La Chronique Agora

Malgré les actions de la Fed, les bons du Trésor US vont dans la mauvaise direction

▪ « L’économie américaine passe en mode recul », titrait le Financial Times la semaine dernière.

C’était la grande nouvelle de la semaine dernière : l’économie US a décliné de 0,1% au dernier trimestre 2012.

Cela ne semblait pas déranger grand monde. C’est à peine si on s’en est aperçu ; et les gens ne semblaient pas se soucier de la direction prise par l’économie.

Les journalistes ont écarté toute l’histoire d’un revers de main. C’était une sorte d’illusion d’optique, semblaient-ils penser, due au fait que les militaires avaient été un peu lents à dégainer durant les derniers mois de 2012. Peut-être avaient-ils entendu dire que la fin du monde était prévue le 21 décembre, et avaient donc décidé que de nouvelles dépenses ne serviraient à rien. Ils n’avaient pas de défense contre la fin du monde, après tout.

Ou peut-être, comme l’a rapporté la presse, se préparaient-ils simplement au baisser de rideau sur leurs dépenses prodigues… Peut-être que les généraux américains, tête baissée, ont fait le tour du Pentagone pour éteindre les lumières et baisser le chauffage.

Nous ne savons pas ce qui s’est passé, mais ça ne semblait pas avoir d’importance de toute façon. Tout le monde a dit que c’était un simple hasard. Le reste de l’économie se portait bien.

Personne ne semble s’inquiéter non plus de la hausse des rendements de la dette américaine. Depuis que Ben Bernanke a annoncé son programme d’assouplissement quantitatif éternel, les prix des obligations ont baissé. C’est le contraire de ce qui était censé se passer.

▪ Le train avance… mais dans la mauvaise direction
Tout le monde semble convaincu que l’économie US avance, quand bien même ce n’est pas le cas. Ils sont aussi persuadés qu’on peut en remercier le QE de la Fed… même si l’arbre à came — les rendements obligataires — tourne dans la mauvaise direction.

Bernanke rachète 85 milliards de dollars d’obligations tous les mois en essayant d’abaisser les rendements obligataires. Cela fera baisser les taux de prêts à long terme — particulièrement importants pour le secteur immobilier — ce qui poussera les gens à emprunter avec autant d’abandon qu’ils en ont fait preuve durant la fièvre de 2005-2007. Ensuite, selon la théorie, l’économie se développera. C’est du moins l’objectif déclaré.

Allez comprendre.

Ce que nous essayons de comprendre de notre côté, c’est où cette vieille machine branlante finira.

Nous venons de voir que les excès du Pentagone peuvent être corrigés. La presse suggérait que les militaires avaient gâché 40 milliards de dollars de moins que prévu sur le trimestre. Mais 40 milliards, ce n’est qu’un tout petit bout des 1 000 milliards de dollars de déficit fédéral. Que se passerait-il s’ils réduisaient l’intégralité des 1 000 milliards de dollars de dépenses budgétaires pour rééquilibrer le budget ?

En théorie, le PIB reculerait 25 fois plus rapidement… et finirait sûrement par heurter quelque chose.

Personne ne semble s’en inquiéter. C’est probablement parce qu’ils voient ce bon vieux Ben aux commandes. Peu importe qu’il ne semble y avoir aucun lien direct entre la boîte de vitesses de Bernanke et ce que font les roues au-dessous. Il fait passer les obligations à la vitesse supérieure — en achetant pour 85 milliards de dollars par mois… c’est-à-dire environ la quantité mise en vente par le gouvernement américain. Avec une telle puissance de feu, on pourrait penser que le marché obligataire deviendrait si brûlant qu’il faudrait mettre ses ordres d’achats dans des enveloppes en amiante. Mais non. Au lieu de ça, il a refroidi. Le bon du Trésor US à 10 ans a chuté, atteignant un rendement frôlant les 2%.

Que faut-il en déduire ? Nous ne le savons pas pour l’instant. Mais à un moment ou à un autre, les observateurs vont se rendre compte que le train va dans la mauvaise direction et que le conducteur devrait se voir retirer son permis.

Michael Hasenstab est l’un des investisseurs obligataires les plus prospères de ces 10 dernières années. Il gère le portefeuille du Global Bond Fund de Templeton, de 67 milliards de dollars.

De la dette américaine, il demande « est-ce vraiment un actif sûr ? »

« Il ne rapporte rien et il y a le risque de perte du principal quand les taux grimpent ».

La dette américaine présente un potentiel de douleur. Où est la récompense ?

Quant au risque, il est gigantesque. Les obligations américaines frôlent le sommet d’un marché haussier colossal qui dure depuis 33 ans. Les investisseurs les achètent par sécurité. Mais quelle sécurité y a-t-il ? La Fed achète pour essayer de les faire grimper. Et elles baissent quand même.

Nous devons donc nous poser la question. Le QE a-t-il atteint ses limites ? Si la Fed annonce un nouveau QE éternel +++, les prix des obligations grimperont-ils en anticipation d’une recrudescence de rachats de la part de la Fed ? Ou baisseront-ils en anticipation d’un accroissement du risque ?

Nous n’en savons rien. Nous aimerions que la Fed le fasse — juste pour voir ce qui se passerait.

Mais c’est un train dans lequel nous ne voulons pas être quand la nouvelle se répandra.

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