La Chronique Agora

Ceci n'est pas une dépression de Grand-Papa

▪ Le débat inflation/déflation fait rage… Il pétille et craque comme un feu de pommes de pin. Mais il n’éclaire guère. Abraham Lincoln lisait peut-être à la lueur d’un feu de bois, mais lorsque nous avons essayé, nous n’avons fait que nous roussir les sourcils.

Aujourd’hui, nous allumons donc une chandelle et essayons d’interpréter les ombres qui dansent sur le mur…

Les autorités réussiront-elles à provoquer l’inflation, ou échoueront-elles ? Le dollar continuera-t-il à baisser ? Ou bien se révélera-t-il être une devise refuge alors que les problèmes déflationnistes nous entourent ?

Selon les journaux, les autorités ont déjà réussi. "La Fed annonce que la reprise est en cours" titrait un journal mardi.

Un autre titre nous dit que les autorités commencent à envisager de mettre fin à leurs interventions. Mais à quoi ressemblera l’économie une fois qu’elles auront cessé d’y mettre le nez ? Il suffit de regarder les ventes automobiles. Les gens ont acheté des voitures lorsque les autorités les ont soudoyés pour le faire. Lorsque les pots-de-vin ont cessé, il en a été de même pour les ventes. A présent, le programme de subventions automobiles a pris fin, et les araignées sont très occupées à tisser de nouvelles toiles dans les salles d’exposition des concessionnaires. Les ventes ont chuté de 38% aux Etats-Unis entre août et septembre… pour atteindre un plancher de 28 ans.

Les ventes immobilières ont elles aussi été stimulées par les remises d’impôts. Selon une estimation dont nous parlions hier, 350 000 ventes de nouvelles maisons ont bénéficié d’une intervention fédérale depuis janvier — environ 80% du total. Que se passera-t-il quand ce programme prendra fin en novembre ? Eh bien… voyons voir… euh… les ventes de maisons chuteront, pas vrai ?

Les spéculateurs s’inquiètent quant à eux de ce qui arrivera lorsque les autorités mettront fin à leurs interventions dans le secteur financier, en décembre. Grâce à l’argent de contribuables, les banquiers n’ont pas eu à faire face aux conséquences de leur propre stupidité. Au lieu de ça, les contribuables paient pour leurs erreurs. Personne ne s’en formalise vraiment. Les contribuables ne savent pas ce qui se passe. Et les banquiers sont ravis de conserver le style de vie auquel ils se sont habitués. Reuters nous en dit plus :

▪ "On ne le dirait pas en voyant son bulletin de salaire, mais Jiang Jianqing dirige la plus grande banque au monde. Jiang, président de la Industrial & Commercial Bank of China, n’a gagné que 234 700 $ en 2008. Cela représente moins de 2% des 19,6 millions de dollars accordés à Jamie Dimon, directeur de la quatrième plus grande banque au monde, JP Morgan Chase & Co.

"Ce contraste illustre les différences de salaires considérables parmi les PDG des plus grandes banques du monde. La rémunération des PDG des grandes banques américaines domine largement ce qui est versé aux dirigeants bancaires dans d’autres parties du monde, selon une analyse de salaire effectuée par Reuters sur les 18 plus grandes banques selon leur valeur marchande".

"Les Etats-Unis accueillent quatre des neuf plus grandes banques au monde — JP Morgan, Bank of America Corp., Wells Fargo & Co. et Citigroup Inc. Ils hébergent également quatre des six PDG bancaires les plus grassement rémunérés".

"La Chine, par exemple, peut se vanter de posséder trois des quatre plus grandes banques au monde ; pourtant, les dirigeants de ces banques — Industrial & Commercial Bank of China, China Construction Bank Corp et Bank of China — sont parmi les moins bien payés parmi ceux étudiés par Reuters. Le directeur et le président de chacune de ces banques sont payés environ 230 000 $ par an".

Si les capitalistes "pour de faux" des Etats-Unis veulent verser à leurs PDG des salaires exorbitants, c’est leur affaire. Que le diable les emporte. Mais voilà que les autorités interviennent… et tout le monde en paie le prix. Si le programme prend effectivement fin en décembre, comme programmé, nous verrons jusqu’où l’économie ira sans l’argent des contribuables dans son réservoir. Une petite supposition : il finira par s’arrêter ?

▪ Pourtant, aussi malfaisantes et imbéciles que soient les autorités, le public les soutient. Les gens pensent que Bernanke a évité la "Deuxième grande dépression", et que le gouvernement a sauvé l’économie. Ils ne voient rien d’autre qu’une route parfaitement dégagée devant eux… avec peut-être un petit cahot de temps à autre.

Qu’est-ce qui nous attend ? Nous n’en savons rien. Personne n’en sait quoi que ce soit. Il n’y a pas de précédent. Jamais encore une banque centrale n’avait réagi si violemment à une correction boursière. Jamais encore la base monétaire n’avait explosé dans de telles proportions. Jamais encore tant de gens enfouis sous tant de factures à payer ne s’étaient trouvés confrontés à un tel retournement économique.

Mais au milieu de la confusion, des incertitudes et du bruit… votre correspondant attend la dépression avec calme, bonne humeur et confiance. Oui, cher lecteur, nous ne savons pas ce que les marchés vont faire. Nous ne savons pas à combien l’or se vendra l’an prochain… ou ce que sera le PIB réel des Etats-Unis. Mais lorsque nous regardons les ombres… nous avons l’intuition que nous entrons dans une dépression… et que nous n’en sortirons pas de sitôt.

Ceci dit, nous prévenons le lecteur : n’attendez pas de files devant la Soupe populaire ou de gens vendant des pommes au coin des rues. C’est une dépression du 21ème siècle. Une dépression avec iPhones et Twitter. C’est pas PAS la dépression de Grand-Papa.

Restez à l’écoute…

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile