▪ La ruée vers les shale gas dont nous parlions hier a profondément et durablement transformé le paysage énergétique américain. Le shale gas est devenu la seconde source énergétique du pays. Il permet d’y chauffer plus de la moitié des foyers et alimente une flotte de plus de 130 000 véhicules. De plus en plus de voitures pourraient rouler au gaz, du moins telle est l’ambition d’un investisseur majeur aux Etats-Unis, T. Boone Pickens, dont le but est la totale conversion au gaz des véhicules du pays.
Dans les années à venir, les experts s’attendent à ce que de 75 à 90% des nouvelles réserves de gaz qu’utiliseront les Etats-Unis soient issus de la découverte de nouveaux gisements de gaz bitumineux. Dès 2020, ce gaz non conventionnel devrait représenter la moitié du gaz utilisé en Amérique du Nord.
Cet incroyable potentiel est encore méconnu du grand public — le moment est donc idéal pour investir sur ce secteur — mais n’est pas passé inaperçu auprès des hommes politiques. Aux Etats-Unis, le rêve d’une indépendance énergétique semble plus que jamais à portée de main.
Les Etats-Unis ont donc une longueur d’avance en matière de shale gas. Mais ils sont talonnés de près par le Canada, dont les gigantesques réserves laissent rêveurs les investisseurs. Plus que les Etats-Unis, c’est d’ailleurs sur le potentiel de cet autre géant nord-américain que j’ai choisi de miser dans la lettre Défis & Profits.
▪ Une nouvelle énergie abondante
Le premier avantage des shale gas : leur disponibilité. A l’heure où l’on parle de Peak Oil et où les prix du pétrole se reprennent, le gaz, en particulier non conventionnel, apparaît de plus en plus comme une alternative fiable. Ainsi, comme le raconte Prospect, l’été dernier, le Potential Gas Committee de la Colorado School of Mines a établi que les réserves de gaz non conventionnel assuraient un approvisionnement en gaz aux Etats-Unis pour au moins un siècle. Les experts pensent que cette estimation n’est pas figée, et qu’elle devrait, au
contraire, croître.
Mais il n’y a pas que l’Amérique du Nord qui soit riche en shale gas, et c’est d’ailleurs cela qui bouleverse totalement la donne énergétique mondiale. En effet, le gaz non conventionnel devrait, selon Petroleum Economist, permettre de réévaluer les réserves mondiales de gaz de 60 à 250%. Pour certains analystes, Petroleum Economist est encore bien en deçà de la vérité.
Voilà donc une source énergétique abondante, rentable et même propre. Autant de qualités qui assurent son avenir. En effet, brûler du gaz dégage deux fois moins de CO2 que brûler du charbon (les shales gas sont écologiques, à condition, toutefois, d’éviter pendant l’extraction les fuites de gaz méthane, qui accélère l’effet de serre, ou les fuites d’eau chargées d’éléments chimiques, nécessaires à la fracturation).
▪ Un enjeu international majeur qui va modifier les rapports de force
Evidemment, ce repositionnement des Etats-Unis sur les shale gaz a complètement bouleversé la donne énergétique mondiale. Non seulement cet afflux de gaz nouveau a fait chuter les prix sur le marché, mais il a permis aux Etats-Unis de devenir un exportateur net de gaz, une situation qui inquiète les pays de "l’OPEP du gaz", soit, traditionnellement les plus grands exportateurs mondiaux. Une inquiétude qui grimpe d’autant plus que les Etats-Unis sont loin d’être les seuls à posséder des shale gaz.
Partout dans le monde, les nations s’éveillent et sondent leurs sous-sols pour savoir si, elles aussi, sont riches de gaz non conventionnel, poussées par les entreprises qui y voient leurs intérêts.