La Chronique Agora

Assouplissements quantitatifs et monnaie de singe

▪ Eh bien voilà. Après Mario Draghi, c’est Ben Bernanke qui s’est exprimé et a donné aux marchés exactement ce qu’ils voulaient : plus d’argent gratuit, plus de laxisme, plus de monnaie de singe.

Peu importe que les précédentes éditions n’aient servi absolument à rien, comme l’a démontré hier Eric Fry. Peu importe, même, que les assouplissements quantitatifs et autres « mesures non-conventionnelles » nuisent à l’économie :

« Pour commencer, les taux d’intérêt ultra-bas encouragent les gens à conserver leur argent dans des matelas, plutôt que de le prêter », expliquait Bill hier. « Pourquoi se donner cette peine, puisque ça rapporte un taux d’intérêt négatif ».

« Deuxièmement, le pétrole et les matières premières — les prix de l’alimentation et de l’énergie — grimpent à la moindre rumeur de QE. Cela laisse les plus pauvres et les classes moyennes avec moins de revenu discrétionnaire. Non seulement ils sont plus pauvres, mais ils sont moins en mesure de faire avancer l’économie de consommation ».

« Troisièmement, les taux d’intérêt réels négatifs prennent l’argent des épargnants… et réduisent la quantité d’épargne (capitaux) dans l’économie ».

« Quatrièmement, au bout d’un certain temps, l’accumulation d’argent bidon mène à une hausse de l’inflation des prix à la consommation… réduisant plus encore le niveau de vie réel du ménage moyen… et diminuant la valeur réelle de l’épargne du pays ».

Non, peu importe tout ça. Les marchés se sont envolés, et c’est ça qui compte, non ?
[NDLR : L’époque est favorable aux traders — la preuve avec Mathieu Lebrun, qui continue d’aligner les performances à deux ou trois chiffres. La dernière en date ? +34% jeudi en jouant la hausse de BNP Paribas. Pour le rejoindre, continuez votre lecture…]

▪ Il me semble quant à moi que les gouvernements occidentaux (des deux côtés de l’Atlantique) se sont peu à peu dépouillés de tout leur arsenal économique — celui qui leur permettait de se maintenir dans la course mondiale et de s’assurer une vraie croissance : celle qui crée des emplois et de la richesse tangible.

Jugez plutôt : l’étalon-or et sa garantie d’une devise qui conserve sa valeur ? Terminé.

Secteur secondaire fort et outil de production industrielle solide ? Délocalisé.

Masse monétaire stable et déficits sous contrôle ? Disparu.

Système bancaire et monétaire sain et indépendant ? Mort et enterré.

Le problème, avec le système actuellement en place, c’est qu’il ne tient que tant les divers intervenants acceptent d’être dupes.

Tant que la Chine fait semblant de croire que les obligations américaines ont de la valeur… tant que la BCE fait semblant de croire que les PIIGS tiendront leurs engagements… tant que le monde entier fait semblant de croire que le dollar reflète une croissance s’appuyant sur l’économie « la plus dynamique et la plus flexible au monde ».

Plus rien ne nous sépare de la Grande Apocalypse Financière chère à Simone Wapler — plus rien, sinon la « confiance » dans le système. Sur ce sujet, je crois que je vais me contenter de vous laisser méditer un proverbe sénégalais :

« Le poisson a confiance en l’eau, et c’est dans l’eau qu’il est cuisiné ».

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
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