La Chronique Agora

Embourbé en Argentine et par la technologie

technologie

Faute de passer en mode 4×4 au bon moment, c’est l’enlisement. Les nouvelles technologies n’ont jusque-là pas apporté la croissance attendue.

« Damn ! »

Ramón avait été si absorbé dans la présentation de ses plans pour notre nouvelle ferme qu’il en avait oublié de mettre le véhicule en mode quatre roues motrices.

Lorsqu’il réalisa que c’était nécessaire, c’était trop tard. L’eau atteignait déjà les portes et les roues étaient profondément embourbées.

« Pas de problème, Ramón », avons-nous plaisanté. « J’imagine que c’est nouveau pour vous ».

La voiture de Bill prise au piège dans une rivière en Argentine

Une vieille transhumance au travers du désert

Ramón a vécu ici, au nord-ouest de l’Argentine, durant toute sa vie. Il semble que cela l’ai forgé comme le vent sculpte les montagnes et l’eau use les pierres. Il est aussi grand et coloré que la vallée elle-même.

Il est né dans la maison vers laquelle nous nous dirigeons et connait la rivière Calchaquí mieux que quiconque. Mais cette fois-ci, il a été distrait.

Ramón nous apporte de précieux conseils sur le défrichage de notre nouvelle ferme, la réparation des canaux d’irrigation et comment rendre les champs cultivables.

Il était tellement absorbé dans ses plans, pointant du doigt les endroits où nous devrions mettre des clôtures, des routes et des tranchées de drainage… que la rivière l’a pris par surprise.

L’idée justifiant l’achat d’une nouvelle ferme était toute simple. Nos bovins n’ont pas assez à manger. Dans une année normale, nous nous en sortons. Mais lorsque nous avons une année de sécheresse – soit quasiment tous les ans – le bétail meurt de faim.

Le nouveau ranch est à environ 1 000 m en contrebas, s’étendant de chaque côté de la rivière Calchaquí. De là, nous pouvons irriguer les champs toute l’année et stocker les rollos de foin (bottes de foin) pour nourrir le troupeau. Lorsque tout le travail sera terminé, nous espérons produire de la luzerne sur environ 200 hectares.

Ensuite, plutôt que de transporter le foin, nous ferons descendre le bétail de notre ranch sur les hauteurs. Cela prend deux jours ; c’est une ancienne méthode de transhumance, les gauchos (les cowboys argentins) guidant les animaux faibles et affamés d’un col de montagne à un autre, à travers le désert, jusqu’à leur destination.

L’année dernière cette transhumance a coûté la vie à sept vaches… au moins les autres ont-elles survécu. La prochaine fois, les champs seront prêts et nous les déplaceront plus tôt dans l’année.

Chaud devant !

Pendant ce temps, les investisseurs se laissent distraire également. Le sujet le plus intéressant de la conférence d’investissement à laquelle nous avons assisté à Londres la semaine dernière, a été celui des cryptomonnaies.

Cependant, lorsque les investisseurs particuliers – même nos chers lecteurs – sont intéressés par une spéculation à haut risque, c’est qu’il est généralement temps de mettre le mode quatre roues motrices… et partir.

Des preuves nous sont apportées du Wall Street Journal :

« La pratique des entreprises qui consiste à faire grimper artificiellement le prix de leurs actions – du moins temporairement, en changeant de nom pour refléter le dernier investissement à la mode – ne date pas d’hier. L’économiste américain Burton Malkiel décrit une entreprise qui vendait des disques en porte à porte, durant la période fascinante de l’ère Kennedy marquée par la course vers la conquête de l’espace. Le prix des actions de la société a été multiplié par sept sous l’effet d’un simple changement de nom pour celui de Space Tone. Et MIS International fit brièvement encore mieux après s’être renommé en Cosmoz.com au début de l’année 1999.

Bioptix, coté sur le Nasdaq – qui avait auparavant pour activité principale le développement d’une hormone folliculostimulante pour les vaches, les chevaux et les cochons – a joué à la même stratégie en changeant son nom pour Riot Blockchain. Les cryptomonnaies sont très populaires et l’entreprise investit même dans un site canadien de trading de ces monnaies. »
[NDLR : Ne passez pas à côté du potentiel des cryptomonnaies et investissez sans en acheter ! Au temps de la ruée vers l’or, les mineurs avaient besoin de pelles et de pioches… les mineurs numériques aussi. Découvrez quels fournisseurs de pelles et pioches acheter pour vous enrichir sagement avec la folie bitcoin.]

