La Chronique Agora

Ben Bernanke fait un métier bien difficile !

** Comment reconnaître qu’un patron de banque centrale va vous mentir ?

Facile… il suffit de guetter le moment où il s’apprête à desserrer les lèvres !

Oui, c’est vrai, cette même blague circule également au sujet des politiciens, des avocats d’affaires, des diplomates ou des conseillers évoluant dans l’entourage de Ronald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Dick Cheney.

Sauf qu’il ne viendrait plus à l’idée d’aucun investisseur de prendre une position haussière sur les marchés dans l’attente d’une mesure économique pertinente concoctée par la Maison-Blanche ! Par contre, le simple pressentiment que Ben Bernanke pourrait confirmer qu’il se moque de l’inflation comme d’une guigne suffit à faire rebondir l’indice Dow Jones de 200 points en quelques heures, quelle que soit la teneur des statistiques économiques disponibles au moment où il s’éclaircit la voix avant de s’exprimer devant des journalistes à la sortie d’un G7 ou des parlementaires sur la colline du Capitole.

Un an — presque jour pour jour — après le début du matraquage du message de non-contagion de la crise des subprime, le patron de la Fed dément tout risque de stagflation de l’économie américaine. Selon lui, la croissance américaine sera lente, mais pas négative, et la hausse des prix va tendre à se modérer — même si le baril caracole au-delà des 100 $ — parce qu’il en va toujours ainsi lorsque la consommation se contracte.

Et pour se contracter… elle se contracte : la hausse des dépenses personnelles des ménages s’établit à +1,9% en 2007– contre +3,8% en 2006, c’est-à-dire une division par deux — tandis que l’inflation grimpe à plus de 4% l’an, et de 2,7% hors alimentation et énergie.

La croissance du PIB américain a été confirmée à 0,6% au quatrième trimestre — au lieu de 0,7% ou 0,8% anticipé. Ce chiffre témoigne d’un sévère coup de frein conjoncturel après une hausse de l’activité de 4,9% au troisième trimestre 2007 ; le PIB progresse ainsi de 2,2% en rythme annuel.

Les prochains chiffres de l’emploi américain, le 7 mars prochain, vont certainement valoir le coup d’oeil car, selon les dernières données collectées par le Département du Travail, les inscriptions hebdomadaires au chômage ont progressé de 19 000 pour atteindre 373 000 au cours de la semaine du 18 au 23 février… et le délai pour retrouver du travail s’allonge.

** Compte tenu des statistiques du même tonneau sur la chute de la production industrielle et des transactions immobilières publiées mardi et mercredi derniers, nous avions fini par croire que « plus c’est pire, mieux cela vaut » — sinon comment expliquer une série de quatre hausses consécutives du Dow Jones et du Nasdaq — et que la consolidation des indices boursiers allait constituer une nouvelle occasion d’effectuer des rachats à bon compte… mais ça n’a pas fonctionné !

Les marchés ont vraiment terminé la journée d’hier de fort méchante humeur : il ne faut peut-être pas trop leur en demander, d’autant plus que les places européennes doivent composer avec une chute de 2,5% du dollar en 48 heures d’horloge.

Le billet vert a enfoncé hier vers 18h le seuil des 1,52/euro ; il ne lui a ensuite fallu que 90 minutes pour atteindre les 1,5230/euro. Dès mercredi dernier, nous avions misé sur 1,5250/euro dans l’immédiat et 1,54/euro d’ici la mi-mars… mais au rythme où les cambistes s’en débarrassent depuis mardi soir, nous serons certainement obligé de revoir nos objectifs à 1,61/1,6120 d’ici lundi ou mardi prochain.

Après avoir occulté le facteur dollar durant trois jours, les gérants de portefeuilles opérant en Zone euro semblent avoir émergé de leur brouillard psychédélique : le CAC 40 a ainsi décroché d’un coup de plus de 2% et a enfoncé sans la moindre difficulté le petit support court terme des 4 890 points en direction des 4 865 points.

Les gains accumulés par le CAC 40 au cours des trois précédentes séances se retrouvent donc amputés des deux tiers, et la semaine pourrait s’achever sur une progression voisine de 1%… à l’image des deux précédentes. La séance d’hier a été également marquée par une nouvelle série de publication de résultats, le plus souvent mal accueillis — comme dans le cas de Rhodia qui a plongé de 20%, sous les 17 euros.

** A Wall Street, le Dow Jones reculait en clôture de 0,9% après avoir ricoché, mardi et mercredi, sous l’importante résistance des 12 750 points. En cause : les valeurs financières qui entraînent les indices dans leur rechute, négligeant soudain les promesses de baisse de taux et les anticipations de rebond de l’activité à 2,8% en rythme annuel de la Fed.

Soucieux de convaincre les membres du Congrès que le destin économique des Etats-Unis était entre de bonnes mains, Ben Bernanke a insisté sur la difficulté de sa mission… « parce que la situation est bien plus difficile à gérer que fin 2001 ».

Laisser supposer que les mêmes remèdes — c’est-à-dire une baisse agressive des taux –pourraient ne pas résoudre aussi efficacement la crise actuelle que par le passé a semé le trouble parmi les stratèges de Wall Street.

Le patron de la Fed a ajouté que certaines petites banques pourraient connaître des défaillances. Si tel est bien le cas, de plus grosses banques pourraient également trembler sur leurs bases. Entre ces deux conclusions, il n’y a qu’un pas, vite franchi par Wall Street qui a envoyé par le fond les établissements de crédit et les promoteurs.

Ainsi, après Fannie Mae, c’était au tour du géant américain du refinancement hypothécaire Freddie Mac de faire état d’une perte abyssale de 2,45 milliards de dollars au titre de son quatrième trimestre. La veille, son homologue Federal National Mortgage — Fannie Mae pour les intimes — avait annoncé 3,6 milliards de dollars de pertes trimestrielles et avait dévoilé une montée en flèche — de près de 100% — des incidents de remboursement.

Tous les compartiments du Big Board ont connu des moments difficiles… tous sauf le secteur des parapétrolières. Elles furent les seules à surnager grâce à l’envolée du baril de pétrole vers 102,5 $, l’or noir servant de valeur refuge face à la désagrégation du dollar. Halliburton a ainsi gagné 4,3% alors que Anadarko et Murphy Oil gagnaient 2,5%.

Nous ne serions pas surpris que la plupart des groupes pétroliers — autrefois les principaux financiers de la campagne de G. W. Bush en 2000 puis 2004 et soutiens naturels du sénateur Mac Cain en 2008 — fassent de très bonnes affaires sur le NYMEX au cours des six prochains mois…

Philippe Béchade,
Paris

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