La Chronique Agora

Atterrissage difficile en vue

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Sur la route rocailleuse vers l’Argentine, face à la décision la plus importante depuis 40 ans et le prix à payer pour échapper à l’hyperinflation…

Les décideurs américains vont devoir prendre la décision la plus importante depuis au moins 40 ans. Elle se résume à une simple question : allons-nous, oui ou non, emprunter le chemin de l’Argentine ?

Les Argentins sont les champions du monde de football. En revanche, ils ne sont pas les meilleurs pour faire face à leurs problèmes au moment voulu.

Mais qu’en est-il des Etats-Unis ? Vers où se dirigent-ils ? Cette question ne s’adresse pas seulement aux autorités, mais aussi à nous-mêmes. Si nous nous dirigeons vers le chemin de la pampa, mieux vaut faire ses valises… et emporter beaucoup d’argent réel avec nous. Nous nous en féliciterons.

C’est la « route de l’inflation » : « Imprimez de l’argent…. et payez les frais plus tard. Mais attention : les routes sont sinueuses… et dangereuses. »

Le voyage vers la déflation n’est pas non plus une partie de plaisir. Mais ce sont les deux choix qui se présentent. Lorsque vous choisissez de « dégonfler », vous subissez la douleur immédiatement. Lorsque vous gonflez, vous subissez la douleur, et de façon bien plus intense, plus tard.

Et il ne faut surtout pas monter dans le mauvais bus.

Avion délabré

Voilà la situation actuelle. Les prix baissent (déflation). Les commentateurs se réjouissent.  « L’inflation est vaincue », disent-ils. C’est un atterrissage en douceur, après tout.

Charlie Bilello rapporte :

« Les prix à la production américains (PPI) ont augmenté de 2,75% au cours de l’année écoulée, ce qui représente la neuvième baisse consécutive du taux de variation en glissement annuel et le chiffre le plus bas depuis janvier 2021. L’IPP a atteint un sommet de 11,7% en mars 2022.

Les prévisions d’inflation des entreprises sur l’année à venir continuent de chuter, tombant à 2,8% dans la dernière enquête de la Fed d’Atlanta. Il s’agit du niveau le plus bas depuis juillet 2021.

Les taux de fret des conteneurs mondiaux (coût des conteneurs de 40 pieds) sont désormais inférieurs à ce qu’ils étaient en février 2020 (pré-Covid), en baisse de 87% par rapport à leur pic.

Les prix à l’importation ont chuté de 4,6% au cours de l’année écoulée, soit la plus forte baisse en glissement annuel depuis mai 2020.

Les loyers demandés aux Etats-Unis sont inférieurs à ce qu’ils étaient il y a un an ; c’est la première baisse en glissement annuel depuis mars 2020. »

Mais notre avion délabré vient à peine d’entamer sa descente. Si certains prix baissent, d’autres continuent d’augmenter. Le logement, par exemple, a augmenté de 8,2% lors des dernières enquêtes – ce qui représente la plus forte hausse de ce poste de dépense depuis 1982. C’est aussi le cas des transports.

Bilello :

« Le prix mensuel moyen pour une nouvelle voiture a grimpé en flèche pour atteindre 777 $, soit près du double du prix moyen à la fin de 2019 (données Kelley Blue Book). Près de 17% des consommateurs qui ont financé une nouvelle voiture au premier trimestre 2023 avaient un paiement mensuel de 1 000 $ ou plus (un record), contre seulement 6% au premier trimestre 2021 (données Edmunds). »

Si l’on prend la mesure la plus courante – l’indice des prix à la consommation (IPC) moins les denrées alimentaires et l’énergie – les prix sont en fait orientés à la hausse, et non à la baisse. C’est surtout la chute du prix du pétrole qui a fait baisser l’indice global le mois dernier. Mais attendez… le prix du pétrole pourrait bien remonter.

Volatilité de l’inflation

Ce que ces chiffres – certains à la hausse, d’autres à la baisse – nous montrent, c’est que l’inflation est loin d’être vaincue. C’est la conséquence directe d’un gouvernement fédéral qui dépense plus qu’il ne peut se le permettre, année après année. Aujourd’hui, le gouvernement fédéral est confronté à des déficits de plusieurs milliers de milliards de dollars « à perte de vue ».

Oui, cher lecteur, l’inflation est toujours et partout un phénomène politique.  Et pour l’arrêter, il faut souffrir… sur le plan politique comme sur le plan économique. La pression n’a pas encore été exercée, mais lorsque ce sera le cas, la douleur se fera ressentir.

Voici les rapports de Greed & Fear :

« Selon un document peu remarqué de la Fed de Cleveland, publié en janvier (« PostCOVID Inflation Dynamics : Higher for Longer » par Randal J. Verbrugge et Saeed Zaman, 13 janvier 2023), si la Fed tentait réellement de réduire l’inflation à 2%, le taux de chômage augmenterait jusqu’à 7,4%. »

Et David Stockman nous rappelle la douleur infligée par la Fed en 1982 :

« Volcker a fait passer le rendement réel de l’UST [obligation du Trésor] à 10 ans […] de -3% à la fin de 1979 à un pic de 9,3% en août 1983, maintenant ce taux réel purgatif à 5% jusqu’au début de 1986. Dans le même temps, tout le reste s’est mis en place :

Le chômage […] a grimpé à 10,8% au quatrième trimestre 1982, victime de la privation d’une activité insoutenable alimentée par une décennie d’argent facile.

Le PIB réel […] a plongé à -6,2% au premier trimestre 1982, mais avec la baisse de l’inflation, il est revenu à 7,9% au troisième trimestre 1983.

L’inflation IPC […] qui s’élevait à 14,6% en glissement annuel à la fin de 1979, s’est effondrée à 2,5% au deuxième trimestre 1983. »

 Et pour finir, Stockman nous donne raison :

« En conséquence, l’inversion des mauvaises politiques implique intrinsèquement l’élimination de leurs effets macroéconomiques. L’expression ‘no pain, no gain’ est ancrée dans les principes fondamentaux d’une économie saine. »

Aujourd’hui, nous reprenons donc nos propos là où nous les avons arrêtés hier, avec une question : aujourd’hui, aux Etats-Unis, les décideurs politiques peuvent-ils vraiment supporter la douleur qu’implique une véritable lutte contre l’inflation ? Ou céderont-ils sous la pression des riches, dont la valeur des actifs s’effondre, et des pauvres, dont les financements de la part du gouvernement sont menacés par le resserrement des budgets fédéraux ?

La réponse – si l’on se réfère à l’Argentine – est la suivante : la douleur de l’inflation peut être beaucoup plus grande, à long terme… mais la douleur de la déflation est plus immédiate.

Dans l’urgence, ils feront tout pour pousser l’inflation vers le haut.

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