La Chronique Agora

Battez le marché actions avec les bonnes obligations

▪ Dans la famille des obligations d’entreprises, je voudrais le high yield. Ne vous laissez pas rebuter par ces titres, sous prétexte que les agences de notation les estampillent comme plus risqués. Votre risque, au contraire : des gains plus sûrs et plus élevés qu’avec les actions.

Junk bonds (obligations pourries), le qualificatif encore usité est aujourd’hui caduc. High yield signifie avant tout haut rendement. "Les junk bonds partent comme des petits pains aux Etats-Unis", titre le Wall Street Journal. Les fonds dédiés accueillent d’ailleurs, depuis le début de l’été, des flux d’investissement record. Voici les deux leçons à en tirer.

▪ Pas si pourri que cela
La première est qu’il n’est pas trop tard. "Depuis vingt ans, il n’y a jamais eu de market timing, sauf en 2008. Le quatrième trimestre avait alors été pire que le troisième trimestre de 2001, marqué par le 11 septembre", remarque Eric Pictet, directeur de Muzinich & Co, société de gestion spécialisée dans les obligations d’entreprises à haut rendement. Mieux, expliquait il y a quelques semaines dans MoneyWeek Wesley Sparks, responsable de la gestion des taux américains chez Schroders, toute correction crée des points d’entrée intéressants, à condition de procéder à un minutieux bond picking.

Pour autant, cet actif reste encore abscons pour l’investisseur particulier. Vous devez et ne pouvez passer que par un fonds. Or tous ne se valent pas. Privilégiez certaines maisons, à l’expertise éprouvée par le temps.

MoneyWeek recommande l’obligataire corporate depuis janvier 2009 et le high yield depuis octobre 2009.

Le gérant obligataire cherche à évaluer "la capacité d’un émetteur high yield à payer le coupon et à se refinancer", explique Eric Pictet. Les stress tests, à la mode après la débandade des banques, ont cours depuis longtemps dans l’univers du corporate. Cela peut aboutir à l’exclusion de certaines valeurs, comme les financières chez Muzinich car "les bilans de ces entreprises sont souvent difficiles à analyser".

Muzinich recherche aussi de la liquidité. Alors que la moyenne des émissions dans l’indice high yield se situe vers 450 millions de dollars, ses fonds se tournent vers des offres plus importantes (environ 700 millions de dollars) et ne prennent jamais plus de 10% d’une émission, précise Eric Pictet. Le maître mot : diversification. "Il faut pouvoir dormir tranquille".

▪ Moins risqué que les actions…
Dans cette catégorie dite spéculative, notée par les agences BB+ ou moins, le meilleur côtoie le pire. Mais une société sévèrement notée n’est pas forcément à la peine. "Certains émetteurs qui ont eu ‘un pied dans la tombe’ se sont bien restructurés", note Wesley Sparks. Souvent, les agences ont un train de retard dans leur évaluation.

Enfin, la peur de défaillances en série n’a plus lieu d’être.

C’est prouvé : les obligations sont moins volatiles que les actions. Sur cinq ans, la volatilité annuelle moyenne est de 12,77% pour le high yield, contre 16,31% pour le S&P 500, selon JP Morgan. Sur vingt-cinq ans, elle est de 8,45%, contre 15,62% !

Pis, et c’est là la seconde leçon, "l’actuel afflux d’argent vers les fonds de junk bonds pourrait signifier des jours tempétueux pour les actions",prévient notre collègue Shah Gilani, du Money Morning. Les dollars alimentent le crédit corporate, donc moins le marché actions. Si le high yield sert principalement au refinancement, il permet aussi de préparer des LBO (leverage buy-out), lorsque le prédateur s’endette pour racheter les actions de sa proie ou des introductions en Bourse, assises sur des effets de levier. De telles opérations peuvent servir le porteur obligataire, heureux bénéficiaire du coupon, mais être douloureuses pour l’actionnaire.

▪ … et plus rémunérateur
"Même si les rendements des obligations high yield ont baissé face aux autres classes d’actifs, ils restent très attrayants, particulièrement quand on regarde la tendance des défaillances aujourd’hui",ajoute Darin Schmalz, de l’agence de notation Fitch Ratings, dans le Wall Street Journal.

Pour les 12 prochains mois, sauf choc externe majeur, Eric Pictet s’attend à une performance comprise entre 6 et 11%. Dans la moyenne historique. Fin juillet, la performance annualisée sur cinq ans — période d’investissement usuellement recommandée — était de 7,44% pour l’indice large des obligations, contre 5,89% pour les obligations d’Etat américaines à 10 ans et -0,97% pour le S&P 500 (dividendes réinvestis).

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