La Chronique Agora

En avant… vers le passé

Chine, transition énergétique, Allemagne

La crise du carburant s’aggrave, la pénurie alimentaire menace et les lumières sont sur le point de s’éteindre.

Fin octobre, OilPrice.com rapportait :

« Des acheteurs américains s’emparent de cargaisons de diesel initialement prévues pour l’Europe, alors que la crise s’aggrave.

Selon Reuters, au moins trois pétroliers transportant du diesel en provenance du Moyen-Orient ont changé de cap en cours de route pour se diriger vers les Etats-Unis. Et cette nouvelle concurrence est sur le point de s’intensifier.

[…] L’Europe va subir un choc majeur en matière d’approvisionnement en diesel, en raison du faible niveau des stocks, et de la forte demande. Le faible niveau des stocks est fortement lié aux arrêts non planifiés dans les raffineries européennes : en France, la baisse de la production de carburant en France dans le cadre de la grève des travailleurs a duré quatre semaines. »

Pourquoi l’approvisionnement est-il insuffisant ? À cause de la guerre par procuration des Etats-Unis contre la Russie ? Parce que les investisseurs ont retiré leur argent du secteur de l’énergie ? Parce que les compagnies pétrolières et gazières n’investissent pas dans de nouvelles raffineries, de nouveaux puits ou de nouveaux pipelines ? Parce que les gouvernements déclarent la guerre aux combustibles fossiles et s’engagent à les exterminer ? Parce que l’inflation a rendu l’investissement à long terme (celui dont vous avez besoin dans le secteur de l’énergie) trop incertain et trop risqué pour la plupart des investisseurs ?

Bien sûr, c’est un mélange de tout cela. Un vrai « cluster », comme le dit un ami.

Ce n’est pas le premier « cluster » auquel l’humanité fait face. Beaucoup sont passés par là. Mais celui-ci menace d’être le plus gros jamais vu.

Un pas de géant en arrière

Peut-être que cela ressemblera au Grand Bond en avant de la Chine… un pas de géant en arrière pour les personnes concernées. Mais, cette fois, le désastre ne touchera pas qu’un seul pays ; il sera mondial.

Bien sûr, Mao n’avait probablement pas l’intention de tuer 30 à 50 millions de personnes. C’était un « accident », selon certains historiens (d’autres considèrent plutôt cela comme autant de meurtres de sang-froid). On pourrait plutôt parler de « dommage collatéral ».

Mao et ses sbires avaient raison. En 1961, la Chine avait besoin de s’industrialiser. Mais, après quelques années sous la politique de Mao, Deng Xiaoping, qui avait évité de justesse la torture et l’exécution, s’est rendu compte qu’au lieu de rattraper le Japon et l’Occident, la Chine prenait encore plus de retard. Il a également perçu le secret : la vraie richesse ne peut être créée par des politiciens et des bureaucrates… et la vraie prospérité ne peut être dirigée par des planificateurs et des banquiers centraux. Elle doit naître, naturellement, du bas vers le haut.  Une économie réelle et prospère est vernaculaire, en d’autres termes. Pas anti-vernaculaire.

Une économie prospère a seulement besoin que le gouvernement lui permette d’exister, en reconnaissant et en protégeant la propriété privée (y compris l’épargne et la richesse en capital) et en donnant aux gens la liberté d’innover et de conclure des accords entre eux.  Sinon, il ne doit pas s’en mêler.

« S’enrichir est glorieux », disait Deng en 1979. Par la suite, beaucoup de Chinois se sont enrichis. C’était l’accumulation de richesses la plus grande et la plus rapide que le monde ait jamais vue.

Personne n’a été torturé pour y parvenir. Personne n’a été tué. Personne n’est mort de faim. Aucun décret du gouvernement n’a ordonné aux gens de fabriquer de l’acier ou de construire des gratte-ciel.

Des entreprises ont été créées. Elles ont payé des salaires. Les gens des campagnes se sont déplacés vers les villes pour trouver des emplois et percevoir des revenus. Les revenus des Chinois sont montés en flèche. Le salaire moyen est passé de presque zéro en 1979 à plus de 100 000 yuans par an (environ 14 000 $).

C’est la différence entre une économie organique, ascendante… et une économie où les responsables prennent les décisions importantes. La première fonctionne, la seconde non.

Théorie et pratique

Ce qui nous amène à l’objet de cette série d’article des derniers jours. L’idée de la révolution énergétique est de nous faire avancer rapidement vers l’avenir – du moins tel que certains le voient – que nous voulions nous y diriger ou non. Et les personnes qui soutiennent cette révolution ont des études « scientifiques », des théories et des doctorats pour prouver que c’est la voie à suivre. Qu’il s’agisse de rendre l’alcool illégal ou d’envahir l’Irak, les mordus du savoir sont toujours de la partie.

A chaque fois, ils ont tort. Et à chaque fois, il y a des dommages collatéraux. Et cette fois, nous risquons des dommages collatéraux à une échelle monumentale.

Le Grand Bond en avant de la Chine nous donne une idée de ce qui pourrait arriver. En essayant de faire passer le pays, par la force, à une nouvelle sorte d’économie, les choses ont vite dégénéré. « Des erreurs ont été commises », diront plus tard les communistes. Mais c’est l’histoire de toutes les grandes croisades gouvernementales. Ils tentent de remplacer quelque chose qui fonctionne en pratique, par quelque chose qui ne fonctionne qu’en théorie.

Aujourd’hui, l’Europe montre la voie. L’Allemagne a installé des éoliennes et des panneaux solaires un peu partout. Elle a également mis hors service ses centrales nucléaires. Cela a rendu le pays dépendant de l’énergie russe.

Ensuite, elle a rejoint la guerre par procuration des Etats-Unis contre la Russie en Ukraine, en frappant les Russes de « sanctions » destinées à paralyser l’économie et à forcer les troupes russes à quitter les zones russophones de l’Ukraine. Cela pourrait aussi fonctionner en théorie, mais pas en pratique. The Conversation rapporte :

« Les sanctions à l’encontre de la Russie augmentent ses revenus, plutôt que de les diminuer.

L’Union européenne vient d’approuver de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie, notamment un plafonnement des prix des ventes de pétrole, après l’annonce par les Etats-Unis, le 30 septembre, de nouvelles sanctions économiques. Ces deux annonces sont une réponse à l’annexion par la Russie de quatre régions d’Ukraine. »

Mais des pays étant encore disposés à acheter les produits pétroliers de la Russie, les sanctions ne diminuent pas les revenus de la Russie mais les augmentent.

Mais surtout, les sanctions font grimper les prix mondiaux du pétrole et du gaz naturel, provoquant des pics d’inflation dans le monde entier. Ironiquement, l’accès aux métaux et minéraux nécessaires à la transition énergétique est désormais plus difficile, et ralentit l’abandon des énergies fossiles.

A suivre…

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