La Chronique Agora

Habillages de bilans boursiers et mise à nu des spéculateurs sur l’or

▪ Le rebond que nous anticipions depuis lundi matin atteint sa vitesse de croisière, soit environ +2% par jour. C’est un rythme que le marché parisien pourrait soutenir jusqu’à vendredi, aux dires de beaucoup d’opérateurs. Ils anticipent 48 heures d’habillages de bilans à marche forcée alors que le CAC 40 affichait une performance annuel proche de zéro mercredi matin.

Il serait logique de leur donner raison vu les scores très positifs observés à peu près partout en Europe avec un Euro-Stoxx 50 en hausse de 2,35%… Toutefois, cette embellie ne suffit pas à dissimuler la mise en oeuvre d’une « camisole algorithmique ».

Elle se caractérise par plus de cinq heures et demi d’oscillations des indices au sein d’un corridor incroyablement étroit (0,3% d’amplitude sur le CAC 40 et l’Euro-Stoxx). Il suffit de jeter un oeil au graphique intraday pour constater que les jeux étaient faits dès midi.

Aucune accélération à la hausse n’a pu se dessiner en fin de séance vu l’apathie de Wall Street. Les indices américains ne gagnaient plus que 0,5% en moyenne vers 17h30, après avoir affiché au mieux +0,8% au cours de la première demi-heure de cotation.

▪ L’Europe en tête… pour une fois
Autrement dit, les gains s’avéraient trois à quatre fois plus importants à Paris, Milan ou Francfort… et six fois plus élevés à Madrid qu’à New York (entre 16h30 et 17h35). Cependant, l’Euro-Stoxx 50 — qui a repris 4% depuis lundi matin — rattrape tout simplement une petite partie d’un handicap de 10% par rapport aux indices américains depuis le 22 mai dernier.

Pas de quoi fantasmer sur l’amorce d’une Grande rotation au profit des places européennes, ni sur une déferlante d’investisseurs partant à la pêche aux titres bradés. Il s’agit simplement d’un rebond technique et d’une résurgence de mauvais raisonnements — comme celui consistant à se féliciter de toute statistique trahissant une dégradation de la conjoncture dans l’espoir que les « shoots monétaires » des banques centrales se poursuivent jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus trouver une veine exploitable.

Le CAC 40 s’est envolé de 60 points après que l’INSEE a confirmé la matérialisation d’une seconde récession en quatre ans en France. On enregistre une contraction de 0,2% du PIB au premier trimestre 2013, après -0,2% au quatrième trimestre 2012.

▪ Des chiffres… surréalistes
Partant du même état d’esprit contre-intuitif, les opérateurs américains saluaient avec allégresse la révision à la baisse drastique de la croissance américaine au premier trimestre — de 2,4% à 1,8%, alors que les analystes anticipaient majoritairement un chiffre inchangé et au pire un abaissement vers 2%… et vous devinez que c’était là notre pronostic.

Voilà un chiffre qui semble démentir les anticipations de Ben Bernanke en matière de redémarrage de l’économie américaine en 2013. Mais peut-être se base-t-il sur une batterie d’indicateurs avancés, connus de lui seul, et qui induisent une spectaculaire accélération de la croissance au second trimestre ?

Nous en serions surpris, mais pas autant que l’avons été par l’incroyable cafouillage (le terme « plantage surréaliste » serait plus approprié) des statisticiens américains concernant les chiffres relatifs aux exportations et importations. De positifs de 0,4% et 0,8%, ils passent négatifs de -1,9% et -1,1% respectivement.

Les trois mots qui nous viennent immédiatement à l’esprit sont « incompétence », « incurie », « intoxication »… Mais nous ne pouvons pas exclure qu’une erreur de ce gabarit résulte du choix délibéré d’une méthodologie de calcul erronée : « oups, on s’était trompé de logiciel comptable, excusez-nous… On se disait nous aussi que les chiffres paraissaient bizarres ».

▪ Dollar et métaux précieux
N’allez pas croire qu’une moindre croissance et l’éloignement de la perspective d’une réduction du QE3 affecte le dollar : il poursuit sa remontée (+0,60% à 1,2995/euro contre 1,34 vendredi dernier).

Ce mouvement s’accompagne symétriquement d’un nouveau trou d’air sur les matières premières, avec en particulier une chute du cuivre sous 300 $, et un plongeon de 3,4% de l’or et de 4% de l’argent à respectivement 1 230 $ et 18,65 $ l’once… des planchers qui remontent à avril 2010.

Des économistes nous expliquent maintenant que la débâcle ne saurait s’arrêter avant des mois car la « bulle » des métaux précieux commence seulement à se dégonfler. Les volumes négociés prouvent que de grosses mains réduisent leur levier de façon agressive et que les acheteurs potentiels vont attendre que les taux rebaissent pour se repositionner.

Sauf que l’or ou l’argent ne sont pas de simples supports virtuels sans aucune connexion avec la réalité physique (contrairement aux subprime, aux émissions high yield ou à des introductions en bourse d’entreprises qui sont de purs concepts). Quand les cours sont trop bas, les trusts miniers réduisent leur production et une véritable rareté s’instaure rapidement.

Cependant, s’il s’agit bien d’une capitulation liée à la remise à plat de la stratégie de certains fonds spéculatifs en fin de semestre, aucune considération fondamentale ne saurait endiguer la débâcle dont le premier épisode est survenu mi-avril avec une chute de 15% en 48 heures.

La correction du cours de l’or atteint maintenant -36% depuis septembre 2011 (soit 20 mois) et -26% depuis le 1er janvier. Tout milite pour que le score se rapproche rapidement du ratio des -38,2% que connaissent bien les chartistes.

Rendez-vous dans la zone des 1 185 $ si tout se déroule comme dans les manuels d’analyse technique… Nous en serions le premier surpris, car à part le test des 1 000 $ le 15 mars 2008, aucun des objectifs privilégiés par le consensus n’a jamais été atteint : souvenez-vous des 2 000 $ qui rassemblaient tous les suffrages fin juin 2011.

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