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Banques – Vers le « moment Kodak » ou vers le « moment iPhone » ? 3/3

banques, fintech

La concurrence entre les banques traditionnelles d’une part et les fintechs ainsi que les géants du web et de la téléphonie d’autre part est féroce, mais elle vous est bénéfique.

Mi-avril, le géant du e-commerce Amazon a lancé en France Amazon Pay (33 millions de clients dans le monde), service qui permet de se connecter sur un autre site de e-commerce en utilisant ses identifiants Amazon pour passer commande et régler ses dépenses (à ne pas confondre avec Amazon Cash qui s’adresse aux personnes qui n’ont pas de carte bancaire, voire pas de compte bancaire).

En invitant les sites commerciaux français à intégrer sa fonction Pay (disponible aux Etats-Unis depuis 2013), la firme de Seattle vise à s’imposer en tant que tiers de confiance. Reste à voir si elle parviendra à élargir son réseau de sites partenaires français, aujourd’hui encore très restreint.

Le site Les Numériques rapporte que « le système est financé par une petite commission prélevée sur les transactions (de l’ordre de 1,4% à 3,4% du montant de la commande, en plus d’un montant fixe de 0,25 €). »

Quand on sait que Jeff Bezos pense que l’Homme sera à terme en mesure d’envoyer 1 000 milliards d’humains coloniser le système solaire, rien de plus naturel que de chercher à prendre le leadership du marché du paiement en ligne quelques années auparavant ! Paypal (200 millions d’utilisateurs) reste néanmoins très en avance. Autant dire qu’on n’est pas prêts de payer sur Amazon avec son compte Paypal !

Notons qu’Amazon comme Paypal ne se cantonnent pas à affronter les banques sur le seul créneau du paiement en ligne, mais ont également investi le domaine des prêts aux entreprises.

L’offre Amazon Lending a permis depuis 2011 de prêter 3 Mds$ à plus de 20 000 petites entreprises utilisant la plateforme. Avec PayPal Working Capital, ce sont 115 000 TPE qui ont pu lever un montant à peu près équivalent.

Apple annonce que la version 11 d’iOS permettra de relier Appel Pay à une carte bancaire. L’objectif est double : rendre possibles les paiements entre particuliers via un simple message, et permettre de régler ses dépenses sur les sites qui acceptent Apple Pay. Un coup dur pour Lydia, et un nouveau concurrent pour Amazon et Paypal !

En France, après Carrefour et sa formule C-Zam, c’est au tour de la Fnac de lancer sa propre carte bancaire. Gratuite pour les membres de son programme (payant) de fidélité, l’offre présente l’intérêt d’un cashback de 1% sur toutes les dépenses réglées avec la MasterCard. Cette cagnotte ne sera cependant pas disponible en cash, mais créditée sur le compte fidélité des clients de la Fnac. A n’utiliser que si vous êtes un fervent client de cette chaîne de magasins. Attention également au crédit à la consommation en option qui pourrait rapidement faire baisser le rendement de votre cashback !

On attendait le lancement d’Orange Bank pour le 6 juillet. Son PDG Stéphane Richard a annoncé le 29 juin qu’il faudra encore patienter jusqu’en septembre, le temps de réaliser des tests technologiques supplémentaires. Affaire (encore) à suivre.

Que dire des conditions de son offre, officialisée le 20 avril ? Malgré une communication qui met en avant des slogans du type « la première banque apprenante », la stratégie ne semble pas reposer sur l’innovation. Il s’agit plutôt de procéder à une synthèse de l’innovation bancaire récente et de l’allure rassurante d’un géant français disposant de 140 boutiques, en vue de « réunir le meilleur des deux mondes ».

Reste à voir si cette stratégie se révélera suffisante pour attirer le grand public dans le numérique (objectif deux millions de clients d’ici 2022-24). D’autant plus que beaucoup de tarifs restent inconnus à ce jour.

Espérons tout même pour Orange Bank que la société parviendra à lancer son offre avant que SFR ne lui coupe l’herbe sous le pied ! La maison mère de SFR, dirigée par Patrick Drahi, a déposé une demande d’agrément auprès de la BCE pour créer sa propre banque. Objectif : lancer en 2019 une banque à la dimension européenne, SFR pouvant s’appuyer sur un réseau de 1 200 boutiques en Europe (dont 600 en France).
[NDLR : déposant d’un établissement disposant d’une licence bancaire accordée par une banque centrale, vous êtes censé bénéficier de la garantie des dépôts. Néanmoins, les instances européennes mijotent une réglementation qui permettrait de geler les dépôts en cas de difficulté d’une banque traditionnelle. Découvrez ce qui se trame vraiment et comment vous mettre à l’abri en cliquant ici.]

A mille lieues de la stratégie conservatrice d’Orange Bank, la néobanque que le Crédit Mutuel Arkéa devrait lancer début septembre prétend « réinventer l’univers bancaire ».

cBanque explique :

« Prenez une néobanque, du type de N26. Mélangez avec un agrégateur [de comptes bancaires], à l’image de Linxo. Puis agrémentez le tout d’une pincée de robo-advisor à la Yomoni. Vous obtenez ‘Max‘, l’assistant personnel dévoilé […] par le Crédit Mutuel« .

« Max » a d’ailleurs vocation à intégrer bien d’autres services, comme la conciergerie et les services à domicile (ménage et baby-sitting). Etant l’une des enseignes qui s’est le plus tôt impliquée dans l’innovation bancaire et les fintechs, la banque bretonne est particulièrement crédible. Ce ‘condensé de modernité bancaire’ est censé être… gratuit !

Ces néobanques finiront-elles par « faire sauter la banque » ?

Nombre de commentateurs perçoivent les rachats de fintechs par les mastodontes du monde bancaire comme autant de signes indiquant que « la disruption du monde bancaire qu’on attendait […] n’est pas pour demain » (Marc Fiorentino).

Compte-Nickel (BNP Paribas), Leetchi (Crédit Mutuel Arkéa), Morning (Edel), Holvi (BBVA), Fidor (groupe BPCE), Kisskissbankbank (la Banque Postale) et Pumpkin (Arkéa) ont effectivement été avalées par les « vraies » banques.

La plupart n’étaient toutefois pas de gros acteurs, toutes n’étaient pas en bonne santé financière et toutes ne menaçaient pas directement le modèle de la banque traditionnelle.

Au contraire, certains acteurs aujourd’hui en place affichent clairement leur volonté non pas de concurrencer mais de remplacer les banques. Quand on se compare à Ryan Air comme le font Atom Bank et Klarna, ou encore qu’on se permet de se moquer des commissions de change comme le fait Revolut, tout en levant sans problème des dizaines de millions d’euros avec le soutien de milliardaires, on n’est plus vraiment dans une démarche pacifique et on a des munitions.

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Par ailleurs, les banques traditionnelles ont de gros chantiers de restructuration devant elles. Aux Etats-Unis, le cabinet de conseil JLL estime que 18 000 agences fermeront à horizon 2022. En France, l’Association Française des banques (AFB) évoque 25% de postes « obsolètes » à horizon 2020-2025.

Les banques vont être amenées à se recentrer sur les postes commerciaux, en recrutant des profils… toujours plus commerciaux ! Il serait bien sûr dommage pour elles de ne pas exploiter au maximum la clientèle faiblement numérisée pendant qu’elle existe encore…

On relèvera également que les innovations des banques traditionnelles ne se sont pas toujours couronnées de succès, comme l’a rappelé trois ans après son lancement la fermeture de Soon par Axa Banque.

Enfin, il convient de garder deux choses à l’esprit. D’une part, les GAFA, pourtant fortes du big data, se tiennent encore très largement en dehors du marché. D’autre part, la blockchain et les cryptodevises permettent désormais d’envisager un monde où la banque n’existe plus. Comme l’a dit Bill Gates, « c’est l’activité de banque qui est nécessaire, pas les banques elles-mêmes ».

La guerre ne fait que commencer et le bouleversement tant attendu pourrait bien finir par arriver !

Première partie : Banques : vers le « moment Kodak » ou vers le « moment iPhone » ? 1/3

Deuxième partie : Banques : vers le « moment Kodak » ou vers le « moment iPhone » ? 2/3

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