La Chronique Agora

Capitalisme et gouvernement : quelques arguments pour… et contre

Il y a quelques jours, nous avons participé à un débat sur l’économie, à Kilkenny, en Irlande.

Nous venions de prendre le premier coup. C’était un débat informel, devant une foule d’Irlandais ivres. Notre opposant avait déjà pris une belle avance. Il avait conquis son auditoire avec une salve d’arguments bien développés.

Nous avons chargé nos fusils… griffonnant quelques notes au revers d’une enveloppe. Nous nous sommes préparé à riposter. Mais notre opposant avait également mis en place un écran de fumée très épais sur toute la zone. Tant d’idées fausses… tant d’idées mauvaises…

Il avançait…

… que le "capitalisme" avait un rapport avec le système actuel de copinage entre banques, d’économies planifiées et de régulateurs zombie…

… que ces mêmes régulateurs protègent le citoyen lambda… plutôt que les secteurs qu’ils réglementent…

… que la déréglementation avait causé la crise de 2008…

… qu’on ne peut avoir la loi sans avoir de gouvernement (et quelle législature a écrit les 10 Commandements, alors ?!?)

… que le gouvernement est la source de toute innovation substantielle…

Nous avons rapidement changé de cap. Nous avons pointé notre canon. Inutile de demander grâce ou de chercher un abri au milieu de la tempête. Cela allait être un festival de beignes. Mieux valait viser haut et frapper fort.

Mais il y avait du brouillard partout. Le public était déjà bien éméché avant même que le spectacle ne commence. Nous avions nous aussi levé notre pinte, appuyé au bar, bavardant avec Chris Lowe, directeur de l’investissement du Bonner Family Office, et Liam Halligan, éditorialiste au Telegraph. Avec la fumée éjectée par notre opposant, la bataille allait être un pur chaos.

▪ Commençons par le commencement
Comment pouvions-nous nous assurer que les gens écouteraient assez longtemps pour que la confusion se dissipe ? Nous ne pouvions penser qu’à une chose qui retiendrait leur attention :

"Ecoutez, commençons par le commencement. Il y a seulement deux manières d’obtenir ce qu’on veut dans la vie. Soit on s’en empare par la force et la violence. Soit on l’obtient pacifiquement… en fabriquant, en échangeant et en coopérant avec les autres".

"C’est vrai de la richesse matérielle. C’est vrai du pouvoir et du statut. Et c’est aussi vrai pour le sexe que pour tout le reste. On peut l’obtenir par la négociation… ou par la force brute".

"Alors essayons de nous mettre d’accord sur les bases. N’êtes-vous pas d’avis que nous nous en sortons généralement mieux si nous nous en tenons à des moyens consensuels, pacifiques et coopératifs d’obtenir ce que nous voulons dans la vie ?"

Silence de notre auditoire.

"D’accord… Eh bien, vous êtes tous des cas désespérés. Mesdames, ne laissez pas un étranger vous raccompagner chez vous dans cette ville !"

"Plus sérieusement, je ne dis pas qu’il n’y a pas de nombreux escrocs et gigolos dans ce que nous appelons le ‘marché libre’. Mais ce n’est pas comme le gouvernement, qui peut obtenir tout ce qu’il veut en vous pointant un fusil contre la tempe. Toutes les lois et les réglementations, aussi sottes ou stupides soient-elles, sont adossées à la menace de violence".

"C’est bien entendu la raison pour laquelle les gens l’aiment tellement. C’est le moyen le plus rapide et le plus simple d’obtenir ce que vous voulez. Aucune persuasion n’est nécessaire. Aucune séduction. Inutile de payer le dîner et quelques verres".

"C’est aussi la méthode la plus ancienne et la plus sûre. Les humains existent depuis environ 200 000 ans. Et durant les 190 000 premières années — sans parler des millions d’années qui ont précédé –, la force était à peu près la seule règle en vigueur. Pour nos ancêtres préhistoriques, la quantité d’animaux comestibles, et, plus important, de femmes, était limitée. C’était un jeu à somme nulle. Si on voulait avancer, il fallait être prêt à prendre ce qu’on voulait à quelqu’un d’autre. Sinon, il y avait d’assez bonnes chances que quelqu’un prenne quelque chose qui vous appartenait".

"Regardez la situation du point de vue de la femme préhistorique. Vous viviez jusqu’à 40 ans si vous aviez de la chance. Vous aviez quelques enfants — et rares seraient ceux qui atteindraient l’âge adulte. Qui voudriez-vous comme père de ces enfants : quelqu’un capable de vous défendre, vous et votre progéniture… ou bien quelqu’un qui serait tué ou écarté ?"

"Notez aussi que lorsqu’un nouvel homme prenait le dessus… il lui arrivait de tuer tout nouveau-né que vous aviez, de manière à ce que vous soyez prête à porter son enfant aussi rapidement que possible".

"Oui, nous sommes programmés par des millions d’années d’évolution à utiliser la force et la violence pour obtenir ce que nous voulons. Mais c’est un jeu gagnant-perdant. On n’obtient plus de pouvoir, plus de statut ou plus de richesse qu’en les prenant à d’autres".

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