Les spécialistes et les autorités nous répètent que les marchés boursiers ne vont pas chuter, que tout ira bien, que la hausse continuera ad vitam aeternam ou à peu près : c’est la méthode Coué…
La lecture des notes et des analyses des gourous, des économistes et de la presse devrait rassurer tant leur point de vue est unanime. Il y a un scénario dominant : celui des autorités.
Tout va bien se passer, elles ont la situation bien en main, comme l’a encore dit Powell : même s’il y a accélération non voulue de l’inflation, « nous avons les outils pour y faire face ».
Quels sont ces outils, mis à part les remèdes classiques à la surchauffe ? Personne ne le sait mais il suffit qu’on le dise pour que cela produise l’effet désiré : endormir la vigilance et neutraliser la prudence, car elles ne sont pas désirables.
J’ai publié cette opinion il y a quelques jours sur mon site. Elle me semble emblématique, claire, bien rédigée et convaincante car elle recourt au principe d’évidence :
« Pas de bear market en vue avant des années.
La crainte de l’imminence d’un marché baissier (bear market), autrement dit une correction des indices boursiers de plus de 20% par rapport à leurs récents plus hauts, n’a pas lieu d’être, dit-on chez la société de gestion d’actifs Mirabaud.
Si des mouvements de consolidation ne sont pas à exclure, il ne devrait pas y avoir de bear market avant plusieurs années, selon John Plassard, spécialiste en investissement pour la société.
La moyenne historique de la durée de la période entre deux marchés baissiers depuis 1950 est de sept ans, écrit-il dans une note publiée mardi.
Les politiques accommodantes des banques centrales et le fait qu’un cycle de reprise économique vient de démarrer après le coup d’arrêt dû à la pandémie de coronavirus militent en outre pour la poursuite du mouvement haussier des indices, selon lui.
Dans ce contexte, les peurs d’un risque de ‘bulle’ sur les marchés actions ou d’un retournement de la tendance provoqué par une accélération de l’inflation qui contraindrait les banques centrales à resserrer leur politique lui paraissent exagérées.
‘Vous pouvez donc avoir raison sur le fait qu’il y aura un prochain bear market mais nous pourrions devoir attendre encore plusieurs années avant qu’il ne se matérialise’, écrit John Plassard. »
Si c’est l’Histoire qui le dit…
Il n’y a aucun risque de marché baissier :
– c’est l’Histoire qui le dit ;
– le cycle de reprise vient de commencer ;
– les politiques accommodantes vont continuer.
Mon intention n’est pas de me livrer à une analyse critique du texte de John Plassard, mais d‘en montrer la structure cachée : la répétition du passé, l’ancrage (anchoring) – c’est-à-dire le fait que le « j+1 » sera le prolongement de « j » et ainsi de suite.
La racine de la prévision boursière en général c’est l’anchoring – l’idée que l’on peut, pour raisonner, partir de ce qui a été établi avant.
Si on a monté jusqu’à aujourd’hui grâce aux politiques monétaires stimulantes et que l’on prévoit que ces politiques vont durer, alors on montera encore demain et après-demain.
Si Apple a monté et a atteint un PER de 20 fois et que l’on prévoit que la progression des bénéfices va se poursuivre, alors Apple va continuer à grimper. Vous remarquerez que les cours atteints par Apple incluent déjà tout le flux de bénéfices futurs jusqu’à maturité – mais peu importe.
Peu importe aussi que l’on paie en fait deux fois les mêmes flux, la première sur les anticipations et la seconde sur les réalisations.
Le fonctionnement des marchés repose sur la continuité. Tout est linéaire, tout est dérivable – et par conséquent, le prévisionniste a toujours intérêt, en termes de carrière, à prévoir que demain sera comme aujourd’hui.
C’est comme en météo : on se trompe moins à prévoir la continuité car les changements de temps sont plus rares que les reproductions du même temps un jour sur l’autre.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]