La Chronique Agora

L’assouplissement quantitatif, un miracle factice

▪ Il semblerait que le marché soit sur le point de reprendre la baisse. Enfin, si vous aviez parié sur un renversement à chaque fois que nous en avons prévu un, vous seriez sur la paille aujourd’hui. Nous allons donc attendre de voir ce qui se passe…

D’ici là, nous nous posons toujours des questions sur le miracle produit par la Fed.

Uri Geller pouvait tordre des cuillers à distance. La Fed, elle, tord l’économie tout entière. C’est à peine s’il reste un prix indemne. Aucun business plan ou stratégie d’investissement n’avance sans garder un oeil sur ce que fait la banque centrale.

Jésus-Christ transformait l’eau en vin et multipliait les pains et les poissons. Mais à côté de la Fed, le Nazaréen semble un vulgaire bonneteur. Les pains et les poissons ne valaient sans doute pas plus de quelques milliers de sicles. Comparez ça à la Fed. Elle a créé pour 33 000 milliards de dollars de biens et de services — à partir de rien. Oui, cher lecteur, c’est le total des achats faits au cours des 30 dernières années… autrement dit, l’excédent de crédit.

Nous utilisons le terme "excédent" parce qu’il dépasse le niveau de crédit qui avait existé — par rapport au PIB — pendant de nombreuses décennies auparavant. En gros, entre 1900 et 1970, les Etats-Unis en avaient 1,50 $ pour chaque dollar de production. A présent, il y a environ 3,50 $ de crédit par dollar de PIB. La différence, sur les 30 dernières années, se monte à 33 000 milliards de dollars environ.

Ex nihilo nihil fit. Et pourtant… 33 000 milliards de dollars de "choses" semblent être apparus de nulle part

▪ D’où provient un tel butin ?
Telle est la question. Quelque chose peut-il vraiment venir de rien ? Ex nihilo nihil fit. Et pourtant… 33 000 milliards de dollars de "choses" semblent être apparus de nulle part.

Ils ne provenaient pas de l’épargne. Le taux d’épargne américain a baissé sur toute cette période. Ils ne provenaient pas non plus des revenus. Les salaires et les revenus — en termes réels — ont à peine grimpé par rapport aux années 70. Une augmentation de la production ou de la productivité, alors ? Non plus. Comme nous l’avons vu, par rapport à la production, cette "richesse" s’est développée bien plus rapidement.

Cela ne laisse qu’une seule source possible.

Vous pensez peut-être que les banques prêtent l’épargne. Pas du tout. Elles prêtent de l’argent qui n’existe pas ; il apparaît quand le prêt est accordé. Les banques n’ont même plus besoin de maintenir des réserves significatives en cas de non-paiement. Le système tout entier a été créé — et est désormais dirigé — par la Fed… qui est elle-même propriété des banques.

▪ Des droits sur la richesse future
Comme nous l’avons dit il y a quelques jours, la théorie de la Fed — qui prétend pouvoir éternellement construire de la richesse réelle en augmentant le crédit plus rapidement que le PIB — est "d’une naïveté infantile". Un vieil ami, Pierre Lemieux, a commenté :

"La production de biens n’est pas faite avec de l’argent, mais avec des ressources réelles. Si je vois une voiture, je sais qu’elle a été produite à partir d’acier, d’aluminium, de plastique, de travail, etc. C’est le côté réel de l’économie. Nous passons au côté financier lorsque nous demandons comment cette production a été financée — comment les gens ont été motivés à abandonner leur contrôle sur des ressources réelles. Dans la plupart des cas, c’est dû au fait qu’ils reçoivent en échange des droits sur d’autres ressources ou biens de consommation. La finance, c’est le domaine des échanges de droits sur des ressources réelles.

La question, par conséquent, est la suivante : dans quelles circonstances est-ce que l’argent (un droit très liquide sur des ressources réelles) aidera la production (en réduisant les coûts de transaction), la freinera ou, comme vous le soulignez, créera des gagnants et des perdants".

Dans un monde meilleur, le crédit dépend de l’épargne… qui représente des ressources réelles. Cela restreint naturellement la croissance du crédit, parce qu’il y a beaucoup de ressources réelles et seulement une quantité limitée d’épargne les représentant.

C’est ainsi que ces 33 000 milliards de dollars sont entrés en existence. Ils ont "fait semblant" d’être de la véritable épargne

Mais dans le monde créé par la Fed dans les années 60 et 70, le nouveau crédit ne s’appuyait pas sur l’épargne. Ce n’était que du papier… des notations dans le système bancaire… sans limite effective sur la quantité de crédit disponible. C’est ainsi que ces 33 000 milliards de dollars sont entrés en existence. Ils ont "fait semblant" d’être de la véritable épargne… représentant de véritables ressources… qui ont ensuite été mises au travail pour fabriquer les voitures et les maisons que les gens voulaient — mais ne pouvaient pas vraiment se permettre.

En d’autres termes, le système a créé de nouveaux droits sur les ressources… qui ont à leur tour attiré les ressources dans l’économie réelle. Ni les revenus passés (l’épargne), ni les revenus actuels (la production) ne soutenaient cette expansion économique. Tout ça n’était en fait que des droits sur les revenus à venir.

Nous ne faisons là que dire l’évidence. Si la future production ne peut pas suivre le rythme de ces 33 000 milliards d’excédent de crédit, le crédit lui-même doit tourner au vinaigre. C’est bien entendu là le problème. L’économie se traîne en boitant… même avec 1 000 milliards de dollars d’assouplissement quantitatif par an. Elle dépend de plus de crédit et plus de dette rien que pour rester au même niveau. Chaque année, plus de ressources doivent être retirées de l’avenir pour profiter au présent. Chaque année, les droits sur les futurs revenus augmentent… et chaque année, la dette devient plus impossible à supporter.

D’une manière ou d’une autre… un jour ou l’autre… il faudra bien que ces droits soient pris en compte.

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