▪ Aujourd’hui, je veux vous parler des « informations ». Plus particulièrement, comment leur consommation peut vous mettre le cerveau en compote et faire de vous un mauvais investisseur et un analyste médiocre.
Je crois que ce message est important — et potentiellement révolutionnaire. Vous pensez que j’exagère ? Continuez votre lecture et jugez-en par vous-même.
Cette chronique s’inspire d’un essai écrit par un entrepreneur suisse, Rolf Dobelli. L’essai s’intitule « Evitez les infos ». Dobelli y affirme que les informations nous distraient, nous font perdre du temps, tuent toute velléité de réflexion plus approfondie, nous emplissent d’anxiété et sont toxiques pour notre santé mentale. Son analogie avec la nourriture — « les informations sont pour l’esprit ce que le sucre est pour le corps » — est, selon moi, pertinente.
Nous savons en effet que manger trop de cochonneries fait grossir et peut provoquer toutes sortes de problèmes de santé. Dobelli affirme que l’esprit fonctionne de la même façon. Les informations sont les friandises de l’esprit.
Elles sont systématiquement trompeuses. Elles rapportent ce qui est facile à percevoir et ignorent ce qui est plus profond, plus subtil. Elles sont fabriquées pour attirer notre attention, pas pour nous informer de ce qui se passe dans le monde. Par conséquent, elles nous donnent un sens erroné du fonctionnement du monde, masquant les probabilités d’événements plus vrais.
Les informations sont presque toujours peu pertinentes. Ainsi, Dobelli nous demande de penser aux quelques 10 000 nouvelles histoires que nous avons lues ou entendues depuis un an. Combien nous ont aidés à prendre une meilleure décision concernant ce qui influe sur notre vie ? L’argument fait mouche.
L’année dernière, j’ai envoyé 58 e-mails aux abonnés de ma lettre d’information, Capital & Crisis. En les relisant, je n’en ai compté que cinq dont le coeur et l’objet étaient liés à une information. Même dans ce cas, j’ai utilisé cette information uniquement afin de rendre mes propos plus opportuns. Mais j’aurais pu tout aussi bien supprimer l’info, la teneur de ma lettre n’en aurait pas été altérée.
▪ Avez-vous peur de « rater quelque chose » ?
Nous sommes submergés par les informations mais il est plus difficile de filtrer celles qui sont pertinentes — ce qui m’amène à un autre argument qui se révèle être tout aussi vrai. Dobelli parle du sentiment de « rater quelque chose ». Lorsque je suis en voyage, j’ai parfois ce sentiment. Mais, comme le souligne Dobelli, si quelque chose de réellement important était arrivé, vous en auriez entendu parler par vos amis, votre famille, vos voisins et/ou vos collègues de travail. Ils sont vos filtres. Ils ne vous parleront pas de la dernière bouffonnerie de Charlie Sheen, parce qu’ils savent que vous vous en fichez.
En outre, l’information en elle-même n’est pas importante ; ce sont les fils qui relient les histoires et en donnent une compréhension qui le sont. Dobelli affirme que « lire les informations pour comprendre le monde est pire que de ne rien lire ». Dans le domaine des marchés financiers, je trouve que son assertion est juste. Les principaux médias comprennent mal comment fonctionnent les marchés. Ils rapportent constamment des informations totalement futiles et font des liens là où il n’y en a pas, tout cela pour raconter une histoire ou juste pour avoir quelque chose « qui se tient ».
Dans le domaine boursier, tous les jours les journalistes essaient d’expliquer le marché. Un exemple ? « Les informations en provenance de la Grèce font chuter le marché ». A ce compte-là, mieux vaut ne rien lire.
Le fait est que nous ne savons pas pourquoi certains événements ont lieu. Nous ne pouvons savoir avec certitude ni pourquoi, ni comment, ni quand certaines choses ont eu lieu. Comme l’écrit Dobelli : « nous ne savons pas pourquoi la Bourse agit comme elle le fait. Trop de facteurs varient avec de telles amplitudes. Le journaliste qui écrit ‘Le marché a bougé parce que X’… est stupide ».
Vous polluez votre réflexion si vous acceptez les assemblages bien soignés que les infos vous offrent pour expliquer pourquoi les choses arrivent. Dobelli montre comment le fait de consommer ces infos fait de vous un penseur superficiel et altère la structure de votre cerveau — au pire.
De plus, les informations coûtent cher. Comme le souligne Dobelli, vérifier les infos pendant 15 minutes trois fois par jour représente plus de cinq heures par semaine. Et pour quelle utilité ? Il cite l’exemple des attentats terroristes de Mumbai en 2008. Si un milliard de personnes a consacré une heure d’attention à la tragédie — soit en la lisant dans la presse, soit en la regardant à la télé — cela fait un milliard d’heures. C’est plus de 100 000 ans. Si l’on se base sur l’espérance de vie mondiale de 66 ans, cela signifie que les infos ont consommé près de 2 000 vies !
Incroyable, n’est-ce pas ? Et nous verrons vendredi l’incidence que tout cela peut avoir sur votre manière d’investir.