La Chronique Agora

Ce ne sont pas les obus de Pyongyang qui font le plus de dégâts !

▪ Il faudrait garder en permanence un oeil sur l’agenda de Hu Jintao et souligner au marqueur les visites officielles d’émissaires ou de représentants du gouvernement américain. A chaque fois que l’un d’entre eux pose le pied à Pékin, la Corée du Nord se fend d’une bonne vieille provocation, histoire de mettre la pression sur les épaules de son allié chinois… qui est en même temps le premier créancier de l’Amérique honnie.

Pyongyang — qui puise avec délectation dans une large palette de nuisances — propose au choix : un essai nucléaire souterrain, le tir d’un missile de croisière en direction du Japon, le torpillage d’un navire prétendument espion sud-coréen… et ce mardi, un bombardement de facture assez classique (une pluie d’obus) sur une ile sud-coréenne en représailles d’un tir (imaginaire ?) imputé à Séoul qui mène actuellement de grandes manoeuvres interarmes avec l’armée américaine.

A chaque fois, la Corée du Nord essuie une tempête de protestations… mais elle finit toujours par se consoler avec de nouvelles largesses de Pékin ou de Washington.

La façon de « communiquer » de Pyongyang avec l’Occident est assez médiévale. Kim Jong Il endosse volontiers l’armure de Don Quichotte chargeant les moulins andalous… mais nous sommes bien obligés de constater que ça fonctionne.

La Corée du Nord obtient beaucoup plus d’avantages matériels et diplomatiques que la Birmanie, Cuba et quelques autres pays rebelles au concept de démocratie, qui se revendiquent comme ennemis irréductibles des Etats-Unis.

Ah, si seulement la Havane ou les généraux de Rangoon avaient su se rendre indispensables aux yeux de Pékin, comme ont si bien su le faire Khartoum ou Téhéran ! Ils auraient alors pu réduire plus efficacement leur isolement diplomatique ou économique et faire enrager l’ONU sans s’exposer à autre chose que de terribles représailles… verbales.

Et qui ose reprocher publiquement à Pékin ses fréquentations qui fâchent ? Qui ne dit mot consent : c’est ça, la realpolitik.

▪ Les marchés sont vaguement agacés par les accès de tension épisodiques entre les deux Corée… mais ils sont bien plus fortement indisposés par la remontée du dollar qui en résulte : le won sud-coréen a plongé de 3% face au billet vert, ce qui a fait de sacrés dégâts.

Les places européennes ne cédaient guère plus de 0,5% en moyenne en milieu de matinée mardi, alors que les chaines d’informations diffusaient en boucle les images de colonnes de fumée s’élevant au-dessus de l’île de Yeong Pyeong. La chute s’est accélérée avec la publication de… bons chiffres aux Etats-Unis, le PIB du 3ème trimestre étant révisé à +2,5% contre +2,3% à +2,4% anticipés.

Le dollar en a profité pour grimper rapidement vers les 1,3450/euro puis au-delà des 1,34 en fin d’après-midi. Cela a provoqué l’accélération des dégagements sur les indices au sein de la Zone euro avec un repli de 2,5% en moyenne, qui dépassait les -3% à Madrid et -3,3% à Dublin.

Le début de la séance a été assez agité outre-Atlantique. La tension des taux (et des CDS) qui affectait les pays périphériques de la Zone euro était au coeur des préoccupations — bien plus que la provocation coréenne qui vise pourtant à se faire entendre de Washington.

Il y avait bien matière à perdre son flegme… cependant, Wall Street ploie mais ne rompt pas. Les principaux indices reculaient de 1,4% (pour le S&P) à 1,5% (pour le Nasdaq) à la mi-séance ; ils ne font que revenir au contact des supports testés à la mi-novembre, et le Dow Jones préserve pour l’instant le palier de soutien si déterminant des 11 000 points.

Ce coup de blues boursier tombe au plus mal à 48 heures du grand week-end consumériste de Thanksgiving (qui inclut le vendredi des soldes baptisé « Black Friday« ). Si Wall Street s’avérait aussi vulnérable que les places européennes, les investisseurs verraient s’envoler le bénéfice de semaines d’efforts inlassables pour emmener les indices américains — qu’il pleuve ou qu’il vente — vers de nouveau sommets annuels, leur permettant de rejoindre par la même occasion leurs niveaux d’avant-crise, c’est-à-dire du début du mois de septembre 2008.

▪ Le S&P, le CAC 40, le DAX 30 et l’Euro-Stoxx ont eu ces dernières semaine de nombreux motifs de consolider mais le « QE2 » de la Fed leur a toujours permis de continuer d’aller de l’avant et d’entretenir une foi inébranlable dans la tendance haussière — et un rally de fin d’année.

Cette foi semble vaciller alors que l’euro décroche sous les 1,34 $, à 1,3375. Les cambistes sanctionnent les dernières déclarations du ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble, selon lequel l’avenir de l’euro « se joue en ce moment même ». C’était déjà vrai en janvier et en mai dernier avec la crise grecque, ce le sera de nouveau avec le Portugal, et qui sait, avec l’Espagne si le gouvernement Zapatero est balayé par l’opposition.

Les marchés prennent également en compte le profond rejet du plan de sauvetage irlandais par la population, d’autant que les détails des engagements des uns et des autres demeurent très flous, un manque de lisibilité qui n’est pas du goût des investisseurs.

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