Récemment, lorsque nous avons rencontré Alan Greenspan, ex-président de la Fed, à Baltimore, ce vieux renard rusé a lancé une grenade. La conversation était parvenue au sujet le plus brûlant dans le monde financier : que va faire Donald Trump ?
Puis la bombe a explosé : « des allègements fiscaux ? Ce sera plutôt une hausse des taux… »
M. Greenspan expliquait pourquoi le programme du président Trump ne fonctionnerait pas. Pas d’allègements fiscaux, pas de boom pour l’économie du quotidien.
Nous rédigeons une chronique quotidienne depuis les années Clinton. Mais nous nous sommes rarement focalisé sur le gouvernement et nous n’avons eu des retours aussi négatifs de nos lecteurs qu’à deux reprises.
Deux désastres annoncés
La première fois, c’était à la fin des années 1990, période à laquelle les lecteurs n’ont pas apprécié notre opinion concernant la bulle internet.
« Cela relève du fantasme, » avions-nous dit.
Ensuite, après que le président George W. Bush ait envahi l’Irak, ils pensaient qu’il n’était pas patriotique de notre part d’affirmer que cela allait probablement tourner au désastre.
Il s’est avéré que le désastre dépassait de loin ce que nous avions imaginé.
A présent, le président Trump divise nos lecteurs : les uns par rapport aux autres, et un grand nombre par rapport à nous, également.
« A présent, il faut s’intéresser à la politique », déclare Ray Dalio, directeur du plus grand hedge fund du monde.
Comprendre la politique est désormais crucial pour prendre des décisions d’investissement.
Si vous croyez en Trump achetez des valeurs en dollars…
Jamais auparavant n’avons-nous eu un président détenant autant de pouvoir (offert au fil des 50 dernières années par des cours de justice et des Congrès peuplés de dégonflés). Et jamais auparavant n’avons-nous eu un président aussi disposé à l’utiliser.
Le programme économique du président Trump est centré sur l’allègement de la fiscalité et de la réglementation, et l’augmentation des dépenses d’infrastructures. Ce mélange est censé doubler les taux de croissance du PIB, pour les ramener là où ils étaient lorsque l’Amérique avait réellement toute sa Grandeur.
Si cela vous semble possible, alors peut-être faut-il placer votre argent sur des actifs libellés en dollar et profiter du boom que vous voyez arriver.
Si ce n’est pas le cas, vendez vos actions et obligations. Elles ont réalisé un merveilleux parcours pendant 35 ans. Il est temps de sortir de là.
En ce qui concerne les réglementations, nous ne doutons pas un instant que le nouveau président est sur la bonne voie. Les réglementations sont des accords gagnant-perdant. Elles imposent des restrictions, des coûts et des exigences qui font obstacle aux accords gagnant-gagnant conclus de plein gré.
Souvenez-vous, notre formule : S = V (gg – gp), n’est ni magique, ni mystérieuse.
Au sein d’une société, la satisfaction nette S, est égale à la valeur nette V des accords gagnant-gagnant diminué du coût des accords gagnant-perdant.
Pour simplifier les choses à l’extrême : moins il y a d’accords contraignant les gens à faire ce qu’ils ne veulent pas (gagnant-perdant), mieux nous nous portons.
Aux Etats-Unis, les accords gagnant-perdant de plus grande ampleur se rangent dans trois principales catégories comportant trois principaux gagnants, tous des bestioles du marigot :
- Le complexe militaro-industriel et de la sécurité, avec un coût annuel de 1 000 Mds$, y compris la facture de la débâcle iraquienne, estimée à 7 000 Mds$.
- Le complexe Wall Street-Fed, avec sa mainmise sur le système de l’argent falsifié.
- Le complexe de la santé, des groupes pharmaceutiques et des zombies.
Pour « assainir le marigot », M. Trump doit s’en prendre à eux. Pas uniquement de façon symbolique… ni individuellement en interpelant des entreprises ou des personnes isolées… ni en twittant.
Il faut qu’il opère des coupes dans leurs budgets, qu’il taille dans leurs ententes entre compères, et qu’il modère leur pouvoir. Il devra limiter leurs « gains » afin que l’Américain moyen sente que l’on allège le poids sur ses épaules et que l’on desserre son joug.
L’incohérence cachée dans le programme de Trump
Il ne sert à rien de réduire les impôts si les dépenses publiques ne sont pas réduites également. Et il ne sert à rien de faire semblant de « stimuler » la croissance en abaissant les coûts d’emprunt. Cela ne fonctionnera pas.
Les banques centrales aux Etats-Unis, au Japon et en Europe le font depuis des années, notamment avec la politique des taux d’intérêt à zéro menée depuis ces sept dernières années. Nous avons vu ce qu’il se passe : les riches s’enrichissent encore plus tandis que les pauvres et les classes moyennes perdent pied.
Des taux d’intérêt ultra-bas sèment la confusion, chez les gens. Cela provoque de mauvaises affectations des capitaux… et des erreurs.
Les perdants, au sein de l’économie réelle du quotidien, ploient sous le fardeau. Les gagnants sont pleins aux as, la monnaie de singe finançant Wall Street, l’empire… et l’Etat providence.
Du point de vue des initiés, la meilleure, à propos de ce système de l’argent falsifié c’est que les masses ignorent ce qui se passe.
Pas une personne sur 10 000 ne comprend qu’elle se fait arnaquer par son propre argent.
D’ailleurs, qui connaît le seuil à partir duquel les dépenses militaires sont suffisantes ?
« On n’est jamais trop prudent » se disent les gens.
Faux !
Tout est soumis à la loi du déclin de l’utilité marginale : plus vous disposez de quelque chose en quantité, moins tout apport additionnel a de valeur pour vous.
Et comme nous l’avons étudié dans notre livre Hormegeddon: quand trop de bien nuit, les excès deviennent souvent néfastes.
[NDLR : Vous pouvez commander ce livre sur Amazon ou chez Les Belles Lettres ici. Voici ce qu’en dit Nassim Nicolas Taleb : « il faut absolument lire ce brillant essai sur les effets secondaires du gouvernement. Il divulgue le problème de l’interventionnisme naïf, les dommages collatéraux de l’excès de bureaucratie, l’impunité croissante des dirigeants politiques (le problème d’Hammurabi) et autres difformités de l’Etat moderne ».]
Une part de dessert, c’est bien. Lorsque vous en arrivez à la cinquième part, vous êtes sur le point de vomir. Les dépenses militaires excessives sont pires. Elles poussent à se mêler des affaires des autres et à se comporter en aventurier téméraire.
Comme le président Eisenhower nous en avait avertis, dans son discours d’adieu, au bout du compte, les militaires que vous payez pour vous protéger deviennent un danger pour vous.
En se mêlant de guerres inutiles et en déstabilisant des gouvernements étrangers, on se vulnérabilise. Le temps de s’en rendre compte et de reprendre le contrôle sur les barbouzes et les soldats, il est trop tard.
Après tout, ils ont les armes.