’argent à utiliser)… et que les banlieues de Washington sont parmi les plus riches du pays.

C’est en grande partie pour cela que l’économie a ralenti… que les salaires réels ont stagné… et que la corruption a augmenté.

Enfin – comment l’oublier ? –, c’est pour cela que Donald Trump a été élu président des Etats-Unis. Les électeurs ont perdu foi dans les élites des deux parties, et se sont tournés vers une canaille qui était extérieure à tout cela.

Aujourd’hui, le trucage qui a causé tout cela est encore en place. Ce qui nous conduit à nous demander… pourrait-il être profitable pour nous aussi ?

Ce que l’or raconte

Le problème, avec les trucages, c’est qu’ils ne restent pas toujours en place. Rappelez-vous les années 1970. En 1971, les autorités américaines ont fait un petit tour de passe-passe, substituant l’ancien dollar fiable adossé à l’or par de l’argent bidon – des « notes de la Réserve fédérales » adossées à… rien du tout.

Aussi sûr que la nuit suit le jour, les prix à la consommation ont grimpé. En août de la même année, l’inflation atteignait 6% aux Etats-Unis. Paniqué, Richard Nixon mit en place un système de contrôle des prix et des salaires. En 1974, l’inflation était encore plus brûlante. Gerald Ford déclara qu’elle était « l’ennemi public numéro un ».

Aucune de ces combines n’a eu le moindre effet sur l’inflation.

L’or racontait la même histoire. En 1970, on pouvait acheter une once d’or pour 36 $. Lorsque Nixon est apparu à la télévision avec ses contrôles de prix et de salaires, elle se vendait déjà 42 $. Quand Gerald Ford en est arrivé à l’ennemi public, on était à 150 $ l’once. Et le métal jaune dépassait les 600 $ l’once lorsque l’inflation a atteint 14% à la fin de cette décennie.

L’amer remède du Dr Volcker

C’est à ce moment-là que Howard Ruff, rédacteur d’une lettre d’information financière, a vu l’avenir. Le trucage était encore en place, raisonna-t-il. Les autorités avaient leur argent bidon ; elles n’allaient pas y renoncer. Elles n’allaient pas non plus abandonner leurs dépenses et leurs gabegies. L’inflation allait donc grimper… tout comme l’or.

« L’or atteindra bientôt les 5 000 $ l’once », prédit-il.

Le trucage était bien en place… mais il n’était pas aussi simple que l’imaginait Howard. Ou, pour dire les choses autrement, il existait un moyen d’empêcher la fausse monnaie d’exploser… au moins pendant un temps.

Le président de la Fed, Paul Volcker, avait trouvé ce moyen. Volcker, qui est toujours en vie, n’était pas un universitaire comme ses successeurs Ben Bernanke et Janet Yellen. Il n’était pas non plus un brasseur d’argent assoiffé de succès comme l’était son remplaçant immédiat, Alan Greenspan.

Volcker faisait partie de l’administration Nixon lorsqu’avait été prise la décision fatidique d’abandonner l’ancien dollar. Il pensait qu’il était de son devoir de faire en sorte que le nouveau système fonctionne.

C’était le piège classique : « l’inflation ou la mort ». Le seul moyen de soutenir le boom inflationniste était d’ajouter encore plus d’inflation. L’alternative, bien entendu, était de mourir.

L’épouse de Volcker l’a supplié de ne pas accepter le poste à la Réserve fédérale. Cela entraînait une considérable réduction de ses revenus… sans oublier qu’il serait à la merci des outrages d’un peuple scandalisé.

Pourtant, en août 1979, Volcker prit les rênes de la Fed. Sa mission était de tuer l’inflation. Ce qu’il fit en augmentant le taux directeur de la Fed jusqu’à 20%, atteints en juin 1981. Les taux hypothécaires grimpèrent jusqu’à 16%. Cela causa la pire récession depuis la Grande dépression, en 1929.

Les sénateurs et membres du Congrès US demandèrent la tête de Volcker. On fit brûler son effigie sur les marches du Capitole. Des économistes dans tout le pays réclamèrent son départ auprès de Ronald Reagan.

Le remède de Volcker était si amer que nous frissonnons, et nous nous demandons comment lui… ou le pays… a réussi à y survivre.

Mais cela a fonctionné. Il a réparé le trucage. L’inflation a baissé. Et l’or n’a pas atteint les 5 000 $ dans les années 1980… ni dans les années 1990… ou à ce jour au XXIème siècle.

De l’argent bidon

Hélas, ce n’est pas la fin de l’histoire. L’argent bidon est toujours là. Les gros bonnets s’appuient plus que jamais sur lui. Tant la dette fédérale que les déficits fédéraux sont plus de 50 fois supérieurs à ceux de 1971.

Une fois encore, c’est « l’inflation ou la mort ».

Mais à présent, Paul Volcker n’est nulle part en vue.

Le trucage est encore plus profondément implanté, en d’autres termes.

Prochainement, nous verrons pourquoi, cette fois-ci, on ne pourra pas le réparer… et pourquoi Howard Ruff pourrait finir par avoir raison, en fin de compte… mais avec 40 ans d’avance.

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