La Chronique Agora

CDS et dette souveraine américaine, un risque plus important que l'Italie

▪ « J’aimerais vraiment voir la taille de la bulle américaine », écrivait un lecteur suite à notre article d’hier, « et où elle se trouverait sur le graphique dette/PIB. Pourriez-vous l’ajouter à [votre prochaine édition] ? »

C’est vrai que c’est une grosse bulle. En fait, elle dépasse les marges du graphique d’hier. Nous lui avons rajouté un cercle jaune représentant les Etats-Unis :

La dette nationale américaine est 5,5 fois supérieure à celle de l’Italie — la plus importante de la Zone euro et la cause de toute la consternation boursière de ces derniers jours.

▪ Mais la vraie question se trouve au centre du cercle jaune sur ce graphique.

D’abord, regardez l’axe des abscisses, qui suit le ratio dette/PIB de chaque pays : avec 14 300 milliards de dollars de dette nationale et une économie à 14 700 milliards de dollars, le ratio dette/PIB des Etats-Unis frôle le 100% — proche du territoire Portugal/Italie, mais pas aussi épouvantable que la Grèce.

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Ensuite, il y a l’axe des ordonnées, à gauche : les credit default swaps (CDS) — les « polices d’assurance » versées par les acheteurs de dette de ces gouvernements pour se couvrir en cas de défaut de paiement. La somme totale de CDS américains en cours est basse par rapport à de nombreux pays européens. Mais à 4,58 milliards de dollars, c’est quasiment la même somme que celle de Lehman Bros. en 2008.

Vous vous rappellerez qu’environ 4,5 milliards de CDS ont suffi à miner AIG, qui était à l’époque la plus grande compagnie d’assurance au monde… avec un historique d’une solidité sans faille.

Peut-être que ces souvenirs pèsent sur les investisseurs en CDS. Plus le coût d’un CDS est cher, plus le risque implicite est élevé. Le coût d’une assurance sur la dette gouvernementale américaine, même s’il est encore bas, a connu une croissance significative depuis la mi-mai. Mardi, il était de cinq points de base — un demi pourcent.

Selon ces données, l’Oncle Sam est pire que l’Allemagne en ce moment.

L’augmentation du prix des CDS américains coïncide avec le drame qui se déroule à Washington au sujet de l’augmentation du plafond de la dette, le 2 août.

Selon le Bipartisan Policy Center, les recettes fiscales pour les 29 jours d’août suivant le 2 se monteront à environ 172,4 milliards de dollars. A comparer avec 306,7 milliards de dollars de dépenses.

D’ordinaire, le Trésor US couvrirait ce fossé de 134,3 milliards de dollars en émettant de nouvelles obligations. Mais après le 2 août, il ne pourra plus le faire. Ce qui signifie que les Etats-Unis devraient immédiatement équilibrer leurs comptes.

Ce n’est pas tout… Près de 507,4 milliards de dollars de titre du Trésor US actuellement en cours arriveront à échéance entre le 3 et le 31 août prochain. Pour renouveler cette dette, le Trésor doit, une fois encore, émettre de nouveaux titres.

Et si l’impensable se produisait, et que le gouvernement américain était incapable de prolonger cette dette ?

100 milliards de dollars arrivent à maturité le 4 août. 100 milliards supplémentaires arrivent à maturité une semaine plus tard, le 11 août. Cela « avale » l’intégralité des 174,2 milliards de revenus attendus pour le mois… avant même que le gouvernement dépense un seul sou pour quoi que ce soit.

A moins que le département du Trésor soit assis sur une cagnotte dont nous ignorons tout, la partie serait terminée. Les Etats-Unis feraient défaut… déclenchant ces credit default swaps.

« Imaginons », disait un article de Newsweek signé Daniel Gross au printemps dernier, « un monde dans lequel les Etats-Unis, n’ayant pas la volonté d’augmenter les impôts ou de réduire leurs dépenses, ne puissent pas réunir assez de liquidités pour assurer leurs paiements d’intérêt et se retrouvent incapables de renouveler leur dette lorsqu’elle arrive à maturité ».

« Cela provoquerait un gigantesque déclin de la valeur des bons du Trésor US et des titres adossés aux créances immobilières. Le bilan de toutes les institutions financières américaines — J.P. Morgan, Goldman, Citi, la Réserve fédérale, les fonds de marché monétaire — serait décimé. On ne trouverait pas une seule banque, compagnie d’assurance ou entreprise solvable dans tous les Etats-Unis ».

« Les grandes banques multinationales, qui ont de nombreuses filiales aux Etats-Unis et une bonne quantité de ces titres dans leurs comptes, seraient elles aussi laminées. Sans oublier les détenteurs de dette US à l’étranger… pour qui les carottes seraient cuites aussi ».

« Dans une telle dystopie, qui, précisément, pourrait assurer l’assurance vendue sur la dette gouvernementale américaine ? La dernière fois que nous avons assisté à une série d’événements censés déclencher un paiement à grande échelle de credit default swaps, le système s’est quasi arrêté. Les investisseurs ayant acheté de l’assurance sur les instruments financiers d’AIG ont été payés seulement parce que le gouvernement américain a renfloué l’entreprise ».

« Qui viendrait renflouer le département du Trésor US et la Réserve fédérale ? »

Oui, qui ?

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