A peine le nouveau gouvernement Barnier formé, il est difficile de ne pas remettre en question la légitimité de certains nommés, dont la proximité avec le cercle intime du président suscite des interrogations.
Le doute n’est plus guère possible : la dissolution de l’Assemblée au soir du 9 juin et l’émergence de trois forces principales s’excluant les unes les autres a permis à l’hôte de l’Elysée d’orchestrer un faux suspens de deux mois qui débouche sur la victoire d’un 4e larron – Michel Barnier – qui fut probablement le premier choix présidentiel au soir du 7 juillet, ou même du 9 juin.
La composition de l’équipe ministérielle de Michel Barnier a tout d’un gouvernement « Macron-3 » : ultra-favorable à la ligne euro-fédéraliste en place depuis sept ans, pro-atlantiste, pro-technostructure bruxelloise et pro-OTAN. Cela semble évident avec la nomination de Benjamin Haddad, soutien de Macron depuis 2017, élu député LREM à Paris, lobbyiste pro-US et pro-guerre assumé avec la Russie.
Michel Barnier ménage donc les meilleurs fauteuils de ministres et de conseillers à Matignon à des proches du président, à sa « garde rapprochée » depuis 2015, et même – ce n’est pas une exagération – à des intimes de la famille Macron.
Aucun des 39 membres du gouvernement (l’un des plus pléthoriques de la Ve République, et de ce fait potentiellement l’un des plus coûteux en termes de masse salariale) n’est hostile au pensionnaire de l’Elysée ou à la politique menée depuis sept ans. Aucun ne reflète le désir de changement exprimé par les Français à trois reprises entre le 9 juin et le 7 juillet, à commencer par la traque de la fraude fiscale, pudiquement requalifiée « d’optimisation » ou « d’évitement de la sur-imposition ».
Aucun ne porte les réformes souhaitées par une large majorité d’électeurs concernant les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises (comme le CICE), le soutien au pouvoir d’achat, la refonte de la réforme des retraites… Et pas question non plus de remettre en cause le soutien à l’Ukraine.
La nouvelle aide de 25 milliards d’euros (un soi-disant prêt qui ne sera jamais remboursé) adoptée par Bruxelles (comprenez, imposée par Washington et Ursula von der Leyen) coûtera 7 milliards d’euros à la France (sa quote-part) et l’Allemagne versera près de 10 milliards d’euros. Des aides massives de la France à l’Ukraine et à l’Afrique du Sud (au-delà du milliard d‘euros) n’ont jamais été discutées à l’Assemblée et relèvent du « fait du prince », au mépris de notre Constitution.
D’autres aides mériteraient d’être rediscutées : celle que reçoit l’Algérie (800 millions d’euros par an), celle allouée au titre du développement de la Chine (140 millions de dollars), mais aussi les dotations aux associations (30 milliards de dollars), dont beaucoup ressemblent à du clientélisme ou à des cadeaux aux proches du pouvoir.
Pendant ce temps-là, l’hôpital Georges Pompidou a dû lancer une cagnotte pour s’offrir un nouveau scanner (c’était fin décembre 2023 ou début 2024).
Avec plus de 1 000 milliards d’euros d’endettement de la France, la nomination la plus attendue était naturellement celle du ministre de l’Economie. Et là, en termes de « non-rupture » avec la tutelle exercée par l’Elysée, on n’est pas déçus !
Emmanuel Macron va avoir comme interlocuteur Antoine Armand, un fidèle parmi les fidèles de LREM/Renaissance et un véritable clone du président, issu (comme lui) de l’ENA et de l’inspection générale des finances.
Lors de son allocution pendant la passation de pouvoir à Bercy, il s’est dit « fier d’hériter d’un bilan aussi impressionnant que celui laissé par Bruno Le Maire ». Il décerne un 18/20 à son prédécesseur – seulement deux points en moins car il n’a pas pu aller au bout de son mandat, et un 20/20 à son équipe qui « s’est distinguée par sa compétence, son dévouement et son efficacité ».
En effet, plus de 1 000 milliards d’euros de dette en sept ans, personne n’a jamais fait mieux : un 20/20 amplement mérité.
Antoine Armand déclare qu’il n’est pas hostile à des hausses d’impôt temporaires et ciblées, qui se transforment immanquablement en « universelles et permanentes » en France. Mais qui sont les « riches » ? Ceux qui gagnent plus de 300 000 €/an sont invulnérables, car ils se sont déjà délocalisés fiscalement depuis des décennies. Donc, il reste comme d’habitude les « classes moyennes supérieures ou aisées » – comprenez ceux qui gagnent plus de 4 000 €/mois selon une majorité d’économistes de gauche, très prisés par nos médias.
Il ne semble même plus que le déplafonnement de la flat tax, qui limite l’imposition des revenus et plus-values de valeurs mobilières soit encore sur la table. Michel Barnier évoquait « plus de justice fiscale ».
En revanche, en fidèle de Macron, Antoine Armand n’aura rien contre le matraquage des propriétaires fonciers.
Il n’aura aucune commisération pour les retraités, qui sont en moyenne plus riches que ceux qui travaillent ou les inactifs, en particulier ceux qui perçoivent des indemnités chômage. C’est devenu une obsession de Bercy et de l’Elysée d’encourager « ceux qui travaillent » et de pénaliser ceux qui vivent de leur rente ou des aides publiques.
Ce n’est pas le cas des caisses d’indemnisation des chômeurs du secteur privé qui sont privées et excédentaires : il y a là un trésor de guerre dont veut s’emparer l’Etat pour le redistribuer à la sphère publique, éternellement déficitaire, à l’image du régime de retraite des fonctionnaires, dont le montant est systématiquement sous-évalué.
Le pot d’adieu de Bruno Le Maire à Bercy était tout sauf un « tournant » pour les Français : une pure transmission de flambeau à un nouveau champion de la secte, plébiscité par le gourou élyséen et par Von der Leyen, qui s’était immédiatement réjouie de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre. Elle le décrit comme un homme qui « a les intérêts de l’Europe et de la France à coeur, comme le démontre sa longue expérience ».
Oubliez les intérêts de la France, puisque Michel Barnier est celui qui a enterré, avec Sarkozy, le vote des Français contre la Constitution européenne et qui a aidé à rédiger le Traité de Lisbonne.
En termes de proximité avec le président, rien ne peut surpasser la nomination de Marc Ferracci comme ministre délégué à l’Industrie. Il fréquente Emmanuel Macron depuis ses 22 ans sur les bancs de « Science-P », il a été vice-président de LREM à l’Assemblée nationale, après avoir été co-auteur du programme pour la refonte de l’assurance-chômage du candidat Macron.
Il a surtout été témoin de mariage du couple présidentiel, qui réciproquement fut témoin à son mariage avec Sophie – qui n’était autre que la chef de cabinet du futur président à Bercy. Comme le monde politique est petit !
Il devient tellement petit que cela commence à ressembler un conseil d’administration familial détenant 51% des parts, qui fait ce qu’il lui plaît dans un entre-soi proche d’une secte, en se fichant totalement du vote des actionnaires minoritaires. Alors que ce sont eux justement, les minoritaires !