La Chronique Agora

La relation aujourd’hui ambivalente entre les banques centrales et l’or

banques centrales

Les banques centrales détestent les contraintes de l’étalon or mais renforcent leurs réserves de métal jaune depuis la crise financière de 2008.

Comme le résume parfaitement l’investisseur institutionnel suisse Marc Faber : « l’or est une source d’embarras pour les banques centrales. »

D’une part les banques centrales apprécient sa qualité de monnaie de dernier recours. Le métal jaune n’est pas une obligation, ni un contrat, ni une dette. Payer ses dettes ou cautionner un prêt avec quelques lingots d’or apporte au créditeur l’assurance que ce qui lui est offert en contrepartie ne s’évaporera pas si son débiteur venait à faire défaut.

Lorsque le Venezuela a cherché à se financer sur les marchés internationaux, la confiance de la communauté internationale dans les emprunts émis par l’Etat vénézuélien était proche de zéro. Le pays n’avait aucune chance d’obtenir un quelconque financement sauf à accepter un taux d’intérêt exorbitant. La chance du Venezuela a été alors de détenir un stock d’or qui lui a servi de caution pour obtenir l’aide financière recherchée, de la même façon que la France a bénéficié de son stock important d’or qu’elle avait réussi à mettre à l’abri en 1940 pour financer sa reconstruction après-guerre.

En revanche, ces mêmes banquiers centraux n’apprécient pas, dans le cadre d’une politique monétaire type étalon-or, d’être limités dans leur politique monétaire par un mécanisme quasi automatique liant la quantité de monnaie en circulation aux réserves métalliques gageant ces émissions.

Le discours le plus communément servi est que l’étalon-or, ou tout autre système équivalent, introduirait un biais déflationniste, la déflation étant considérée comme le mal absolu. Pour faire un parallèle très osé, la lutte contre la déflation serait l’équivalent économique de la lutte contre le réchauffement climatique de la planète, l’Homme s’arrogeant le pouvoir de réguler la température de ladite planète, quand bien même celle-ci a joué, dans les deux sens, avec le thermomètre depuis des millions d’années.

De la même façon, l’Homme prétend être en mesure de réguler les cycles économiques de façon objective. Par le passé, ces cycles déflationnistes ont succédé aux excès inflationnistes comme les crises de foie suivent les soirées trop arrosées. Une fois le foie calmé, la vie reprend avec plus de modération, jusqu’au prochain excès qui sera lui aussi ensuite sanctionné.

Le monde merveilleux de l’inflation permanente

Ces cycles (inflation-déflation) apparaissent clairement sur cet historique long terme de l’inflation aux Etats-Unis (1666-2016).

Vous constaterez qu’après l’abandon officieux de tout mécanisme de régulation de la monnaie – c’est-à-dire approximativement à partir de 1966 – nous avons créé un nouveau monde, celui de l’inflation permanente, cela se traduisant par une explosion extravagante des prix comme jamais la planète n’en a connue. Le graphique ci-dessous est éloquent.

Désormais, plus aucun mécanisme ne permet d’encadrer la folie humaine.

Les banques centrales prétendent intervenir sur les marchés en « réglant » telle ou telle masse monétaire ou tel ou tel taux ; en vérité, elles n’ont aucune influence à long terme et désormais quasiment aucune influence à court terme. Le récent recul de Janet Yellen, recul largement anticipable, montre que le piège s’est refermé sur le chasseur de déflation.

Après presqu’une décennie de taux d’intérêt au plus bas de l’Histoire économique humaine, les docteurs Folamour* du monde monétaire ne savent désormais plus comment sortir de cette spirale qu’ils ont enclenchée. Dès qu’ils approchent les doigts du tableau de bord pour remonter les taux, la planète finance entière frémie d’angoisse et aussitôt ils retiennent leur geste.

Vous allez certainement me dire que ce discours « catastrophique », vous l’entendez depuis des lustres et qu’il ne s’est rien passé. C’est vrai. Mais les grandes oeuvres nécessitent du temps pour prendre forme et l’impatience humaine est souvent en décalage avec leur calendrier.

Au bout du bout du chemin, le roi est nu

Cette fois les banques centrales ont utilisé sans retenu leur arme suprême, celle des taux, leur permettant d’inonder les circuits financiers de liquidités pour mater la déflation. Les taux sont désormais au plancher et les dettes des Etats ont explosé, rendant toute nouvelle hausse de taux mortelle pour ceux-ci ; que peuvent-elles faire de plus ?

Rien sinon se préparer au pire. Et les banques centrales s’y préparent.

Comment s’y préparent-elles ? Tout simplement en revenant vers le métal qu’elles ont tant honni.

Les banques centrales et les institutions financières internationales (BRI, FMI, etc.) détiennent globalement au moins (les chiffres réels ne sont pas dévoilés par certains pays) 35 000 tonnes d’or ; c’est dire l’intérêt qu’elles portent à ce métal… sinon comment expliquer qu’elles s’en encombrent.

Après s’être délestées de leurs précieux lingots pendant 40 années (voir graphique ci-dessous) les banques centrales, réveillées par la crise de 2007, reconstituent désormais leur réserve de métal jaune.

Ce simple graphique des variations annuelles des réserves d’or de l’ensemble des banques centrales et organisations internationales illustre parfaitement le changement intervenu en 2007.

Jusqu’en 1966 ces institutions cherchaient à accroître leur stock d’or dans le cadre monétaire des accords de Bretton Woods.

A partir de 1966, les Etats-Unis et leur bras armé, le Fonds monétaire international (FMI), ayant mis à mal les accords de convertibilité entre dollar et or, les banques centrales sont entrées dans une période d’allègement de leur réserve d’or pour privilégier le dollar.

Soudainement en 2008, considérant la gravité de la crise, les mêmes banques centrales sont revenues vers leur ancien amour et reconstituent maintenant leur réserve en or pour faire face à toute éventualité.

Et vous que faites-vous ?
[NDLR : tous les mois et toutes les semaines, Yannick Colleu guide les investisseurs de Crises, Or & Opportunités dans leurs achats d’or physique. Car si d’extraordinaires plus-values sont à prévoir avec les investissements miniers (notamment en ce moment le lithium si vous suivez ses recommandations), il ne faut pas oublier de les sécuriser dans un actif sûr !]

* Le film de Stanley Kubrick, d’après le thriller 120 minutes pour sauver le monde de Peter Georgeest sorti en 1964… à peu près au même moment que le début de cette folle expérience monétaire.

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