▪ Tout le monde attend. Tout le monde veut savoir ce qui arrivera lorsque la Fed se réunira demain à Jackson Hole. Assistera-t-on à un engagement franc et massif envers l’assouplissement quantitatif — autant d’argent qu’on en veut, quand on le veut — ou ne se passera-t-il rien du tout ?
Dans l’attente d’une réponse à cette question économique, portons notre attention sur la politique… c’est-à-dire passons de la fraude au vol manifeste. Une campagne électorale est en cours.
Dans son Devil’s Dictionary, Ambrose Bierce a qualifié une élection de « pré-enchère de biens volés ». Dans la campagne présidentielle de 2012, les prix montent. Selon Bloomberg :
« Les riches donateurs et les grands groupes sont plus largement investis dans cette élection présidentielle que jamais depuis le scandale du Watergate en 1972 qui a conduit à des lois plus strictes sur le financement des campagnes ».
« Une suite de décisions judiciaires et de modifications réglementaires adoptées en 2010 ont annulé les limites fédérales sur les donations, ouvrant ainsi la voie à un retour des gros donateurs. Ils rassemblent leur argent dans des associations, qui gardent les noms de leurs contributeurs secrets, et dans des grands comités d’action politique, qui ont amassé 350 millions de dollars jusqu’à la fin juillet ».
Bloomberg laisse entendre que Sheldon Adelson, les frères Koch et d’autres Américains fortunés « investissent » dans les candidats à la présidentielle dans l’espoir de gros retours sur investissement si leur homme gagne.
Pour tout vous dire, je suis choqué. Oui, choqué !
Bloomberg veut-il réellement dire que les gens s’abaisseraient à rentrer dans le processus politique dans l’objectif d’obtenir ce qu’ils souhaitent ? Qu’ils essaieraient de deviner quel candidat serait le mieux pour leurs propres intérêts ? Et qu’ils investiraient alors leur temps et leur argent pour faire en sorte que cet homme ait la place ?
Hé, les gars chez Bloomberg, réveillez-vous. Les riches font cela. Les pauvres font cela. Même les habitants du Lahore le font.
Il semble que les gens font toujours ce qui est naturel. Il est impossible de les arrêter. Pourquoi alors essayer ?
Naturellement, plus les enjeux sont élevés, plus les prix des enchères s’élèveront. Dans l’idéal, les seules choses à gagner dans une élection sont quelques places de parking privilégiées et l’honneur national. Puis les gens peuvent se soudoyer, se cajoler et mentir autant qu’ils le veulent. Qu’importe ?
Il faut s’attendre à ce que les gens se débarrassent de toutes les contraintes qui pourraient les empêcher de remporter l’enchère.
Et nulle part ailleurs les enchères sont plus rapides et plus frénétiques que dans les dépenses pour la « sécurité ». Pourquoi ? Car c’est là qu’on trouve le jus.
« Eisenhower avait raison ! » écrit notre ami Tom Paine:
« C’est une vieille histoire : une minorité prend avantage sur la majorité. Au nom de rendre le monde meilleur ou plus sûr, les élites prennent possession du gouvernement et finissent par tuer la poule aux oeufs d’or ».
« Les Etats-Unis ne font pas exception ».
Le président Eisenhower, qui avait passé toute sa vie dans l’armée, avait émis un avertissement. Alors qu’il allait quitter la présidence, il fit ses adieux… et recommanda de faire attention au « complexe militaro-industriel ».
Eisenhower savait que la combinaison de l’appât du gain et la recherche du pouvoir est difficile à arrêter.
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis n’avaient rien à craindre de leur industrie de la sécurité. Là où les nazis consacraient 23% du PIB à leur industrie de guerre en 1939, les Etats-Unis ne dépensaient que 2%. Leur armée était plus petite que celle de la Roumanie.
Mais la Deuxième Guerre mondiale a été une aubaine pour les militaires américains. En quelques semaines, les commandes parvinrent aux industriels américains… et les armes commencèrent à sortir en masse des chaînes de montage. Avant même d’entrer en guerre, l’industrie américaine produisait plus de tanks, d’avions et d’armes que quiconque. Le président Roosevelt, en venant en aide aux Britanniques, promit de construire 50 000 avions en une seule année — ce qui a l’époque a semblé illusoire.
Les armes américaines — fabriquées dans les usines américaines par des ouvriers américains — étaient indispensables.
Après la guerre, les soldats rentrèrent chez eux et les usines se mirent à fabriquer, à la place des armes, des lave-linge et des automobiles. La dette de guerre se réduisit à mesure que l’économie croissait. Mais le complexe militaro-industriel n’a jamais lâché sa mainmise sur le pouvoir et l’argent. La Corée, la guerre froide et le Vietnam fournirent une bonne excuse pour augmenter de plus en plus les dépenses « sécuritaires ».
Puis, avec l’attaque du World Trade Center en 2001, l’industrie a pu grandement améliorer sa position. Le coût de la « sécurité » s’élève aujourd’hui à environ 1 200 milliards de dollars. Cela comprend les guerres, la sécurité intérieure, la fortification des ambassades, l’aide militaire… et toutes les autres choses qui aident à maintenir l’empire américain sur les rails.
Une grande part de l’outil de production du pays qui a aidé à gagner la Deuxième Guerre mondiale a été exportée en Chine et dans d’autres pays. Mais les Etats-Unis produisent encore leurs propres armes. Aujourd’hui, 40% de la fabrication américaine est destinée à l’industrie de la sécurité.
Raytheon, General Dynamics, Lockheed — beaucoup des grands industriels américains dépendent aujourd’hui presque exclusivement des commandes du Pentagone. Ils arrondissent leurs revenus en vendant des armes à feu et des tenues de combat aux étrangers. Les Etats-Unis ont peut-être perdu la première place dans l’automobile, l’électronique et l’énergie mais ils sont toujours numéro un dans la vente d’armes.
Les dépenses de « sécurité » — qui n’ont pas grand-chose à voir avec la vraie sécurité – représentent aujourd’hui environ un dollar sur trois dépensés par le gouvernement américain et environ 8% du PIB des Etats-Unis. C’est la plus grande vente aux enchères de biens volés au monde.
Pas étonnant qu’elle attire tant de convoitise.