La Chronique Agora

L’austérité plaît aux marchés

Ce sera le « pire » qui envoie le Nasdaq au septième ciel.

L’Europe ne va pas fort depuis le mois de mai : baisse du moral des ménages et des « milieux d’affaires », baisse des PMI, baisse de la production industrielle (-2,5% en Allemagne en juin, -6,7% sur un an), baisses des commandes… En France, selon l’INSEE, le taux de chômage de « catégorie-A » (au sens du Bureau international du travail) pourrait atteindre 7,6% à la fin de l’année 2024.

Que voilà d’excellentes nouvelles pour les marchés obligataires, qui voient leurs espoirs de baisses des taux par la BCE confortés, alors que Christine Lagarde entretient naturellement le flou sur ses intentions.

Et elle a eu bien raison, vu les coups de théâtre politiques qui se sont enchaînés depuis un mois.

Maintenant que la poussière est un peu retombée, le contexte économique revient au centre des préoccupations du marché, et le moins que l’on puisse dire, c’est que les « déficits excessifs » de la France et l’absence de gouvernement sont loin de calmer les ardeurs des acheteurs d’OAT, puisque nos créanciers se sont littéralement arrachés les toutes dernières émissions de France Trésor.

Le pari sous-jacent, c’est que la France va être au pire placée sous une forme de tutelle de la part de Bruxelles et de la BCE, tout comme le furent au cours de la décennie écoulée le Portugal, l’Irlande ou l’Italie – ce qui leur a plutôt bien réussi puisque les rendements se sont considérablement détendus en quelques mois, permettant aux créanciers « audacieux » (qui ont acheté au plus fort de la crise) de réaliser de substantielles plus-values.

Les mesures d’austérité qui « rassurent » les détenteurs de dettes ne sont évidemment un problème que pour les populations des pays mis « en redressement » qui voient fondre les prestations sociales et les effectifs des services publics, se dégrader l’entretien des routes et des réseaux ferrés, etc.

Autrement dit, plus ça va mal, plus c’est positif pour les actifs obligataires : à la « rigueur », s’ajoute la nécessité pour la banque centrale de réduire les taux pour redonner un ballon d’oxygène aux pays les plus endettés.

Voilà comment fonctionne le cerveau d’un investisseur pour lequel la seule boussole demeure la perspective d’un assouplissement monétaire.

Et depuis quelques jours, c’est la conjoncture non pas européenne, mais américaine, qui dope les espoirs de baisse de taux par la Fed dès la mi-septembre, au nom du « plus c’est pire, mieux c’est ».

Et les principaux signes de dégradation proviennent du marché du travail, l’une des « références » cardinales du point de vue de la Fed.

A première vue, les chiffres mensuels de l’emploi aux Etats-Unis publiés vendredi 5 juillet ont fait figure de « non-événement » (avec +206 000 emplois non agricoles contre +190 000 attendus au mois de juin) ; mais les derniers « papiers » soulignent que les créations de postes non agricoles des deux mois précédents ont été fortement révisées à la baisse, de 165 000 à 108 000 pour avril et de 272 000 à 218 000 pour mai, soit un solde de -111 000 emplois.

De plus, les licenciements dans le secteur du bâtiment ont dépassé les 4 300 – pire score depuis les « mois COVID » (2ème trimestre 2020).

Ce fait a été évoqué par Jerome Powell lors de son second « témoignage » devant le Congrès, les signaux de faiblesse du marché du travail étant l’un des critères cardinaux de la Fed pour envisager un assouplissement des taux.

Le rallye haussier a donc redoublé d’intensité, et les indices US inscrivent une nouvelle rafale de doubles de records absolus intraday et clôture, les deux se confondant mercredi soir.

Il s’agissait bien ce mercredi d’un 7e record consécutif pour le Nasdaq (+1,2%). C’est le 27e de l’année et le 15e depuis le 15 juin… soit 15 en 24 séances !

Le S&P 500 en a inscrit un 6e consécutif, mais il s’agissait du 37e de l’année, soit un record toutes les trois séances depuis le 1er janvier.

C’est proprement vertigineux… quand le motif invoqué est la dégradation des paramètres économiques US !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile