La Chronique Agora

Banques centrales : toujours une guerre de retard

▪ Les banques centrales sont comme les généraux : elles ont tendance à avoir une guerre de retard. La grande crise financière de 2008 était centrée sur les banques transnationales « too big to fail, too big to jail » (trop grosses pour faire faillite, trop grosses pour être condamnées) et autres entités financières très fortement exposées au risque lié à la garantie (comme les subprime), à des positions hautement spéculatives et au risque de contrepartie (les types qui sont censés régler votre assurance de portefeuille disparaissent en fumée numérique, vous laissant absorber la perte).

En réaction, les banques centrales et les ministères des finances des grandes économies « ont fait ce qu’il fallait » pour sauver le secteur des banques privées de l’insolvabilité et de la faillite. En effet, les banques centrales ont lancé un sauvetage à plusieurs volets de banques et d’autres poids lourds financiers (comme AIG) et ont élaboré hâtivement une « ligne Maginot » maladroite et coûteuse pour protéger les banques privées d’un effondrement similaire.

Les crises surgissent non pas de ce qui est visible à tous mais de ce qui est invisible au plus grand nombre

Le problème est que les crises surgissent non pas de ce qui est visible à tous mais de ce qui est invisible au plus grand nombre.

L’autre facteur est ce qui est du ressort du pouvoir des banques centrales et ce qui ne l’est pas. Mon correspondent Mark G. et moi-même faisons référence à cela comme « l’ensemble des problèmes pouvant être résolus en imprimant mille milliards de dollars ». Il est généralement admis que quasiment tous les problèmes peuvent être résolus en imprimant mille milliards de dollars (ou plusieurs milliers de milliards de dollars) et en les balançant sur le problème.

Oui, la débâcle des prêts étudiants qui menace peut être résolue en imprimant mille milliards de dollars pour payer une grande partie de la dette étudiante existante.

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Mais beaucoup d’autres problèmes ne peuvent être résolus par l’impression de mille milliards de dollars. Imprimer mille milliards de dollars peut financer beaucoup de créations d’emplois, mais cela ne boostera pas l’emploi de manière durable, fondamentale.

L’activité de la pêche en mer, exsangue, ne reprendra pas par magie si une banque centrale imprime mille milliards de dollars. Si cette somme est dépensée sagement, peut-être dans une dizaine d’année ou deux le secteur pourra-t-il renaître de ses cendres. Mais ni l’emploi ni les écosystèmes ne peuvent être « sauvés » en imprimant de l’argent et en le reversant au profit d’intérêts particuliers habituels.

Que trouver de mieux alors qu’une solution facile par l’impression rapide de mille milliards de dollars ? Qu’en est-il du marché des changes ? Beaucoup de gouvernements et de banques centrales ont essayé de contrôler le marché des changes mais ils ont échoué pour la simple raison que le marché des changes est trop vaste pour pouvoir être contrôlé longtemps.

Mille milliards de dollars n’est pas tant que ça dans un marché où il s’échange entre 3 000 et 4 000 milliards de dollars par jour.

▪ Ce qu’il faut surveiller désormais
Il n’est pas difficile de prédire que la prochaine crise financière mondiale surviendra non pas dans le secteur bancaire mais sur un marché que les banques centrales ne peuvent atteindre. Imprimer mille milliards de dollars et promettre de « faire ce qu’il faudra » ne réparera pas ce qui est cassé.

Une des raisons pour lesquelles je me suis particulièrement intéressé depuis quatre ans à la capacité du dollar américain à se renforcer est le potentiel que cette dynamique perturbe irrémédiablement la « reprise » mondiale gérée par les banques centrales.

Nous pouvons déjà voir les conséquences d’une hausse du dollar américain : depuis qu’il a commencé à se renforcer par rapport aux autres monnaies à la fin de l’été dernier, les flux de capitaux se sont globalement inversés, fuyant la Chine et les marchés émergents. Les matières premières et le commerce mondial se sont effondrés en conséquence de cette fuite de capital hors des marchés émergents vers les actifs libellés en dollars.

Les politiques conçues pour résoudre un problème finissent par déclencher un autre problème encore plus incontrôlable

L’autre raison pour laquelle les crises surviennent est que les politiques conçues pour résoudre un problème finissent par déclencher un autre problème encore plus incontrôlable. Essayer de contrôler les marchés des changes est intrinsèquement chargé de paradoxes et de conflits, puisque quoi que fasse la banque centrale ou le ministère des finances pour agir sur les marchés des changes, cela aura d’autres conséquences au sein de l’économie du pays qui émet la monnaie.

Inversement, si la banque centrale/le ministère des Finances établit des politiques pour contrôler une crise dans l’économie de son pays, ces politiques ont des conséquences incontrôlables sur les marchés des changes mondiaux.

Par exemple, si une banque centrale relève les taux d’intérêt pour défendre sa monnaie, ces taux plus élevés étranglent l’économie du pays. En effet, la banque centrale n’a que des mauvaises options : soit accepter une crise dans le pays pour défendre la monnaie ; soit laisser la monnaie se dévaluer et observer l’économie du pays imploser avec les coûts d’importation qui grimpent en flèche et les capitaux qui fuient la monnaie dévaluée.

Pour résumer, il semble de plus en plus probable que la prochaine crise financière mondiale surviendra sur les marchés des changes/ de devises. Le paradoxe essentiel — que les banques centrales ne peuvent contrôler à la fois les marchés des changes intérieurs et mondiaux avec les mêmes politiques — ne peut être résolu en imprimant mille milliards de dollars, ni même 5 000 milliards de dollars.

Imprimer de la monnaie pour résoudre un problème entraîne d’autres problèmes qui se trouvent dans un contexte encore pire avec l’impression monétaire supplémentaire.

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