La Chronique Agora

Argentine : plus de peso, plus d’inflation ?

La situation était folle, heureusement, le « libertarien de la Pampa » est encore plus fou !

Les « libertariens » tiennent leur champion, en fait le premier de l’Histoire à remporter une élection présidentielle dans une « grande démocratie », et en plus, il s’agit d’un quasi-plébiscite avec un scrutin remporté avec 10 points d’avance sur son rival, le ministre des finances néo-péroniste, qui était pourtant donné gagnant après le premier tour.

Le peuple avait donné accès au second tour à un clown qui prétend communiquer avec son défunt chien – qu’il a fait cloner en cinq exemplaires – et qui détruit à coups de batte de baseball des piñatas symbolisant la banque centrale, se vantant d’abolir le peso argentin pour adopter le dollar comme monnaie nationale. Les médias étaient convaincus qu’après ce bon tour joué aux candidats représentant une opposition en carton-pâte, les électeurs allaient revenir à la raison et offrir la présidence à un « sachant » soutenu par le « système ».

Mais non. Face à une inflation devenue folle, ils ont validé le projet le plus fou !

Le peso n’arrête pas de se faire dévorer par l’inflation depuis 25 ans, alors mieux vaut une fin dans la douleur – pourvu qu’elle soit la plus courte possible (proverbe libertarien) – qu’une douleur sans fin.

Du coup, plus de peso, plus d’inflation : problème résolu… passons au dossier suivant.

Il s’agit en fait de plusieurs dossiers : ça commence par la réorganisation de la douzaine de ministères hérités de « l’ancien régime ».

Et là, Javier Milei (c’est le nom du nouveau président argentin) entend appliquer une méthode vraiment révolutionnaire, encore jamais expérimentée en Amérique du Sud (pour le dollar, il y a des précédents historiques) : il supprime sept ministères sur douze, parce qu’il les trouve inutiles… à tel point d’ailleurs que l’objet de leur existence passée sera privatisé, à commencer par la santé, l’éducation, la recherche, etc. Les autres, jugés sans objet (la condition féminine, l’égalité sociale et autres fariboles gauchistes), seront tout simplement éradiqués d’un coup de tronçonneuse rageur.

Les liens avec les BRICS seront également coupés, parce que la plupart ne sont pas des démocraties : ça tombe bien puisque la Chine est le premier client de l’Argentine, la Russie le second, et le Brésil – encore un pays communiste – le troisième.

Plus de clients au pedigree douteux : plus de dépendance ni de compromissions de l’Etat argentin avec des dictatures.

Vive l’Argentine libre et vertueuse… euh, sinon, les entreprises qui veulent faire affaire avec la Chine, la Russie, le Brésil, le Chili ou le Pérou n’ont qu’à continuer, cela ne regarde plus le gouvernement.

Vous ne vous attendiez pas à cette chute, et pourtant, c’est parfaitement conforme à la ligne libertarienne qu’adopte Javier Milei. Du coup, si Xi Jinping veut racheter les écoles et les lycées argentins et Vladimir Poutine les vignobles des hauts plateaux, libre à eux.

Sauf que pour Poutine, s’il faut payer en dollar, la nouvelle monnaie nationale, ça va être compliqué !

Bon, tout ce qui précède ressemble à un gag et s’en est un – mais à la mode argentine. Il faut reconnaître que la plupart de ceux qui ont élu Javier Milei affichent volontiers leur hilarité.

Le « système » a été défait, les instituts de sondage ridiculisés… et le plus drôle, ce sont les commentaires de la presse étrangère qui font l’inventaire de toutes les outrances du personnage, mais passent à côté de l’essentiel, de ce qui est une évidence pour les Argentins : le « Trump de Buenos Aires », le « libertarien de la Pampa » s’agite en réalité dans son bocal, car il n’a aucune majorité pour gouverner.

Non seulement les Argentins en avaient assez des promesses non tenues, mais ils tenaient aussi à s’assurer que le nouveau président – qui leur a proposé des promesses encore plus folles – ne puisse en tenir aucune (sauf peut-être la dépénalisation des drogues)… Comme ça, au moins, ils ne risquent plus d’être déçus. En plus, ils n’auront plus à subir la énième version du plan de redressement financé par le FMI qui ne fonctionne pas : face au chaos monétaire qui s’annonce, on souhaite bonne chance au FMI et aux créanciers de l’Argentine pour récupérer leur mise.

L’Argentine, le pays qui a adopté le dollar mais qui n’en possède aucun… vu qu’il en doit à tout le monde !

La situation semble folle, mais comme le président est encore plus fou, sur un malentendu, ça pourrait marcher !

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