La Chronique Agora

Baisse des prix immobiliers américains : Las Vegas décroche le jackpot !

** Nous venons de vivre une seconde séance de pause dans une tendance qui demeure haussière depuis le 20 mars dernier. Les dégagements bénéficiaires n’ont guère pris d’ampleur au fil des heures malgré deux chiffres décevants en provenance des Etats-Unis et le diagnostic par G.W. Bush d’une croissance « très lente » de l’économie américaine au premier trimestre.

Le CAC 40 affiche un repli limité de 0,7% (à 4 977 points) qui efface la totalité des gains de la veille et ramène l’indice à proximité immédiate des sommets du 4 février dernier — dans un volume moyen de 4,8 milliards d’euros au lendemain de ce qui risque de demeurer longtemps comme la séance la plus creuse de l’année, avec 3,6 milliards d’euros échangés.

Les velléités de maintien au-dessus des 5 000 points n’ont pas résisté aux statistiques américaines qui balayent l’espoir d’une embellie imminente dans le secteur immobilier. En effet, selon l’enquête mensuelle de S&P/Case-Shiller, le prix des maisons chute de 13,6% en rythme annuel dans les 10 plus grandes villes et de 12,7% dans les 20 plus grandes. L’enquête constate en outre des écarts supérieurs à -20% à Phoenix ou à Las Vegas, où il aurait mieux valu se contenter de miser quelques centaines de dollars dans les machines à sous plutôt que de miser, façon super banco, sur l’immobilier de loisir.

** Après l’euphorie suscitée par le vaste casino du surendettement à l’américaine — le banquier avance les jetons moyennant un chèque de caution, un paiement cash et des intérêts à la sortie –, voici que les ménages cèdent à l’inquiétude face à la dégradation de la conjoncture. Elle est en effet synonyme de perte de valeur sur leur résidence principale — et secondaire pour les plus aisés — et peut-être même de perte d’emploi s’ils travaillent dans le secteur des services financiers.

D’après un analyste interviewé mardi matin sur CNBC, ce sont désormais pas moins de 16 millions de propriétaires qui enregistreraient ou vont enregistrer des moins-values sur leur logement s’ils se trouvaient dans l’obligation de le revendre.

Pas moins de 20% des acheteurs qui ont réalisé une acquisition ces 18 derniers mois perdent déjà de l’argent et le taux de défaillance des emprunteurs ne cesse de progresser cette année. La situation risque même d’empirer alors que les taux longs américains se rapprochent de 4%. En effet, la Réserve fédérale pourrait indiquer dès ce soir qu’elle n’entend plus poursuivre sa politique d’assouplissement monétaire dans un contexte de tensions inflationnistes.

Sans surprise, le baromètre du moral des ménages américains atteint, en cette fin avril, un plancher de 62,3 points qui n’avait plus été vu depuis mars 2003. Cependant, cela aurait pu être pire puisque le consensus tablait sur un score de 61 (contre 64,5 fin mars) ; c’était avant que Warren Buffett ne diagnostique lundi soir une crise « plus longue et plus profonde » que les économistes ne l’anticipent.

Au premier rang des préoccupations, les personnes sondées par les statisticiens du Conference Board invoquent l’érosion du pouvoir d’achat sous l’impact de la flambée des carburants et la plus grande difficulté à retrouver un travail.

Malgré un euro fort — ce merveilleux bouclier contre l’inflation, que nous vante si assidûment la BCE –, l’indicateur d’opinion des ménages poursuit sa dégringolade en France aussi : il a en effet chuté d’un point supplémentaire en avril à -37, son plus faible niveau depuis janvier 1987 !

** Le dollar poursuit son rebond (+0,5% à 1,5580/euro) mais les indices de la Zone euro n’ont pu en profiter, du fait des débuts hésitants de Wall Street. Ils ont collectivement terminé dans le rouge à l’instar du Dax qui cédait 0,65% ou de l’IBEX qui lâchait 1,2%. Le FTSE 100 ne s’est cependant effrité que de 0,05%, ce qui a permis à l’Eurotop 100 de limiter son recul à 0,57%.

Le seul élément macroéconomique vraiment positif des dernières 48 heures — celui qui sous-tend notre scénario haussier depuis que le CAC 40 a refranchi les 4 900 points — est le recul de 3% du cours du brut. Parti de 119,22 $ le baril lundi matin, il se repliait sur les 115,7 $ mardi soir, ce qui entraînait une forte décrue de l’once d’or sous les 875 $. Le métal précieux se rapproche donc de notre zone d’achat des 830/840 $ l’once.

Mais les tensions diplomatiques entre les Etats-Unis et l’Iran — ainsi que les menaces des mouvements rebelles au Nigeria — pourraient restaurer à tout moment un climat spéculatif sur le NYMEX, ce que Simone Wapler qualifierait de « phase maniaque ».

Ce diagnostic a démontré toute sa pertinence depuis le franchissement de la barre des 100 $ ; l’ensemble des marchés de commodities sont devenus hystériques, ce qui pourrait causer des ravages humanitaires si le prix des céréales continuait de s’envoler dans le sillage de l’or noir.

** Nous ignorons si la spéculation se dégonflera rapidement sur le blé ou le riz car, ralentissement économique ou pas (en Chine ou aux Etats-Unis), les populations du Tiers Monde continueront d’avoir faim. En revanche, il y a de fortes chances que la demande de pétrole se modère de part et d’autre de l’Atlantique car les ménages de la classe moyennen’ont tout simplement plus les moyens de maintenir leur niveau de consommation de carburant et de fuel domestique.

Partant de ce constat, et sachant que les salariés occidentaux ont besoin de leur véhicule pour aller travailler, il convient de se demander si ce ne sont pas les trajets du week-end qui risquent d’être raccourcis.

Parmi les dépenses qui seront le plus aisément sacrifiées, nous supposons que les ménages placeront en tête de liste le remplacement d’un véhicule pour le seul plaisir de piloter le « dernier modèle » — d’autant que leur banquier va y regarder à deux fois avant de leur accorder un crédit. Ensuite viendront les loisirs (restaurants, hôtels) et l’habillement, puis l’usage de services tels que la téléphonie mobile — il est facile de se montrer moins bavard au téléphone mobile et plus prolixe via les systèmes de chat ou de transmission du son par ordinateur.

Aux Etats-Unis, le choix des sacrifices est encore plus dramatique car il inclut le plus souvent les dépenses de santé — nous n’en sommes pas encore là (enfin pas tout à fait).

En d’autres termes, si les ménages serrent les boulons de toutes parts — mais ont-ils le choix maintenant que la bulle du crédit a éclaté ? –, cela ne devrait pas faire les affaires de la croissance. Or sans croissance, vous savez à quoi vous attendre — et les gérants de portefeuilles également — au sujet des profits des entreprises.

Heureusement que, dans l’immédiat, on ne sait jamais exactement à quoi s’attendre sur les indices boursiers… cela laisse un peu d’espace pour rêver.

Philippe Béchade,
Paris

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile