La Chronique Agora

Avis de tempête sur l’économie

Bourse, saison, investissement

Si les périodes de hausse structurelle des marchés peuvent être assimilées à l’été, et les périodes de baisse à l’hiver, la question se pose de savoir où nous en sommes dans le cycle des saisons financières… Attention à préparer votre parapluie !

L’Ecclésiaste nous a prévenus : « Il y a un temps pour tout » – hiver, printemps, été, automne. Nous devons supposer que les économies, les marchés boursiers – peut-être les civilisations elles-mêmes – ne font pas exception.

Tous doivent s’adapter au rythme des saisons. La différence avec les saisons naturelles est que celles qui affectent nos économies peuvent durer des mois. Voire des années, des décennies ou même des siècles.

Aujourd’hui, nous ne prêtons pas attention au temps qui passe. Nous nous concentrons sur la vision à long terme, la vue d’ensemble — le cycle saisonnier.

Les économies et les marchés boursiers poussent, fleurissent, se fanent et meurent.

Parfois, l’été empiète sur l’automne avant de disparaître. Et parfois, l’hiver maintient sa mainmise sur le printemps calendaire.

Saisons boursières

L’hiver boursier de 1929, par exemple, fut si intense que la glace a tenu 25 ans. Ce n’est qu’en 1954 que les actions ont dégelé pour atteindre des niveaux antérieurs au gel.

Les années 1982-2000, à l’inverse, ont prolongé la période estivale boursière. Entre août 1982 et décembre 1999, les rendements composés réels du Dow Jones ont atteint 15% par an.

Des rafales de froid polaire se sont parfois abattues sur la Bourse – comme en 1987. Mais leur impact ne fut que de courte durée.

Les investisseurs croyaient alors avoir découvert quelque chose proche de l’été perpétuel.

Pourtant, l’été cède inévitablement la place à l’hiver. L’été indien peut retarder l’arrivée de l’hiver, c’est un fait. Mais tôt ou tard, le blizzard s’impose.

La saison 2001-2002 fut marquée par un grand coup de vent arctique, avant qu’un autre – plus glacial encore – ne s’abatte sur la Bourse en 2008-2009.

La sphère spéculative fut balayée par la rafale de vent la plus intense à ce jour au début de l’année 2020, arrivée de Chine. Mais l’atmosphère s’est ensuite considérablement réchauffée grâce à l’intervention de la Réserve fédérale…

Record de chaleur

Des records de chaleur ont été atteints, et la glace fut rapidement brisée. Puis, fin 2021, malgré les récents frimas, le marché boursier a enregistré un pic de chaleur, avant que les températures ne se radoucissent.

Est-ce encore l’été pour la Bourse ?

Ou nous dirigeons-nous vers un hiver qui va durer 20 ans… semblable à la période hivernale de 25 ans entre 1929 et 1954 ?

Prenez les faits suivants en compte : au printemps 1930, le marché boursier avait compensé bon nombre de ses pertes d’octobre 1929.

La période de dégel s’est prolongée jusqu’en 1931. Comme le rappelle Jim Rickards :

« Les actions ont augmenté de 28,6% entre le 17 novembre 1929 et le 20 avril 1930. Elles ont augmenté de 13,2% entre le 22 juin et le 7 septembre 1930. Les actions ont de nouveau rebondi de 17,5% entre le 18 janvier et le 22 février 1931, puis, à nouveau, de 22,2% entre le 31 mai et le 28 juin 1931. »

Pourtant, ces fontes de glace éphémères furent marquées par des périodes de gel intense. Dans l’ensemble, le Dow Jones a plongé de 89,2% entre 1929 et 1932.

Peut-être que la reprise post-pandémique n’est donc qu’un dégel transitoire et artificiel.

Anticiper le froid

M. Raul Elizalde, de Path Financial, écrit dans Forbes :

« Le marché boursier a été très généreux au cours des 13 dernières années. Le S&P 500 est six fois plus élevé qu’au cœur de la crise financière de 2009 et, dès lors, chaque baisse s’est avérée être une opportunité d’achat. Mais la générosité du marché a peut-être atteint ses limites. Historiquement parlant, les actions américaines en tant que classe d’actifs sont plus chères qu’elles ne l’ont jamais été…

Ajusté en fonction de l’inflation, le prix de l’indice S&P 500 est… en fait plus élevé que pendant les jours ‘d’exubérance irrationnelle’ du boom des dot-com à la fin des années 1990, qui a été suivi d’un effondrement prolongé de 50% par rapport au plus haut niveau, sur deux ans. »

Êtes-vous prêt pour un gel boursier de 50 % ? Si vous êtes à la retraite ou sur le point de l’être, vous devez probablement vous préparer davantage. Avis de verglas :

« Si nous devions proposer une raison pour laquelle la prochaine direction probable n’est pas à la hausse, ce serait que le régime qui soutenait des actions de plus en plus chères n’est plus en place. »

Cela signifie que la Réserve fédérale s’apprête à jouer un rôle différent quant à ce réchauffement. Les prévisions à court terme font état d’une hausse des taux et d’un resserrement quantitatif. La première hausse, de 25 points de base, a eu lieu le 16 mars. Six autres seraient prévues d’ici la fin de l’année…

Le marché peut-il se réchauffer, raviver sa propre flamme ? Nous ne sommes pas convaincus qu’il en soit capable.

