La Chronique Agora

Baisse de taux à tour de bras : les banques centrales s'acharnent sur l'économie malade

** La première priorité, selon un article du New York Times, c’est de "stabiliser le patient".

* Qui pourrait dire le contraire ? Puisque aucune main ne se lève, je me dévoue.

* Dans le monde entier, les ambulances se précipitent sur le lieu de l’accident. Jeudi dernier, l’équipe de secours britannique est arrivée et elle a, de façon tout à fait inattendue, injecté une grosse dose d’adrénaline dans le marché. La Banque d’Angleterre a baissé son taux clé de 150 points de base – son geste le plus audacieux ces 27 dernières années.

* "Cette baisse démontre que la Banque d’Angleterre est très inquiète en ce qui concerne l’état de l’économie du Royaume-Uni," écrit notre collègue britannique Ben Traynor. Réunion après réunion, le grand pacificateur David Blanchflower a voté pour une baisse des taux. Plus que jamais cette année, il s’est fermement opposé à ses collègues du Comité de politique monétaire. Mais personne ne peut imaginer que, tandis que la situation se détériorait, les idées pacifiques de Blanchflower prenaient de plus en plus de poids. Il est désormais l’homme qu’il faut écouter.

* "Il n’y a aucune raison de croire que c’est la fin des baisses de taux. Il y a encore 300 points de base entre ce que nous avons maintenant et zéro. Si les choses deviennent aussi graves qu’elles l’ont été au Japon pendant la dernière décennie, il se pourrait que la plupart de ces munitions soient utilisées."

* "La livre sterling a beaucoup souffert dernièrement. Mais elle pourrait souffrir encore plus. Il est donc primordial de vous protéger."

* Pendant ce temps, sur le continent, la Banque centrale européenne s’est fait une injection dans l’autre bras, une transfusion de 50 points de base.

* Pour ne pas être en reste, les Suisses ont eux aussi baissé les taux de 50 points. L’Australie a baissé ses taux de 75 points de base la semaine dernière. Et la Corée a elle aussi annoncé une baisse de taux. Nous ne savons pas quelle quantité de fluides les Coréens ont en réserve… nous ne savons pas lire le coréen.

* Pendant ce temps, Nancy Pelosi, porte-parole de la Chambre des représentants, est sur le point de se jeter dans une nouvelle tentative héroïque de sauvetage. C’est de la Chambre des représentants que les autorisations de dépenses sont censées émaner (sans compter que la plus grosse autorisation de dépenses dont l’on se souvient – le plan de protection de Wall Street de 700 milliards de dollars – a pris sa source sordide au Sénat). Et Madame Pelosi, originaire de Baltimore dans le Maryland, où elle était connue comme "la fille du maire", a désormais la majorité démocrate à la Chambre des représentants… et au Sénat. Elle peut probablement faire passer n’importe quelle loi ou autorisation qui lui chante.

* Et ce que tout le monde veut maintenant, c’est "stabiliser" les marchés financiers afin que les investisseurs n’aient pas à aller en cure de désintoxication, en entraînant avec eux toute l’économie. L’idée c’est de laisser couler l’alcool à flots… et espérer que la fête reprendra.

* La stabilité entraîne l’instabilité, avait l’habitude de dire Hyman Minsky. Pourquoi ? Parce que quand les investisseurs sont sûrs que personne n’appellera la police, ils ont tendance à faire la fête avec encore plus d’entrain. Libres de toute menace de krach ou de correction, ils prennent plus de risques pour obtenir plus de gains.

* Nous avons lu un compte rendu d’un membre du comité local d’investissement du gouvernement, qui explique comment le comité a perdu son argent dans les hypothèques subprime. "La plupart des membres du comité n’avaient aucune idée de ce que contenait le paquet de la dette subprime", explique-t-il. Mais l’un des membres avait des contacts à Wall Street qui les ont convaincus qu’ils feraient mieux de prendre les rendements supplémentaires que promettaient ces instruments. Après tout, ils étaient cotés AAA par les agences et la probabilité qu’un problème se présente était si faible qu’elle ne valait pas la peine qu’on s’en inquiète. Ils se sont donc lancés et ont placé des millions de dollars de pensions municipales dans ces investissements monstrueux — Wall Street a récupéré une bonne grosse commission sur cette transaction.

* En d’autres termes, ils ont fait une erreur. Bien entendu, comme l’explique Marc Aurèle, "la Nature n’a rien contre les erreurs". En réalité, elle accueille avec chaleur les failles qu’elles produisent. Les pertes ne sont qu’une façon d’apporter le changement. Les erreurs sont lavées par les corrections, elles laissent place à une nouvelle vie… et à de nouvelles erreurs. C’est ainsi que fonctionne le capitalisme.

* Mais aujourd’hui, les charlatans de la stabilisation veulent empêcher la nature de faire son oeuvre. Ils espèrent mettre fin au changement ; afin de fournir à ces misérables monstres suffisamment de sang pour les maintenir en vie — pour toujours. Ils ne peuvent évidemment pas réussir totalement. Ils ne peuvent pas vaincre la nature… pas à long terme.

* Mais personne ne s’inquiète du long terme. "A long terme, nous serons tous morts", a dit Keynes. Ce qui inquiète les gens, ce sont les prochains mois. Ils ne veulent pas faire faillite dans les prochains mois… ou se lever et admettre qu’ils ont été idiots… ou abandonner leur maison sur la plage…

* Laissons la nature suivre son cours, voici notre conseil. Débrouillez-vous avec ça.

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