▪ En l’espace de quatre mois à peine, l’or a pris la bagatelle de 6%. En euro, oui, vous avez bien lu. L’explication est simplissime. Ben Bernanke et Jean-Claude Trichet font simplement bien leur boulot. La Crise 2, celle du crédit souverain subprime, engraisse notre « relique barbare » selon Keynes.
Oui, toujours pas de croissance en vue trois ans après le début de la crise. La situation commence même à sentir le roussi. Notre « laboratoire du pire », le Royaume-Uni, est actuellement confronté à la stagflation. Et il est probable que nous partagions d’ici peu de temps ce sort peu enviable en nous enfonçant dans la Crise 2.
Dans ce contexte, l’or n’est pas cher en euro, croyez-moi. Il n’est pas cher en dollar. Il n’est pas cher non plus en yen.
▪ La faible croissance prépare le terrain de la rechute
La stagflation, cette « inflation sans croissance », fait actuellement baisser le niveau de vie de Mr & Mrs Smith (les cousins anglais de M. & Mme Michu). Mais les choses ne s’arrangent pas non plus outre-Atlantique.
Aux Etats-Unis, M. le Marché se remet à loucher vers l’ouest. L’immobilier ne sort pas du trou. La création d’emplois s’effondre (38 000 emplois créés selon ADP alors que les économistes en attendaient 177 000). Les indicateurs d’activité industrielle sont tous au rouge. Le constat est sans appel : la croissance n’est pas suffisante pour éponger les dettes. C’est vrai des deux côtés de l’Atlantique.
▪ Les possibles évolutions de la Crise 2 et leurs effets sur l’or
Avant de lire ce qui suit, je vous propose d’adhérer sans condition à trois postulats :
– Le sens de l’anticipation des marchés confine à la nullité.
C’est assez logique quand vous imaginez le marché comme un troupeau. Considérez le troupeau des investisseurs professionnels et institutionnels comme les bêtes de têtes. Ils ont vu le ravin mais ils pensent : « ça pousse derrière et tant que ça dure profitons-en. Nous pourrons toujours nous écarter au dernier moment ».
– Les faits ne bougent pas les marchés, les idées si.
Si le marché a une idée en tête, il ne regardera pas les faits qui la démentent. Le pouvoir des idées est le plus souvent bien plus grand que celui des faits. Ainsi l’idée (devrait-on dire la foi ?) keynésienne reste forte quoiqu’il arrive. Or pour que les marchés soient vraiment effrayés face à la Crise 2, il faudrait que la foi keynésienne vacille.
– Le pire n’est peut-être pas certain, mais on ne regrette jamais de s’y être préparé.
Comme disait mon grand-père, « personne n’a jamais regretté d’avoir pris trop de précaution, mais j’ai connu beaucoup de gens qui ont pleuré pour n’en avoir pas assez pris ».
Avec ces trois postulats, revenons à nos scénarios. Je les emprunte à Albert Edwards, de la Société Générale, et à Russell Napier du CLSA. Ce sont deux fins observateurs de troupeaux.
▪ Albert Edwards : déflation puis hyperinflation
Pour Albert Edwards, l’arrêt de l’impression monétaire (QE2) de la Fed est acquis. « Nous nous dirigeons vers un krach déflationniste qui devrait envoyer le S&P 500 vers les 400 points, 70% en dessous de son niveau actuel. Le rendement des bons du Trésor à 10 ans devrait descendre en dessous de 2% ». Ensuite, la Fed se livrerait à « une orgie frénétique » qui conduirait à une inflation à deux chiffres.
▪ Russell Napier : inflation puis déflation
La Fed poursuivra dans la voie de la monétisation, nous enchaînerons sur un QE3. Pour combattre l’inflation née de l’impression monétaire occidentale, les marchés émergents vont laisser leurs devises s’apprécier. Ceci provoquera une baisse de la demande des bons du Trésor américains. La hausse des rendements obligataires qui s’ensuivra fera sombrer le marché actions.
Dans ces deux scénarios, l’or gagne dans les deux cas.
▪ Pourquoi l’or pourrait reculer alors que la Crise 2 s’amplifie ?
Mais, dans le premier cas, l’or connaîtra une sale période avant de s’imposer. Il se produira peu ou prou ce qui s’est produit au moment de la faillite de Lehman : un recul de 10 à 15%. Faute d’anticipation, les investisseurs professionnels seront contraints de vendre pour éponger leurs pertes. Si ce recul se produit, profitez-en pour vendre votre « or papier » et prendre de l’or physique.
Et les minières dans tout ça ? Pas touche !
Vous avez compris que nous étions à un tournant. Il est urgent de ne rien faire. Nous avons gagné beaucoup d’argent avec les minières par le passé. Nous en gagnerons beaucoup à l’avenir, mais pas maintenant.
Une correction des marchés actions entraînera aussi les minières, en vertu du premier postulat. Après, nous chargerons la mule, à mort. Car ce sera le grand retour du business or. Dans un nouveau système monétaire, il aura une place.
Aujourd’hui, l’or extrait ne peut garantir toutes les transactions financières. Il faudra donc bien en trouver encore un peu. La nouvelle demande poussera encore les prix. Les nouveaux producteurs seront bientôt les rois de la situation.
Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises le 16/06/2011.