Un hiver de 20 ans ?

Compte tenu des valorisations boursières actuelles… combien de temps l’hiver pourrait-il durer ?

M. Michael Carr enseigne l’analyse technique au New York Institute of Finance. Il explique :

« À ce niveau, les actions risquent de décevoir au cours des 20 prochaines années. »

Vingt ans ? C’est exact :

« Lorsque le ratio cours/bénéfices (PER) est proche de ses plus hauts niveaux historiques, comme c’est le cas actuellement, le S&P 500 offre des rendements annuels moyens d’environ 5 % sur 20 ans. Lorsque le ratio cours sur bénéfices est proche de ses plus bas niveaux historiques, les rendements sont environ trois fois plus élevés, atteignant en moyenne 15,4 % par an sur 20 ans. »

Pourtant, comme nous l’avons déjà dit : vous devez vous habituer au cycle climatique. Vous devez composer avec la météo.

Peut-être que la Réserve fédérale reculera, peut-être prolongera-t-elle la saison estivale, peut-être maintiendra-t-elle le soleil dans le ciel un peu plus longtemps.

Pourtant, tout laisse présager le contraire…

Début de la phase hivernale

Charles Hugh Smith affirme que l’hiver est plus proche qu’on ne le croit.

Charles pense que le monde est désormais marqué par « l’humeur sociale aigrie, la perte du pouvoir d’achat, la stagnation des salaires, l’amplification des inégalités, la dévaluation des monnaies, la hausse de la dette, la polarisation politique et la désunion des élites ».

« Ce sont tous les signes du cycle socio-économique de grande ampleur qui entre dans la phase de désintégration (hivernale) », déplore Charles.

Il s’appuie sur les travaux de l’historien Peter Turchin. Cet expert explore les cycles historiques de désintégration et d’intégration sociales sur des cycles de 50, 150 et 200 ans dans son almanach de la civilisation, Ages of Discord (non traduit en français).

M. Turchin identifie trois causes principales à l’origine de ces cycles : une offre excédentaire de main-d’œuvre qui nuit aux salaires réels ; une surproduction d’élites parasitaires ; une détérioration des finances de l’Etat.

Ces cycles sont aussi naturels que les saisons – et peut-être aussi inévitables.

Concernant les salaires réels américains, ils sont restés, pour la plupart, stables pendant des décennies. Les preuves suggèrent qu’un peu moins de la moitié des adultes américains ne gagne pas plus que dans les années 1970.

Une surproduction d’élites parasitaires ? Nous ne ferons aucun commentaire.

Une détérioration des finances de l’Etat ? Le Trésor souffre d’une dette nationale de 30 000 Mds$ qui augmente chaque jour.

Nous pourrions continuer… mais la décence nous l’interdit.

Comment se préparer ?

Comment pouvez-vous vous préparer pour faire face à la situation ?

M. Mark Moss détient peut-être les réponses.

Entrepreneur et investisseur accompli, il a étudié en profondeur les cycles politiques, économiques et sociaux de l’histoire – et les interactions entre ces derniers.

M. Moss croit que nous vivons une époque aussi tourmentée que les révolutions américaine et française il y a environ 250 ans… et aussi tourmentée que la Réforme protestante quelque 250 ans avant cela. Il explique :

« Avant la Réforme protestante, l’Eglise détenait l’ensemble des pouvoirs. L’Eglise était le seul moyen de se rapprocher de Dieu. Mais une fois que l’imprimerie a décentralisé l’information, les gens ont pu lire la Bible eux-mêmes et ont découvert qu’ils n’avaient finalement pas besoin de l’Eglise. Et l’Eglise a perdu son pouvoir.

Ce monopole perdu a laissé la place au développement. Nous sommes alors entrés dans l’âge de la Renaissance, une période marquée par l’avènement de la science et de la technologie, deux évolutions à l’origine de la Révolution industrielle, environ 250 ans plus tard, qui a donné naissance à une technologie nous permettant à nouveau de nous centraliser. Les habitants ont délaissé la campagne au profit de la ville. Nous avons construit des usines géantes. Nous avons construit des villes géantes. Les Etats-nations sont devenus fortement centralisés.

Nous sommes maintenant à la fin de cette période de 250 ans. Nous entrons dans le cycle où la tendance est à l’éloignement de la centralisation. Nous avons atteint le sommet de la centralisation et nous nous dirigeons vers la décentralisation. Je ne crois pas que tout cela soit aléatoire. Ces cycles de l’histoire nous indiquent que la situation commence à s’inverser.

Il est important de comprendre que ces révolutions étaient dirigées contre les établissements centralisés et en faveur de la décentralisation. Et elles se produisent tous les 250 ans environ en moyenne. Et si vous regardez en arrière dans l’Histoire, tous les 84 ans, une révolution ou un soulèvement populiste se produit et tous les 250 ans, nous faisons face à une révolution. »

Été, hiver… nous ignorons qui l’emportera finalement.

Les Heures – les déesses grecques des saisons – sont des divinités imprévisibles et capricieuses.

Mais, juste au cas où, nous gardons nos vêtements d’hiver à portée de main. Et vous ?

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