▪ La matinée s’est passée en molles oscillations entre 3 730 et 3 740 sur le CAC 40 : il s’agit là d’un important seuil technique correspondant à la base de l’ex-canal ascendant moyen terme inauguré en juin 2012. Ensuite, nous avons vu ressurgir les puissants algorithmes haussiers qui tirent les indices comme un câble tire un funiculaire — hausse régulière, aucun retour en arrière… de 14h à 17h35.
Les stratèges verraient bien le marché parisien repartir à l’assaut du gap des 3 823 points du 19 juin (nous parions qu’il sera comblé avant la publication des chiffres de l’emploi à 14h30)… puis s’attaquer aux 4 000 points avant le milieu de l’été. Nous croyons beaucoup moins à ce dernier chiffre, vous vous en doutez !
Il n’y avait pas de cotation à Wall Street en ce jeudi de célébration de l’Independance Day. Cependant, Paris n’a eu besoin d’aucun soutien des marchés américains pour en terminer au plus haut : +2,9% à 3 809,3 points, avec trois milliards d’euros échangés.
Le CAC 40 est repassé en quelques heures d’une préservation inespérée des 3 700 points la veille à un test « en force » des 3 800 et même des 3 810 points au plus haut en clôture.
L’Euro-Stoxx 50, qui affichait +2,75%, se rapproche des 2 650 points.
▪ Mario monte au créneau
C’est compréhensible : Mario Draghi été bien au-delà des attentes les plus folles des marchés avec le discours le plus « accommodant » jamais entendu depuis la période de crise de l’automne 2008. Il a d’ailleurs lourdement insisté sur ce point précis pour ceux qui auraient mal saisi la portée de ce tournant majeur dans la communication de la BCE.
Face à l’absence de signes tangibles de redressement de l’activité dans les pays du sud, face à l’absence de redressement des volumes de crédit (financement aux entreprises défaillant, là aussi dans les pays du sud), la BCE annonce qu’elle va maintenir les taux directeurs très bas — voire inférieurs au niveau actuel — pour une « période de temps très étendue ». Il est à noter qu’elle ne fixe surtout pas de délai, contrairement à la Fed.
Ceci sous réserve que les conditions de croissance et d’inflation restent compatibles avec les objectifs connus de longue date… mais les risques penchent clairement dans le sens de la déflation.
L’évocation d’un ancrage dans un contexte récessionniste remplace les pieux mensonges concernant un probable redémarrage de nos économies à la fin du deuxième semestre 2013.
Autrement dit, les marchés se fichent complètement que Mario Draghi avoue clairement qu’on n’est pas sorti de la mélasse et qu’on ne reverra pas poindre la croissance en Europe avant longtemps. Seule compte à leurs yeux la promesse d’une politique de taux zéro quasi-éternelle (« aussi longtemps que nécessaire »).
Les perspectives sont à ce point mauvaises que de nombreux gouverneurs de la BCE sont d’ores et déjà favorables à une réduction du repo à 0,25%. Mario Draghi leur donne par avance raison en balayant l’optimisme des économistes concernant la récente hausse des exportations espagnoles.
▪ Circonspection sur l’obligataire
Si les gérants actions ne se sentaient plus de joie jusqu’au coup de cloche final, les marchés de taux se montraient rapidement beaucoup plus circonspects et volatils. Certes, il y a bien eu un quart d’heure d’euphorie sur les dettes souveraines, vers 14h45… mais cela n’a pas duré.
Le Bund allemand, qui affichait vers 15h un rendement de 1,59% (contre 1,65% la veille), n’a pas tardé à remonter vers 1,63%. Les BTP italiens qui retombaient de 20 points de base en quelques minutes (de 4,57% vers 4,37%) ont fini la séance à 4,465%. Enfin, les Bonos espagnols, descendus en rappel de 4,80% vers 4,60% en moins d’une heure, reprenaient leur ascension dès 15h et se hissaient vers 4,68%.
Quelqu’un se poserait-il les bonnes questions… après avoir célébré sur le coup avec ses collègues la magie du verbe de celui qui est redevenu « Super Mario » en l’espace d’une demi-séance ?
Car cela fait des années que les taux sont très bas… mais cela ne produit aucun redressement de la conjoncture. Là où il y a de la croissance, les taux sont élevés, ce qui se vérifie aisément en regardant le loyer de l’argent dans les pays émergents.
Les taux montent jusqu’à ce que les bulles éclatent. Le Brésil, qui subit une dégradation conjoncturelle depuis deux ans, apparaissait initialement comme un cas isolé — mais il ne l’est plus, loin s’en faut.
▪ Les émergents en difficulté
Le ralentissement économique en Chine est beaucoup plus brutal que ce que les économistes veulent bien admettre. Ils sont encore très nombreux à s’accrocher à la thèse du découplage ou à celle du surgissement de nouveaux émergents comme l’Indonésie ou l’Afrique.
Nous ne les entendons plus beaucoup évoquer les Philippines… Normal puisque la bourse de Manille subit un krach rampant depuis deux mois tandis que la monnaie locale s’effondre.
En ce qui concerne l’Indonésie, avec ses 7% de croissance qui font rêver, le pays court vers une catastrophe écologique majeure. La déforestation y est massive, au profit du seul palmier à huile. Par ailleurs, la pratique de la culture sur brûlis engendre un nuage opaque et toxique qui recouvre non seulement une grande partie de l’île de Sumatra mais asphyxie également Singapour et une bonne partie du sud de la Malaisie. Encore une décennie de ce type de « croissance »… et l’Indonésie sera au bord du chaos alimentaire et sanitaire.
Mais pour en revenir aux stratèges qui n’ont que les émergents à la bouche, nous finissons par nous demander s’ils sont déjà allés évaluer sur place tous les miracles économiques devant lesquels ils s’extasient.
C’est à peine si quelques petites manifestations populaires en Turquie, au Brésil ou en Egypte (où tout est allé très vite, de la contestation de Mohammed Morsi à sa destitution) parviennent à les alerter sur un climat politique et social délétère dans les pays qu’ils plaçaient en tête des candidats à une croissance radieuse. Une liste dont la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud ne font plus partie depuis plusieurs trimestres.
Ce n’est donc pas un hasard si Wall Street a bénéficié du rapatriement de quelques dizaines de milliards en provenance des pays émergents ou émergés depuis la mi-mars. Cela a permis aux indices américains de tenir et d’entretenir l’illusion de prospérité que la Fed veut sauvegarder coûte que coûte.
Mais nous verrons bien avec les chiffres de l’emploi et le taux de chômage cet après-midi… puis la publication des premiers trimestriels en début de semaine prochaine !