▪ A force d’entasser la poussière sous le tapis, ça finit par faire des bosses. Et quand elles deviennent trop nombreuses, il y a intérêt à regarder où l’on pose ses charentaises !
▪ Les marchés sont K.-O. !
Manifestement, les marchés qui avancent comme des somnambules depuis qu’ils sont drogués au LTRO se sont pris les pieds dans le tapis ce mardi. Ils ont basculé la tête la première sous leurs supports moyen terme et se sont étalés de tout leur long, terminant collectivement la séance au plus bas, littéralement K.-O. !
Les indices boursiers n’ont pas esquissé le moindre mouvement pour limiter la casse au cours des derniers échanges. Pas l’ombre d’un rachat à bon compte durant les deux dernières heures de cotations ; c’est au contraire une accélération des dégagements tous azimuts qui s’est opérée peu après la réouverture des marchés américains.
▪ Personne pour sauter dans le train de la hausse ?
Cela faisait des semaines que nous suscitions l’incrédulité des gérants et des permabulls. En effet, ils étaient tous acquis à la cause d’un marché éternellement haussier et ne cessaient de marteler que l’anticipation d’une correction boursière était une hypothèse au mieux stupide (voire totalement improbable), dans la mesure où chaque microscopique consolidation indicielle serait aussitôt mise à profit par les retardataires pour sauter dans le TGV de la hausse.
Hem… Les quais qui étaient prétendument noirs de monde — vous savez bien, cette foule d’idiots qui avaient raté le train du 18 janvier quand le CAC 40 a pulvérisé la résistance des 3 250 points — semblent étrangement déserts depuis que l’indice a rétrogradé sous les 3 500 points.
Pas grand monde pour faire une moyenne à 3 400 points… quelques rachats de vente à découvert vers 3 280 puis plus personne sous 3 260 points ce mardi (seuil enfoncé vers 16h).
Non, vraiment, nous n’avons vu personne essayant de grimper dans le train affichant la destination « 4 000 » mais de nombreux passagers sans billet.
Les day traders, quant à eux, ne restent jamais acheteurs du jour pour le lendemain, s’empressant de profiter du soudain ralentissement du convoi pour sauter par la fenêtre.
Nous avons entendu crisser les freins à Wall Street lundi soir puis mardi matin en Asie (la Bourse de Shenzhen a chuté de -1,7%). Nous soupçonnons qu’il ne s’agit pas d’un simple freinage technique amorcé avant une entrée en gare, mais d’un freinage d’urgence parce que quelqu’un a tiré sur la manette du signal d’alarme.
Il aurait été inspiré par une fulgurante remontée des taux longs en Italie (5,6%) et surtout en Espagne (6%) alors que le rendement du Bund, valeur refuge par excellence, s’est détendu symétriquement à 1,64% — c’est presque un plancher historique.
▪ L’Europe vient de connaître une des pires séances de l’année
En Europe, ce fut la pire séance de l’année avec un véritable coup de tabac sur les places du sud de l’Europe avec -3% à Madrid mais aussi et surtout un vertigineux -5% à Milan.
L’euro-Stoxx 50 (-2,98%) voit son avance annuelle s’évaporer presque intégralement puisqu’il ne subsiste plus que 0,2% de gain, contre 1,8% à Paris.
Le CAC 40 a été victime d’une correction tout aussi spectaculaire, puisque l’indice plongeait de 3,08% à 3 217 points, refermant au passage le gap des 3 231 points du 16 janvier. Il efface ainsi en trois semaines (-11% depuis le zénith des 3 600 points) ce qui a été engrangé en trois mois.
Et plus les cours chutent, moins il y a d’acheteurs. « On n’attrape pas un couteau qui tombe » ! Si les indices dévissent, c’est qu’il existe une foule de bonnes raisons : ces fameux paquets de poussière planqués sous le tapis depuis trois mois.
▪ Ben Bernanke soulève une question qui fâche
C’est Ben Bernanke qui a malencontreusement soulevé un coin de la carpette maudite du shadow banking dans la nuit de lundi à mardi.
Le patron de la Fed estime que c’est de là que pourrait venir le danger pour le système bancaire américain. Il s’agit de dizaines de milliers de milliards de dollars de transactions de gré à gré sur des produits volatils (monétaires et obligataires) dont personne ne connaît le degré de risque induit.
Il est déjà assez compliqué de se faire une idée de la solidité des banques américaines avec les actifs complexes figurant dans leurs bilans (leurs ratios de solvabilité sont gonflés à l’hélium lors des stress tests)… Mais allez savoir quels sont les risques embusqués dans le hors bilan, alors que la plupart des contreparties sont immatriculées dans des paradis fiscaux où le pouvoir d’investigation de la Fed est quasi nul.
Ben Bernanke redoute que les dettes souveraines européennes représentent un danger significatif de pertes pour les banques américaines. C’est sûr qu’avec des taux longs espagnols qui flirtent avec les pires niveaux de l’automne 2011 (6,5%), il y a de quoi se montrer raisonnablement inquiet pour les semaines qui nous séparent des élections en France et en Grèce.
▪ Les bancaires plombent Wall Street
Ce sont bien les valeurs financières qui ont plombé Wall Street mardi soir avec -4,4% sur Bank of America, -3,7% sur Morgan Stanley, -3,3% sur Citigroup.
Le S&P chute de 1,71%, il aligne une cinquième séance de repli et subit ainsi sa plus lourde correction depuis le 8 décembre dernier. Le Dow Jones lâche plus de 200 points (-1,65%) pour la première fois de l’année et le VIX bondit de 9%, vers 20,4.
Les trois principaux indices américains se retrouvent éjectés de leur canal ascendant inauguré fin novembre et l’indice de la peur pulvérise la résistance technique des 20. Cela traduit la déroute en rase campagne des permabulls et la désertion des bons apôtres des « taux qui demeureront éternellement bas » et des « pommiers qui montent jusqu’au ciel ».
▪ Rien n’arrête la Pomme…
En ce qui concerne cette dernière légende des « temps numériques », elle a bien failli se vérifier une fois encore mardi soir. Apple a pulvérisé un nouveau record absolu à 644 $ vers 16h, sa capitalisation franchissant la barre des 600 milliards de dollars ; elle s’approchait ainsi, à 10% près, de celle de la Bourse de Zurich avec ses 750 milliards de francs suisses).
Mais comme vous l’anticipez, le revers de la médaille, c’est que le numéro un mondial des tablettes ne peut se permettre de décevoir les marchés lors de la publication de ses perspectives mi-avril. Imaginez les dégâts que pourrait provoquer la chute d’une pomme de 600 milliards de dollars sur la tête du pauvre Newton qui somnole au pied de l’arbre.
Wall Street risque de faire bientôt la douloureuse expérience d’une variante boursière de la gravitation universelle.