Les actions de la société ont atteint mercredi dernier les 9,50 $ par titre, soit plus du double de leur prix une semaine plus tôt. Les investisseurs feraient bien de prendre leurs profits tant que la météo est au beau fixe…

Les investisseurs semblent avoir une forte confiance dans l’avenir radieux des cryptomonnaies et d’autres avancées technologiques. Ils s’attendent à des avancées technologiques révolutionnaires pour demain.

Et ils semblent prêt à y investir dès aujourd’hui…

Dans l’attente d’une révolution technologique majeure…

Les sociétés comme Tesla, Snap, Uber, ainsi qu’une dizaine d’autres, perdent des milliards de dollars année après année.

Mais les investisseurs voient un tournant majeur… et ils sont sûrs que les technos vont le négocier.

Netflix, par exemple, a annoncé en avril qu’elle espérait ne perdre « que » 2 Mds$ cette année.

Les investisseurs ont été satisfaits. Ils ont acheté durant toute l’année, valorisant la société à 80 Mds$, soit deux fois plus que l’an dernier.

Certaines de ces entreprises de « nouvelles » technologies commencent à dater. Amazon.com, par exemple, existe depuis plus de 20 ans.

La société a fini par être rentable, mais les investisseurs d’Amazon payent 1 $ de bénéfice 251 $.

Le ratio cours/bénéfice (PER) pour un détaillant est de 12 environ, en général.

Les investisseurs doivent sans doute s’attendre à ce qu’Amazon parvienne à réaliser un exploit phénoménal — ou peut-être attendent-ils une intervention divine, pour que les actions valent autant d’argent…

Le fiasco des techs

Notre fils Henry, qui écrit aussi dans La Chronique Agora, rapporte qu’en France, les investisseurs dans le secteur de la tech semblent aussi avoir perdu la tête.

La start-up française Criteo (de publicité en ligne), BlaBlaCar (l’application de covoiturage), et Vente-privée.com (ventes en ligne) valent plus de 1,2 Md$.

L’entreprise Leetchi a été créée en 2009. Leetchi offre un service de cagnotte en ligne pour les cadeaux d’anniversaire, les mariages, les voyages… En 2015, sa créatrice, Céline Lazorthes, a cédé sa société à la banque coopérative Crédit Mutuel Arkéa pour 50 M€.

« Si les nouvelles technologies étaient un tel succès… », avons-nous demandé aux investisseurs à Londres pour les piquer au vif… « si elles étaient si puissantes qu’elles pourraient nous mettre tous au chômage et dégager des milliards de dollars de bénéfices pour leurs propriétaires… comment se fait-il que les taux de croissance aient été en baisse ces trois dernières décennies ? »

« Si la technologie rend les choses toujours meilleures, comment se fait-il que nous ayons l’impression que tout empire ? »

« Il y a plus de doctorants dans le secteur de la tech que jamais il n’y en a eu dans l’histoire de l’humanité… mais nous ne gagnons toujours pas assez d’argent pour payer nos dépenses courantes et encore moins nos dettes. Pourquoi donc ? »

Nous avons une réponse. La technologie ne rend pas toujours nos vies meilleures. Parfois, elle l’empire et nous ne voulons pas être tributaire de l’argent de gens qui dépendent d’une innovation révolutionnaire pour payer leurs dettes.

La mode peut toucher à sa fin. Et la décision des Etats de s’impliquer dans une tendance d’investissement vaut plus que n’importe quel avis de décès.

Le président Emmanuel Macron a annoncé un programme à 10 Mds€ pour « les start-ups ».

Tout à fait : l’Etat français propose d’investir dans des start-ups politiquement correctes qui ne menaceront ni les emplois existants ni les entreprises de copinages… le tout avec l’argent du contribuable.

Nous entendons les dieux de l’argent ricaner et les cloches sonner.

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