La Chronique Agora

Bretton-Woods, un tournant dans l’histoire monétaire

▪ C’était en 1944. Pour la première fois de l’histoire moderne, un accord international était signé, régissant la politique monétaire entre différentes nations. C’était, réellement, une chance de créer une monnaie internationale et d’assurer une stabilité monétaire pérenne. Au total, 730 délégués de 44 pays se retrouvèrent pendant trois semaines en juillet de cette année-là dans un hôtel à Bretton Woods, dans le New Hampshire, pour discuter.

Ce fut une rencontre historique. Même si elle n’a pas été aussi loin que ce qui aurait pu être atteint, elle marqua un tournant dans l’histoire monétaire.

De cette rencontre internationale naquirent les accords de Bretton Woods. Leur objectif initial était, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction au travers d’une série de programmes de stabilisation monétaire et de prêts pour les infrastructures des pays ravagés par la guerre. En 1946, le système était complètement opérationnel grâce à la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD, la Banque mondiale) et au Fonds monétaire international (FMI), tous deux nouvellement créés.

▪ Une première mondiale
Ce qui rend les accords de Bretton Woods si intéressants pour nous aujourd’hui, c’est que le programme pour une politique monétaire internationale se fondait sur des pays s’étant mis d’accord pour adhérer à un étalon-or mondial. Chaque pays signataire des accords promettait de maintenir sa monnaie dans une fourchette de valeurs proches de celle de l’or. Le FMI fut créé pour corriger les déséquilibres de paiement sur une base temporaire.

Ce problème a été décrit par un ancien vice-président de la Réserve fédérale de New York :

« Dès le début, l’or a été le talon d’Achille du système de Bretton Woods. Toutefois, l’engagement sur l’or à durée indéterminée pris par le gouvernement des Etats-Unis sous la législation de Bretton Woods est facilement compréhensible au vu des circonstances extraordinaires de l’époque.

A la fin de la guerre, nos réserves d’or s’élevaient à 20 milliards de dollars, environ 60% des réserves totales officielles d’or. En 1957, les réserves en or des Etats-Unis étaient trois fois plus élevées que les réserves totales de dollars de toutes les banques centrales étrangères. Le dollar s’est posé sur les marchés de change tel un colosse ».

En 1971, du fait d’une diminution de plus en plus rapide de leurs réserves d’or, les Etats-Unis retirèrent leur monnaie de l’étalon or, ce qui signa la fin des accords de Bretton Woods.

A certains égards, les idées qui sous-tendent le système monétaire de Bretton Woods ressemblent beaucoup à une ONU économique. La combinaison de la crise mondiale des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale est ce qui a principalement incité un si grand nombre de pays à organiser un sommet économique d’une telle ampleur.

▪ La fin de toute guerre ?
A l’époque, on pensait que les barrières douanières et les coûts élevés étaient à l’origine de la crise mondiale, du moins en partie. En outre, il était fréquent d’utiliser la dévaluation monétaire pour influer sur les importations des pays voisins et réduire les déficits de paiements.

L’utilisation de la monnaie comme outil économique tactique provoquait invariablement plus de problèmes qu’elle n’en résolvait

Malheureusement, cette pratique conduisit à une déflation chronique, au chômage et à une réduction du commerce international. Les leçons apprises dans les années 1930 (mais par la suite oubliées par bien des pays) permirent à beaucoup de prendre conscience que l’utilisation de la monnaie comme outil économique tactique provoquait invariablement plus de problèmes qu’elle n’en résolvait.

La situation fut bien résumée par Cordell Hull, secrétaire d’Etat américain de 1933 à 1944 :

« Un commerce non entravé va de pair avec la paix ; des tarifs douaniers élevés, des barrières douanières et une concurrence économique injuste, avec la guerre… Si nous pouvions obtenir des flux commerciaux plus libres… pour qu’un pays ne soit plus maladivement jaloux d’un autre et que le niveau de vie de tous les pays puisse augmenter, et par ce moyen éliminer l’insatisfaction économique qui nourrit la guerre, nous pourrions avoir une chance raisonnable de paix durable ».

La suggestion de Hull selon laquelle la guerre a souvent une racine économique est bien fondée, étant donné la position de l’Allemagne comme celle du Japon dans les années 1930. L’embargo commercial imposé par les Etats-Unis au Japon, dans le but spécifique de restreindre l’expansion japonaise, pourrait avoir été l’une des causes principales de la position militariste du Japon.

Un autre observateur admettait également que les mauvaises relations économiques entre pays « aboutissaient inévitablement en une guerre économique, prélude et catalyseur d’une guerre militaire à une échelle encore plus grande ».

Nous verrons la suite dès lundi.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile