La Chronique Agora

Le capitalisme n’est plus du tout ce qu’il était…

▪ Le Dow a repris le chemin de la hausse. Est-ce que quelque chose peut l’arrêter ? Oui. Nous attendons simplement de découvrir quoi. Nous avons commencé cette série d’articles par une question : n’est-il pas possible que les mêmes savants qui s’attaquent aujourd’hui au problème de l’inégalité des richesses sont ceux qui en sont le plus responsables ?

La question est apparue alors que nous discutions la dernière sensation littéraire : Le capital au 21ème siècle, de Thomas Piketty. Vous vous en souvenez sans doute, le livre — et ses 1 000 pages — est récemment grimpé au premier rang des best-sellers d’Amazon aux Etats-Unis. Quel autre tome économique peut se vanter d’en avoir fait autant ? La raison, soupçonnons-nous, est que le livre dit quelque chose que beaucoup de gens attendait d’entendre.

Le grief de Piketty, pour autant que nous en sachions, est que les riches deviennent plus riches — surtout lorsque le taux de croissance économique est bas. Le taux de croissance est sur une tendance déclinante depuis 40 ans. En pourcentage des revenus et de la richesse nationale, les riches sont devenus progressivement de plus en plus riches.

Bien entendu, il y a de nombreuses raisons à cela — certaines innocentes, d’autres corrompues.

Nous ne nous donnerons pas la peine de parler des innocentes. Les criminels, les escrocs et les arnaqueurs sont plus instructifs et distrayants. Pour rendre les choses encore plus intéressantes, nous allons donner des noms.

Durant les années 70, l’économie américaine a reçu le baiser magique du crédit facile. Et pouf ! De jolie princesse, elle s’est métamorphosée… en crapaud. C’était une économie où les gens gagnaient de l’argent en fabriquant des choses pour des gens qui pouvaient se permettre de les acheter. C’est devenu une économie de gens qui prêtaient de l’argent à d’autres pour qu’ils puissent acheter des choses dont ils n’avaient pas besoin avec de l’argent qu’ils n’avaient pas.
 

Après les années 70, le véritable capital a joué un rôle de plus en plus limité. Il a été remplacé par le crédit (et sa sinistre soeur jumelle la dette)

▪ Du capitalisme sans capital
Les idées de M. Piketty sur le sujet, ainsi que sa formule clé — "r>c" — n’ont ni sens ni pertinence. Il pense critiquer le capitalisme. Mais après les années 70, le véritable capital a joué un rôle de plus en plus limité. Il a été remplacé par le crédit (et sa sinistre soeur jumelle la dette). Le "r" de M. Piketty est censé représenter le revenu sur le capital investi. Mais d’où provenait l’argent ? Les taux d’épargne ont baissé. Les salaires réels ont baissé. Les taux de croissance ont baissé. Alors comment pouvait-il y avoir plus de capital disponible… et comment ce dernier pouvait-il produire des rendements plus élevés (par rapport à la croissance économique) ?

Toute cette histoire a de quoi causer des migraines à un homme réfléchi. Des investissements en capitaux sans capitaux réels. Des profits qui dépassent la croissance économique dont ils proviennent. Que faut-il en penser ?

Nous ne remettons pas en cause les faits de base. Depuis des années, nous nous lamentons sur les distorsions causées par les politiques de la Fed. Récompenser les classes possédant les actifs (les riches) n’en est qu’une seule. On pourrait y ajouter la création de bulles de marchés… la baisse des revenus des classes moyennes… l’augmentation des niveaux de dette… la mauvaise allocation de ressources vers des activités sans valeur et destructrices de richesses… le fait de laisser les gouvernements négliger leur budget… le financement de monstres immobiliers… et notre préféré : le fait de mettre des économistes timbrés à des postes ayant un gigantesque statut et pouvoir.

A présent nous avons même des économistes timbrés en tête des ventes de livres ! Et puis quoi encore ? La révolution ! C’est du moins ce qu’on pourrait penser en écoutant M. Piketty. Il pense que "r" va continuer à dépasser "c". Et les autochtones commenceront à regimber.

▪ Divergence et convergence
L’économie de marché, si on la laisse à elle-même, contient de puissantes forces de convergence dans la distribution de richesse, explique-t-il en substance. Mais elle contient des forces tout aussi puissantes de divergence, qui sont une menace potentielle pour les sociétés démocratiques et pour les valeurs de justice sociale sur lesquelles elles sont basées.

Il a mal compris les Etats démocratiques modernes. Ils ne sont pas basés sur la vraie justice sociale. Ils sont basés sur la fraude

Là encore, il a mal compris les Etats démocratiques modernes. Ils ne sont pas basés sur la vraie justice sociale. Ils sont basés sur la fraude. On dit aux masses qu’elles contrôlent le gouvernement. Et tandis que les gens lisent studieusement les journaux, débattent du sort de la Sécurité sociale et votent, les élites profitent de renflouages, de politiques de taux zéro, de subventions, de prêts amicaux — et ainsi de suite. C’est ainsi que les riches sont devenus aussi riches… avec la connivence pleine et entière des autorités.

M. Piketty conclut ensuite que les forces de "divergence" seront probablement bien plus puissantes au 21ème siècle et qu’il faut que quelqu’un fasse quelque chose. Qui donc ? Les autorités mêmes qui ont distrait le public tandis que les élites lui faisaient les poches.

Jusqu’en 1968, la Fed était tenue de garder l’équivalent de 25 cents d’or pour chaque dollar en circulation. Sous Lyndon Johnson, ce critère a disparu. A partir de là, il n’y avait plus de limite à la quantité de liquidités et de crédit dans le système américain.

En 1971, sous Richard Nixon, les Etats-Unis ont renié leur engagement à payer leur dette étrangère en or. Il n’y avait plus non plus de limite à la quantité de dette que les Américains pouvaient accumuler à l’étranger. Au lieu de payer leurs factures en or… ils pouvaient simplement payer en dollars — qui sont, dans les faits, des instruments de dette.

En 1987 puis à nouveau en 2000, Alan Greenspan a démontré que la Fed ne permettrait pas une correction sérieuse. Lorsqu’une contraction du crédit a menacé… la Fed est arrivée avec plus de crédit, selon des termes plus faciles. En 2007, sous la direction de Ben Bernanke, la Fed s’est pleinement engagée sur le chemin de l’expansion éternelle du crédit. Milton Friedman avait convaincu Bernanke que la Grande dépression était causée par la réduction de la masse monétaire et du crédit. Bernanke a accueilli Friedman par ces mots : "nous ne le ferons plus".

Grâce à ces autorités — et de nombreuses autres — le capital réel a disparu du système capitaliste. Il a été remplacé par ce que Sisson a appelé "une devise fictive", causant une "monstrueuse aberration". C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Cela a été causé par les autorités. Elles continueront à l’aggraver… jusqu’à ce que cet abominable système vole en éclats.

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