La Chronique Agora

Catastrophes du pétrole et forages offshore

▪ Au cours de mon intervention durant la conférence financière Agora à Vancouver, j’ai parlé du manque d’imagination qui a provoqué l’explosion et le naufrage du Deepwater Horizon (DWH) et l’énorme fuite pétrolière dans le golfe du Mexique.

J’ai mentionné le fait qu’en mai, lorsque j’étais à Houston pour une conférence sur la technologie offshore, j’ai discuté avec des personnes appartenant au secteur de l’assurance maritime. L’un d’eux m’a dit qu’avant que le DWH n’explose et ne coule, le secteur des assurances évaluait à zéro le risque que ce genre d’événements ne se produise. Zéro ? Comme si aucune de ces énormes plates-formes de forage en haute mer ne risquait d’exploser ? "Nous pensions que ça n’arriverait jamais", a-t-il dit. "Jamais".

Au cours de mon intervention à Vancouver, j’ai fait une analogie avec l’époque où l’on pensait que le Titanic était insubmersible, en faisant preuve du même manque d’imagination qu’aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle le Bureau britannique du Commerce n’avait pas mandaté suffisamment de canots de sauvetage sur le navire.

▪ J’ai parlé de deux autres catastrophes, qui se sont toutes deux produites en janvier 1969. Tout d’abord le terrible incendie à bord du porte-avion nucléaire de la Navy, l’USS Enterprise, le 14 janvier de cette année. Le pont était un véritable enfer, avec des bombes de 250 livres en train de brûler. Des dizaines de marins ont été tués, des centaines blessés. Le navire a été gravement endommagé, et pendant un moment, on a bien cru qu’avec ses huit réacteurs nucléaires, il allait couler au beau milieu de l’océan Pacifique. Oui, des actes héroïques de l’équipage ont sauvé le navire. Mais nous ne sommes pas passés loin de la catastrophe.

J’ai ensuite parlé de l’explosion d’un forage pétrolier à Santa Barbara, en Californie, deux semaines plus tard, le 29 janvier 1969. Personne n’a été tué, mais les dégâts sur l’environnement ont été terribles. Les pressions politiques ont mis fin à l’exploration énergétique sur la côte ouest des Etats-Unis.

Après ces deux catastrophes, la Navy a continué à utiliser l’énergie nucléaire, mais avec des procédures différentes, pour améliorer la sécurité et limiter les risques. L’explosion du puits de pétrole a été un facteur clé dans l’augmentation des actions de protection de l’environnement. Le secteur du forage offshore a redoublé d’efforts pour forer en sécurité, dans des eaux de plus en plus profondes.

Au cours des 41 dernières années, depuis Santa Barbara, on a extrait beaucoup de pétrole, en forant de plus en plus loin au large, avec des équipements qui semblaient sûrs. C’était un peu comme d’être dans l’oeil du cyclone. Tout semblait bien aller, sur le moment.

Dans un sens, rétrospectivement, on se dit que c’était presque facile de penser que les plates-formes pétrolières en haute mer n’exploseraient jamais. Cela a apparemment trompé la communauté des ingénieurs et des régulateurs. Personne ne s’était préparé à affronter ce qui se passe en ce moment dans le golfe du Mexique. Comme je l’ai souvent remarqué, au cours des derniers mois, nous avons assisté à des décennies de recherche et de développement, compressées en un laps de temps très court pour répondre à l’urgence.

Le "moratoire" sur les forages imposé par l’accident du golfe du Mexique n’est qu’un problème de plus en matière d’énergie pour les Etats-Unis. Il ne fait qu’ajouter à une politique énergétique nationale déjà dysfonctionnelle. C’est comme si on fermait tout le secteur du transport aérien parce qu’un avion s’est écrasé — certainement à cause d’une erreur du pilote, d’ailleurs.

Le moratoire sur les forages est une politique terrible pour la production énergétique des Etats-Unis à moyen et long terme. Nous avons déjà vu des plates-formes quitter le golfe du Mexique pour d’autres continents. Nous ne les verrons probablement pas revenir avant de nombreuses années. Et la production de pétrole du golfe du Mexique est aujourd’hui condamnée à chuter, ce qui signifie que les importations de pétrole des Etats-Unis vont augmenter — si nous pouvons encore trouver du pétrole dans ce monde si compétitif.

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