On note une augmentation inquiétante des fraudes financières sur internet. Parmi elles : l’hameçonnage et les pyramides de Ponzi. Comment s’en protéger ?
On peut dire d’internet ce qu’Ésope disait de la langue ; c’est la pire et la meilleure des choses. Nous nous félicitons chaque jour des facilités que nous procurent notre smartphone et notre ordinateur à tel point que nous nous demandons comment nous faisions avant leur apparition, et ce que nous ferions si nous en étions privés demain.
En matière d’épargne et de placements, il est particulièrement appréciable de pouvoir comparer les frais entre les prestataires, de passer des ordres en ligne sans avoir à se déplacer, de gérer ses comptes bancaires à distance, etc., et ce à toute heure du jour et de la nuit. Le revers de la médaille est que les escrocs ont trouvé sur le net un nouveau terrain de jeu et perfectionnent chaque jour davantage leurs arnaques.
Selon un sondage BVA, 97% des Français sont conscients des risques d’arnaques aux placements. Pourtant, bon an mal an, celles-ci représentent environ 500 M€. Personne n’est donc à l’abri des escrocs qui regorgent d’inventivité pour tromper les épargnants.
Petite revue des fraudes actuelles.
Le phishing ou l’art de vider vos comptes bancaires
Le phishing ou hameçonnage est probablement l’escroquerie la plus répandue. Elle consiste à imiter un message de votre banque (ou bien de l’Assurance maladie voire des impôts). Sous un prétexte quelconque, il vous est demandé de mettre à jour des informations. Si le mail provient d’une société commerciale, on peut aussi vous annoncer qu’un colis vous attend, par exemple. Parfois, le message provient de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) qui vous annonce que vous avez une contravention à payer.
Toutes les situations sont aujourd’hui possibles, et ces faux mails (ou SMS) sont de plus en plus crédibles (moins de fautes de français, imitation parfaite des messages, courriers ou sites des organisations piratées). Le but est de vous faire cliquer sur le lien contenu dans le message.
C’est alors que vous recevez un appel de votre banque. Le conseiller vous annonce que vous avez été victime d’une arnaque. Ce faux conseiller connaît presque tout de vous : vos noms et prénoms, votre adresse, parfois le numéro de votre carte bancaire et de votre compte, le nom de votre conseiller habituel de votre banque, etc. Des informations souvent liées à une fuite de données passée et revendues à ces pirates sur le dark web.
La troisième étape consiste à vous proposer de bloquer les opérations frauduleuses. Pour cela, le faux conseiller vous amène à réaliser des manipulations qui, en réalité, servent à valider le paiement frauduleux. Vous avez un système de sécurisation efficace avec code envoyé par sms par votre banque ? Qu’à cela ne tienne : il vous demandera ce code pour effectuer des opérations. Quelquefois, l’escroc vous proposera de déposer la carte bancaire piratée au service opposition de la banque, souvent éloigné de chez vous. Vous n’avez pas le temps ou la possibilité de vous y rendre ? Pas de problème, il peut vous envoyer un coursier pour récupérer votre carte. En la matière, l’imagination des escrocs est sans limites.
L’argent transite ensuite de comptes en comptes et de pays en pays pour brouiller les traces. Il est d’ailleurs peu probable que l’on mette la main sur les coupables. Et vous ne pourrez pas vous faire rembourser par votre banque si vous avez donné aux escrocs les codes pour vous arnaquer. Vous avez été négligent, votre responsabilité est engagée.
C’est pourquoi, les banques multiplient les messages de prudence et vous enjoignent à ne jamais communiquer vos données (code confidentiel de connexion, code de votre carte bancaire, cryptogramme), et ne jamais valider une opération bancaire dont vous n’êtes pas à l’origine. Même si une personne indiquant représenter la banque vous le demande, par exemple sous prétexte de déjouer une fraude.
La pyramide de Ponzi, trappe à épargnants
C’est dans les années 1920 que Charles Ponzi s’est rendu célèbre en arnaquant 40 000 personnes à Boston à partir d’un système consistant à promettre des rendements attrayants et rapides (50% en 90 jours, dans le cas de cette « opportunité »), rendus possibles non pas en plaçant l’argent des investisseurs, mais en les rémunérant avec les fonds des nouveaux entrants. Il arrive cependant un jour où les sommes procurées par les nouveaux épargnants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients. Le système s’écroule alors sur lui-même.
Après celle de Charles Ponzi, la plus célèbre pyramide est celle de Bernard Madoff qui a, tout de même, fonctionné pendant près de 50 ans. C’est la crise bancaire de 2008 qui l’a fait s’effondrer.
En France, l’affaire Aristophil qui a défrayé la chronique dans le mitan des années 2010 s’apparente à une pyramide de Ponzi. La société achetait des manuscrits et autographes, puis créait des lots virtuels qui étaient vendus avec la promesse d’un rendement important. Par exemple, les lettres entre Albert Einstein et son ami et confident Michele Besso ont été achetées par Gérard Lhéritier, fondateur d’Aristophil, 560 000 € chez Christie’s en 2002.
Aristophil a ensuite mis en vente des parts virtuelles de ces lettres auprès d’investisseurs pour un total de 12 M€, en leur promettant des intérêts de 40% en 5 ans. Là aussi, les nouveaux entrants payaient les intérêts perçus par les premiers investisseurs. Là aussi, la pyramide a fini par s’effondrer. On estime le préjudice à 700 M€ minimum. Les 18 000 investisseurs lésés attendent avec impatience le procès qui devrait s’ouvrir en fin d’année 2023.
Les pyramides de Ponzi n’ont pas eu besoin d’internet pour exister, mais le web leur permet de se développer et de faire davantage de victimes.
Rien qu’aux Etats-Unis, on estime qu’elles ont causé 5,3 Mds$ de pertes en 2022, soit 40% de plus qu’en 2021. Elles sont au plus haut depuis Bernard Madoff. L’année dernière, il a été démantelé une pyramide de Ponzi par semaine outre-Atlantique, soit 70% de plus qu’en 2021.
Les cryptomonnaies ont été particulièrement bien servies avec les arnaques de Forsage et Trade Coin Club. Mais on a connu aussi celle de J&J, qui prenait l’argent des épargnants – auxquels il était garanti un rendement de 12% à 22% en 3 mois – pour le prêter à des particuliers en anticipation des indemnités de leur procès avec un assureur.
Le fonds de Stephen Burton et Andrew Fuller a aussi brillé avec 100 M$ collectés pour être prêtés à des collectionneurs de vin. L’affaire devait être sans risque, dans un marché spéculatif en hausse et avec des emprunteurs qui remplissaient leur cave avec les crus les plus rares comme la Romanée-Conti. Mais l’affaire ne fut finalement pas sans risque !
Attention en somme aux rendements mirobolants qui n’ont pas de raison d’être. Renseignez-vous largement, auprès de tiers notamment, avant d’investir dans ce genre de produits. Et, dans le doute, évitez les produits que vous ne comprenez pas.
Dans le prochain article, nous verrons pourquoi il faut particulièrement se méfier des placements atypiques, que les faux professionnels apprécient particulièrement, ainsi que des usurpateurs d’identité.