▪ La hausse boursière qui a suivi l’annonce historique de la Fed la semaine dernière n’a pas duré — de sorte que nous nous interrogeons :
Le QE Eternel était-il déjà dans les cours ? Si oui… où peuvent-ils désormais aller, sinon vers le bas ?
Nous allons laisser cette réflexion sur la table… nous lever… et regarder par la fenêtre.
Voilà six ans que Bear Stearns a rendu l’âme, et cinq ans que Lehman Bros. s’est mis en faillite. Qu’est-ce qui a changé exactement ?
Nous aurions bien aimé y être. Nous aurions adoré voir la tête de Jimmy Caine. Il était autrefois l’un des plus riches magnats de Wall Street ; sa part dans Bear Stearns se montait à plus d’un milliard de dollars. En juillet 2007, il participait à un championnat de bridge quand des dirigeants de Bear Stearns sont venus à sa table.
"Euh, Jimmy… on peut te parler une petite minute ?"
"Pas maintenant… Vous ne voyez pas que je suis au milieu d’une partie ?"
"Mais Jimmy… il faut que tu saches quelque chose… quelque chose qui ne peut pas attendre"…
"Oh là là, très bien… que se passe-t-il ? Allez-y, crachez votre valda".
"D’accord. Nous sommes ruinés. Deux de nos hedge funds se sont effondrés hier soir. Nous n’avons pas le choix. Il faut nous mettre en faillite".
Pauvre Jimmy. Ce moment a marqué la fin de sa grandeur… et préfiguré le Grand désendettement qui commencerait un an plus tard, quand Lehman a mordu la poussière. Par la suite, Caine a vendu sa part de Bear Stearns pour 61 millions de dollars — et il a eu de la chance d’en tirer autant.
▪ La crise, une aubaine pour certains
Comme le sait chaque bipède doté d’un esprit, le monde développé est entré dans une crise financière en 2008. En fait, les premières fissures sont apparues une année auparavant avec Bear Stearns et la détresse du plus pourri de tous les marchés pourris — les subprime. En 2007, les prime étaient tellement sub qu’il était impossible d’y trouver de la valeur — même avec un détecteur de métaux. De toute façon, il n’y avait pas de métaux — précieux ou pas. Ce n’était que du papier… et ce papier ne valait pas même une fraction de ce que les gens avaient payé.
Mais la faillite de Lehman a marqué le début et, tout compte fait, la fin du Grand désendettement. Ensuite, les autorités sont intervenues… Elles ont placé des sacs de sable pour renforcer les digues, elles ont arrosé les forêts de produits chimiques ignifuges, elles ont foré des sorties pour ceux qui étaient piégés sous la surface, elles ont repoussé les débris et, plus généralement, se sont assurées que le désastre était limité.
Pour tout ça, elles se sont vu attribuer des alléluias et des hourras par des médias pleins d’adulation. On a vu leurs portraits dans des magazines populaires, les décrivant comme des héros et des génies qui avaient non seulement tiré les marrons de Goldman Sachs du feu mais aussi sauvé la Civilisation elle-même. Ils avaient réussi à éviter une Grande dépression — c’est ce que tout le monde disait.
Y avait-il jamais eu meilleure période pour être banquier central — quand la presse reprenait le moindre de vos mots, l’examinait minutieusement mais n’émettait pas une seule critique ? Personne ne disait que ces mots étaient creux, dénués de sens, voire carrément idiots. Au lieu de ça, le gens pensaient que si les banquiers étaient évasifs… ou intentionnellement opaques… c’était parce que les enjeux étaient si élevés qu’ils n’avaient aucune obligation de révéler à leurs employés ce qu’ils étaient en train de faire.
A présent, nous regardons autour de nous et nous nous demandons… est-ce que ça va mieux ?
▪ Comment les problèmes, déséquilibres et excès de 2007 ont-ils été traités ?
Le principal changement concerne le marché de l’immobilier aux Etats-Unis. Il n’est plus autant en ébullition. Les gens ne s’attendent plus à s’enrichir en achetant de l’immobilier résidentiel.
A part ça…
Les grandes banques… se sont-elles effondrées et délitées ? Non… elles sont plus grandes que jamais.
La défense, la santé, la finance… Les secteurs zombie sont-ils sous contrôle ? Non, ils ont plus que jamais le mors aux dents, obtenant une part toujours croissante du PIB.
Et l’excès de dette… la véritable cause de la crise financière de 2008… est-ce qu’il a été éliminé ou au moins réduit ? Ne nous faites pas rire, cher lecteur. Dans le secteur privé US, la dette a été limitée… mais seulement un peu. Les taux d’épargne ont grimpé à 6% immédiatement après la crise. A présent, ils sont retombés aux alentours des 4%. Quant à la dette totale, elle est plus élevée que jamais — grâce à "l’aide" des autorités. Selon William White, ancien économiste en chef de la Banque des règlements internationaux, la dette totale dans les pays développés en tant que pourcentage du PIB est 30% plus élevée aujourd’hui qu’à l’époque.
Les autorités ont décidé de combattre le feu par le feu. Pour résoudre le problème de la dette… elles ont donc ajouté de la dette ! Nous devons l’admettre : le génie de ce plan ne nous a pas tout de suite sauté aux yeux. Mais petit à petit, son élégante virtuosité nous a quasiment aveuglé.
Les autorités ont toujours eu un seul but prépondérant et primordial — s’arroger l’argent et le pouvoir. Elles ne créent pas de richesse. Elles ne peuvent donc l’obtenir qu’en la prenant à d’autres. La crise — qui n’était qu’une correction de marché naturelle dans un cycle de dette extrême (causé en grande partie par les autorités elles-mêmes) — leur a fourni une couverture toute trouvée pour une escroquerie à plus grande échelle encore.
Le TARP, le QE, les taux zéro — rien de tout ça n’a eu d’effet positif sur l’économie. Le problème, c’est la dette. Chacun de ces "remèdes" nous a laissé avec plus de dette. Bien entendu, ce n’est pas ainsi qu’on remédiera vraiment à la situation. Mais du point de vue des autorités, tout le programme a parfaitement fonctionné. Si on avait permis à la correction de suivre son cours, le désendettement aurait mis à terre bon nombre d’investisseurs et d’entreprises — surtout dans le secteur de la finance. Au lieu de ça, ils sont toujours en activité… ils profitent encore des politiques pro-dette des autorités… et continuent de recycler une bonne partie de ce cash vers les autorités elles-mêmes.
L’argent facile des autorités va dans les poches de leurs amis, clients et soutiens — et dans leurs propres poches aussi.