La Chronique Agora

L’attaque du régulateur américain contre Apple

Les entreprises technologiques sont la cible d’une surveillance politique sans précédent à Washington.

Alors que l’Union européenne prend des mesures sévères à l’encontre des grandes entreprises technologiques, le gouvernement des Etats-Unis s’oppose également à la manière dont les géants de la technologie mènent leurs activités. Mais dans quelle mesure les régulateurs punissent-ils le succès, sous prétexte de protéger la concurrence ?

Examinons le dernier cas en date, celui d’Apple…

Le mois dernier, Apple s’est vu infliger une amende antitrust de 1,84 milliard d’euros. Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la concurrence et du numérique, a déclaré qu’Apple avait « abusé de sa position dominante » en tant que distributeur d’applications de diffusion de musique en continu, ajoutant que, de ce fait, les consommateurs européens n’avaient pas « la liberté de choisir où, comment et à quel prix acheter des abonnements à des services de diffusion de musique en continu ».

Pendant ce temps, aux Etats-Unis, des affaires similaires sont portées devant les tribunaux.

Beaucoup de consommateurs sont des adeptes d’Apple, au point d’avoir presque adopté un mode de vie. Leurs appareils sont tous synchronisés, de l’iPhone au Macbook Pro, en passant par l’Apple Watch et le HomePod mini. Personne ne les force à adopter ce mode de vie, mais cela n’a pas empêché le ministère américain de la justice (DOJ) d’enquêter sur Apple et de concocter une nouvelle vaste affaire antitrust contre une entreprise américaine.

A ce jour, la Commission fédérale du commerce (FTC) du président Biden a assigné Amazon et Meta en justice pour des pratiques anticoncurrentielles présumées, et le ministère de la Justice a intenté deux actions antitrust contre Google, visant Google Search et ses services publicitaires. Ce qui ressort du rapport du Times sur l’enquête, c’est qu’il donne l’impression que les concurrents d’Apple sont au volant de leur propre agence gouvernementale. David McCabe et Tripp Mickle écrivent : « Des rivaux ont déclaré s’être vu refuser l’accès à des fonctions clés d’Apple, comme l’assistant virtuel Siri, ce qui les a incités à affirmer que ces pratiques étaient anticoncurrentielles. »

Imaginez le cancre de la classe faire valoir au professeur que l’étudiant qui a obtenu la note maximale en tête de classe agit de manière anticoncurrentielle, en ne partageant pas ses notes de cours avec lui.

C’est une chose de pénaliser malicieusement les consommateurs, ou de chercher à les gêner parce qu’ils disposent d’un assortiment de technologies provenant d’Apple, LG, Samsung, Nokia et Google. C’est une autre chose pour l’Etat de dire qu’Apple doit concevoir ses produits pour que Samsung les reprenne à son compte et les offre à ses clients fidèles en guise d’avantage pour ne pas faire affaire avec Apple.

Ce ministère de la Justice travaille-t-il pour Samsung ou pour le peuple américain ?

Il ne s’agit pas de dire qu’Apple est une entreprise parfaite ou qu’elle s’est comportée comme un ange de la libre entreprise dans tous les aspects de son activité. Ce n’est pas le cas. Sa dépendance de longue date à l’égard de la fabrication et des investissements en Chine, et la manière dont cela oriente ses activités, est un facteur important.

Mais le fait qu’Apple fabrique des produits intentionnellement intégrés qui favorisent la fidélité à la marque et la satisfaction du consommateur est particulier dans le paysage de la technologie américaine. Apple est une expérience transparente pour les consommateurs qui ne sont pas de grands techniciens, mais plutôt des novices qui privilégient la commodité et la facilité d’utilisation.

La réalité pour Apple est qu’elle opère sur un marché mondial avec des règles du jeu différentes sur presque tous les continents.

L’Union européenne est sur le point de forcer l’ouverture de l’App Store d’Apple pour permettre l’installation de boutiques d’applications tierces sur ses appareils, une disposition de la loi sur les marchés numériques de 2022. L’UE a également concentré son énergie réglementaire sur l’obligation pour les fabricants d’appareils de disposer d’un port de charge universel, supprimant ainsi les différences de conception entre les grandes marques de technologie.

Aux Etats-Unis, Apple a battu de justesse le fabricant de Fortnite, Epic Games, dans le cadre d’un procès très médiatisé dans lequel il affirmait détenir un monopole déloyal sur le traitement des paiements pour les achats « in-app ». L’affaire a échoué lorsque les tribunaux ont reconnu à juste titre qu’Apple ne détenait pas de monopole sur le marché des jeux mobiles.

Les entreprises technologiques ont beau être unies par le fait qu’elles sont la cible d’une surveillance politique sans précédent à Washington, elles n’en restent pas moins des concurrents. C’est ce qui ressort de la façon dont elles luttent d’une part contre la réglementation de leurs activités par les pouvoirs publics et dont elles demandent d’autre part l’aide du gouvernement pour ralentir leur concurrence.

Les entreprises prospères et les industries établies ont toujours cherché à utiliser le gouvernement fédéral à la fois comme un gourdin et comme un bouclier pour protéger leurs intérêts. Pour ceux d’entre nous qui se préoccupent principalement de la satisfaction et du bien-être des consommateurs, il n’y a aucune tentation de choisir les gagnants et les perdants sur le marché.

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