La Chronique Agora

Bienvenue sur l’Everest des dettes

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La montagne atteint les 30 000 Mds$ d’altitude pour les Etats-Unis, et dix fois plus au niveau mondial. Qui va payer tout ça ?

Pour en finir (pour l’instant) avec nos histoires d’investissement dans des terres agricoles, voici une devinette envoyée par un cher lecteur :

« Savez-vous ce qu’est devenu l’agriculteur qui a donné sa ferme à ses enfants ?

Il a été condamné pour maltraitance ! »

Passons au sujet du jour. Selon USA Today :

« La dette nationale a dépassé pour la première fois les 30 000 Mds$ [le 1er février], alimentée en partie par la pandémie de coronavirus et ce que les économistes décrivent comme des années de dépenses publiques insoutenables susceptibles d’avoir des conséquences à long terme sur tous les Américains.

Le gouvernement fédéral doit désormais 23 500 Mds$ à des créanciers et 6 500 Mds$ à lui-même. Les dettes vis-à-vis de créanciers ont flambé de 1 500 Mds$ sur la seule année dernière, selon la Peter G. Peterson Foundation, une organisation apolitique qui s’intéresse aux défis budgétaires du pays.

‘Cela n’a aucun sens, en tant que société, de dépenser en permanence et de manière croissante plus d’argent qu’il n’en rentre’, a déclaré Michael A. Peterson, le PDG du groupe. ‘Et surtout, on fait porter ce fardeau à notre avenir et à la prochaine génération.’ »

Sur le plan mondial, la situation n’est pas meilleure. La frénésie d’emprunts et de dépenses du XXIe siècle a produit une dette totale de 300 000 Mds$, soit trois fois plus que le PIB.

Hier. Aujourd’hui. Demain. Nous nous interrogeons sur les liens. Sans hier, aujourd’hui ne serait pas pareil. Et quand nous nous pèserons sur la balance, demain, est-ce la pâtisserie consommée aujourd’hui qui sera détectée ?

Sans deux décennies de politiques idiotes, l’Amérique ne se retrouverait pas face à une dette « nationale » de 30 000 Mds$.

L’absurde « guerre contre le terrorisme » de George W. Bush a coûté quelque 8 000 Mds$. Ensuite, lorsque Barack Obama et Ben Bernanke sont allés à la rescousse des bonus de Wall Street, en 2008-2009, ils ont alourdi cette dette de 8 000 Mds$.

En 2020, la crise du Covid est arrivée, les actions ont chuté, l’Etat a paniqué, et 8 000 Mds$ de dettes sont venus s’ajouter, en enrichissant plus que jamais les plus riches.

Une montagne de dettes toujours plus haute

Le graphique ci-dessus s’arrête malheureusement au troisième trimestre 2021.

Cela dit, grâce aux taux ultra bas de la Fed, la dette fédérale s’est alourdie de 24 000 Mds$ depuis 1999. Les taux bas ont également rendu l’emprunt plus attractif aux yeux du reste de l’économie.

Par conséquent, en plus de la masse nauséabonde des dettes fédérales, nous nous trouvons désormais face à une montagne de 56 000 Mds$ de dettes souscrites par les ménages et les entreprises.

Mille milliards par ci. Mille milliards par là. Très bientôt, nous aurons un véritable mont Everest de problèmes.

Mais qu’est-ce qu’on s’est bien amusé ! En bâtissant des démocraties flambant neuves en Irak et en Afghanistan. En dopant le marché actions jusqu’à de nouveaux plus hauts record. En rachetant des actions. En faisant grimper à des millions de dollars des crypto-monnaies fondées sur une blague et des NFT trop cool. En infligeant un short-squeeze à des vétérans, avec les meme stocks, et en regardant de vieux barbons comme Buffett avancer laborieusement alors que de petits prodiges fonçaient pour obtenir une fortune fulgurante. En distribuant des prêts, qu’il n’était pas nécessaire de rembourser, ainsi que des crédits d’impôt et chèques de stimulus à des gens qui ne sont même pas imposables. Youhou !

Et – ce qui est probablement le plus amusant – le tout en écoutant de mélancoliques mises en garde contre des « bulles » et la « dette » … Mais où était le souci ? Cet argent était gratuit, bon sang de bois. Vous pouviez emprunter tout ce que vous vouliez… et à un taux inférieur à celui de l’inflation.

Hélas, c’était hier.

Et aujourd’hui, même le New York Times commence à comprendre :

« Soit les Etats-Unis peuvent continuer à enregistrer de grands déficits et poursuivre leur route sans qu’il n’y ait de dégâts, soit ils courent le risque de perdre la confiance des investisseurs et de devoir payer des taux d’intérêt plus élevés sur leur dette, ce qui freinerait la croissance économique. »

Ces deux possibilités soulignées par le New York Times relèvent du fantasme. Les Etats-Unis n’ont pas le choix. Continuer à s’endetter de plus en plus n’est pas une possibilité. Plus pour longtemps.

Perdu dans l’espace budgétaire

Les causes entrainent des effets. Les actes entrainent des conséquences.

Si vous empruntez trop aujourd’hui, votre note de crédit baisse demain. Ensuite, sous réserve que vous puissiez encore emprunter, vous devrez payer des taux d’intérêt plus élevés. Et avec 86 000 Mds$ de dette, même la plus infime augmentation des taux d’intérêt (donc du service de la dette) peut faire des ravages.

Un taux d’intérêt « normal » est de 3%, admettons. Les prix à la consommation augmentant de 6% par an, cela impliquerait un taux nominal de 9%. Si la totalité de la dette devait être refinancée à 9%, cela coûterait environ un tiers du PIB annuel. De toute évidence, cette « normalité » ne va pas arriver.

« L’espace budgétaire » est une autre façon de décrire la longueur de corde dont un pays a besoin pour se pendre.

Lorsque la capacité d’emprunt d’un gouvernement – « l’espace budgétaire » – est épuisée, il doit arrêter d’emprunter. Sinon, la conséquence est la faillite.

Carmen Reinhart, « la doyenne de la dette », qui a étudié 800 ans d’histoire des dettes publiques avec Kenneth Rogoff, l’exprime ainsi :

Tôt ou tard, des dynamiques d’endettement peu judicieuses finissent par se retourner contre vous.

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