▪ Les stratèges sont sûrs de leur fait : avec les injections de liquidités de la BCE, il faudrait être complètement idiot pour ne pas acheter des actions.
Ce n’est pas que la conjoncture soit porteuse ou que les dividendes progresseront en 2012 (il y a toutes les chances que ce soit l’inverse)… mais il faut bien faire quelque chose de tout ce pognon sorti de nulle part — sous forme de LTRO — depuis le 20 décembre dernier.
Oui, il faudrait être complètement idiot pour ne pas privilégier le risque et perdre délibérément de l’argent sur des emprunts d’Etat mal rémunérés ou trop risqués.
▪ Le Portugal case ses emprunts mais pas l’Espagne
C’est pourquoi l’Espagne n’a pas réussi à lever la totalité des fonds qu’elle souhaitait sur des maturités de 12 à 18 mois. Pendant ce temps, le CDS associé aux emprunts à 10 ans ibériques se tendait de huit points de base (à 405 points) au-dessus du taux « refi » de 1% imposé par la BCE.
Succès en revanche pour le Portugal qui a placé 1,6 milliard d’euros + 0,38 milliard d’euros d’emprunts très court (à 12 puis quatre mois), avec des rémunérations de 3,65% et 2,17% respectivement.
Il semblerait donc que Madrid inspire moins confiance que Lisbonne, sous perfusion d’une aide européenne de 78 milliards d’euros depuis un an. Peut-être est-ce dû au fait que les banques espagnoles reconnaissent affronter le plus fort taux de créances douteuses depuis 1994 (année du krach obligataire en Europe) ?
Mais est-ce que 1994 constitue une référence pertinente ? Si c’est le cas, cela revient à comparer une vague « spécial surfeur » sur la côte basque à celle qui a dévasté la centrale de Fukushima il y a un an et une semaine.
L’année 1994, ce n’était qu’un échantillon de parfumerie de cinq millilitres en regard du méga-flacon destiné à trôner dans la salle de bain d’un émir du Qatar rentrant au pays après être venu faire ses petites emplettes à Paris — comme par exemple l’achat de 2% du capital de Total, Véolia ou Vivendi et 10% de Lagardère.
Les banques espagnoles sont endettées à hauteur de plus de 150 milliards d’euros vis-à vis de la BCE ; mais elles le seraient certainement du double si elles devaient provisionner les pertes réelles encourues sur leurs portefeuilles de prêts immobiliers ou sur ceux consentis aux promoteurs.
▪ L’Allemagne se refinance et prévoit son PIB en hausse
Pendant ce temps-là, l’Allemagne se refinance à 0,31% !
Non pas sur des échéances à 10 ou 15 jours… mais sur deux ans !
L’Allemagne offre 0,25% de rendement sur des Schatz mars 2014 quand les prix vont grimper — presque officiellement, selon la BCE — de 5% au cours des 24 prochains mois.
Alors là, compliments aux souscripteurs qui se sont littéralement rués sur cette émission de papier allemand — assorti d’un généreux coupon qui représente un quart du taux officiel de la BCE au jour le jour. Ils en ont ramassé pour 4,11 milliards d’euros, soit le sommet de la fourchette.
Pour en revenir au postulat du premier paragraphe, ou les acheteurs sont des idiots, ou bien ils anticipent une récession et même de la déflation, ce qui contredit le pronostic d’un institut économique de Berlin qui revoit à la hausse le PIB allemand de 0,8% à 1% en 2012.
Or nous sommes bien convaincu que la croissance allemande ne sera pas très éloignée de cette prévision. Et nous sommes tout aussi convaincu que les acquéreurs de Schatz pensent avoir réalisé un bon placement, même à 0,31%.
Il n’y a guère qu’une explication qui tienne la route pour résoudre ce paradoxe, et ce n’est pas une révélation fracassante pour ceux qui nous lisent régulièrement. Les stratèges qui voient un peu plus loin que les day traders (obnubilés par la hausse des actions) achètent de l’euro-mark comme si tout pouvait basculer d’ici les 24 prochains mois.
Bien entendu, le discours dominant continue de marteler que la crise systémique qui a frappé l’Euroland à l’automne 2011 est révolue. L’incendie a été noyé sous les liquidités de la BCE, par la magie des deux LTRO de fin décembre 2011 et fin février 2012.
▪ Le bilan de la BCE a quelques lacunes
La BCE jure ses grands dieux qu’elle n’a pas cédé à la tentation de la création monétaire, que chaque million d’euros avancé aux emprunteurs a été couvert par la prise en pension d’un collatéral d’un montant équivalent.
Sauf que l’analyse du bilan de la BCE au 16 mars démontre que la situation est bien différente. Les banques de la Zone euro n’ont déposé que 758 milliards d’euros en regard des 1 000 (et quelques) milliards de liquidités créés informatiquement depuis trois mois.
Des banques auraient donc oublié de mettre en dépôt 250 milliards d’euros, que la BCE oublie à son tour de leur réclamer pour la bonne forme… ce qui n’inquiète personne ! Etonnant, non ?
La Fed de son côté fait comme si elle n’avait rien vu et se félicite de la détente des taux en Europe.
Pas un mot, bien sûr, concernant la tension des taux longs américains, repassés en 15 jours de 1,8% à 2,40%, avec à la clé la plus longue série de baisses (neuf) du T-Bond à 10 ans depuis 1995.
Difficile de ne pas mettre en parallèle les neuf séances de hausse consécutives des indices boursiers américains qui s’est interrompue mardi.
▪ Wall Street finit en baisse
Wall Street a récidivé à la baisse mercredi soir ; rien de spectaculaire cependant, le S&P ne cède que 0,2% et sauve les 1 400 points, alors que les opérateurs ont été déçus par le recul inattendu de 0,9% des ventes dans l’immobilier ancien en février.
Par ailleurs, les stocks de logements invendus ont augmenté, ce qui tranche avec la tendance à la contraction des six derniers mois.
C’est d’autant plus décevant que les conditions météo ont été clémentes, sans oublier que le mois de février comptait 29 jours.
Les acquéreurs commenceraient-ils à ressentir quelques tiraillements du côté de leur pouvoir d’achat ? Les nouveaux embauchés douteraient de la pérennité de leur contrat de travail ?