▪ Voilà quelques jours que le séquestre a frappé les Etats-Unis. Les politiciens ont retrouvé le tas de poussière qu’ils avaient balayé sous le tapis en 2011. Au lieu de remettre un coup d’époussette, le Congrès US a décidé de fermer les yeux une nouvelle fois.
Personne ne s’en est vraiment soucié, visiblement. Le Dow a grimpé vendredi, premier jour du fameux séquestre. L’or a continué sans direction claire. Les actions restent à proximité de leurs sommets historiques… En fait, l’or semble assez justement valorisé — ni trop bas, ni trop haut. Au début du 20ème siècle, on pouvait acheter une nouvelle Buick pour 25 onces d’or. En ce début du 21ème siècle, le prix d’une nouvelle Buick Enclave est de 40 000 $ à peu près… soit environ 25 onces d’or.
Mais vendredi, nous avons quitté les Etats-Unis pour nous rendre sous les tropiques. Nous venons au Nicaragua depuis près de 20 ans. A chaque séjour, l’endroit semble moins sauvage… moins menaçant. Il y a désormais tant de gringos dans cette partie du monde que nous nous y sentons comme chez nous. Par exemple, autrefois, nous nous promenions seul sur la plage. Maintenant, nous y rencontrons des voisins. Et des surfeurs. Et des vacanciers.
La communauté, ici, est un succès accidentel.
« Pourquoi ‘accidentel’ ? C’est à vous qu’il faut en attribuer le mérite », nous a dit un ami. « N’est-ce pas vous qui l’avez conçue ? »
Non. Nous ne l’avons pas conçue. Nous avons fait des plans. Nous avions des idées. Nous avons mis en place des programmes. Mais la communauté elle-même nous a dépassé. Elle est partie dans des directions que nous n’avions pas prévues… et est devenu une chose que nous n’avions pas imaginée. Nos plans concernaient quelque chose de beaucoup plus modeste.
Il y a près de 20 ans, nous sommes venu faire notre première visite. A l’époque, il n’y avait rien… à part une plate-forme de béton.
« Qu’est-ce que c’est que ça ? » avons-nous demandé au précédent propriétaire.
« Oh… c’est là qu’était notre maison. Elle a été emportée par un raz-de-marée ».
« Ah… »
Nous ne sommes ici que pour quelques jours. Mais quelques heures suffisent pour s’installer dans un rythme délicieux. Nous nous levons à six heures du matin. Nous — mari et femme — mettons nos maillots de bain et faisons quelques pas sur la plage. Notre promenade du matin nous porte d’un bout à l’autre de l’Iguana Beach… et retour, avec une brève baignade avant de remonter les marches menant à notre maison.
La première fois que nous sommes venu, il n’y avait qu’une seule maison sur la plage — c’était l’abri de l’intendant. Il vivait au paradis, avec une plage magnifique pour lui tout seul. Il avait deux chiens sur le porche et un cochon sous l’escalier. Il mangeait du riz, des haricots et du porc, complétés par des homards et des poissons qu’il pêchait dans l’océan devant chez lui. Passait-il ses journées à rêver d’emménager à Managua ou Miami ? Nous n’en savons rien.
L’aller-retour sur la place prend environ une heure au total. Lorsque nous revenons, Tere, notre gouvernante, a préparé un petit-déjeuner avec oeufs, bacon, fruits, toasts et bananes grillées.
Après le petit-déjeuner, nous nous asseyons sur la terrasse avec notre ordinateur portable et nous écrivons, jetant de temps en temps un oeil sur l’Océan Pacifique qui scintille sous le soleil.
Il y a pire.
▪ Les résultats de notre dernière séance de méditation…
C’est ainsi que nous nous sommes retrouvé à essayer de comprendre comment fonctionne le monde… Et dans ces quelques lignes, cher lecteur, nous allons tenter de l’expliquer.
« On ne sait jamais de quoi on parle », avertissait Karl Popper. Il avait raison.
Wittgenstein avait une réponse toute trouvée : taisez-vous, alors. (Nous paraphrasons…)
Mais le silence n’est pas très amusant. A la place, nous tendons les bras… nous nous étirons… nous faisons des efforts pour intégrer des choses que nous ne pouvons pas même espérer comprendre. La Vérité est incompréhensible. Elle est trop vaste… impliquant un lien entre toutes les choses animées et inanimées depuis le début des temps jusqu’au dernier soupir de l’univers. Le mieux que nous puissions faire, c’est tenter de saisir de minuscules étincelles de choses qui sont assez vraies. Pour nous. Pour l’instant.
Ce que nous voyons, c’est un monde très différent de celui qu’Aristote pensait voir. Il croyait avoir affaire à un petit monde où chacun pouvait être informé de manière égale par « la voix du messager ». Puisque tout le monde avait accès au même ensemble de faits et partageait le même intérêt, à peu de chose près, pour la santé, la prospérité et la sûreté de la communauté dont tous faisaient partie, ils pouvaient se réunir et faire des plans — guidés, peut-être, par un « roi-philosophe ».
▪ Logique aristotélicienne contre darwinisme
Aristote ne semblait pas avoir remarqué que ce n’était pas les objectifs communs et la résolution rationnelle de problèmes grâce à la « logique aristotélicienne » qui avaient rapproché la communauté à l’origine — pas plus qu’ils ne lui donnaient ses caractéristiques physiques, culturelles ou gouvernementales. Dans les savanes africaines, où l’on dit que se trouve le berceau de l’humanité, jamais nos ancêtres ne se sont réunis pour concevoir la Cité grecque. Non, c’est plutôt né d’un processus mieux décrit par Charles Darwin et Adam Smith. Un processus d’évolution… Des essais et des erreurs — des essais multiples et des erreurs innombrables, par des millions de pauvres âmes solitaires et de groupes malheureux, chacun essayant d’améliorer sa situation : voilà ce qui a amené l’humanité à sa condition actuelle.
Aristote se trompait du tout au tout quant à la manière dont les communautés humaines en sont arrivées là où elles en étaient — et comment elles ont évolué ensuite. Mais il ne se trompait pas sur le pouvoir de l’intellect humain. Ce dernier était capable à la fois de prodigieux exploits… et de désastres consternants et coûteux.
A suivre…