La Chronique Agora

Qu’y a-t-il de commun entre Areva, EADS, Zodiac ces 10 derniers jours ?

▪ Certes notre liste va bien de A jusqu’à Z et EADS est un acronyme composé de 4 lettres qui n’ont aucun lien entre elles dans l’alphabet, Areva en comporte 5 et Zodiac 6.

Le seul point commun, c’est qu’aucun de ces noms ne figure dans les dictionnaires… des noms communs (jolie antanaclase).

Tout juste, mais nous avons repéré autre chose. Chacun de ces trois titres a subi en cours de séance un décrochage de 5% à 10% tout aussi brutal qu’inexpliqué avant un retour à l’équilibre (ou un niveau approchant).

A chaque fois, cela n’a pris que quelques dizaines de secondes. A aucun moment il n’a été question d’une erreur de quantité sur un passage d’ordre (le célèbre « gros doigt ») ni du surgissement d’une rumeur déclenchant une rafale d’ordres de vente.

Ces trois titres ont tous dévissé sans cause connue, mais peu importe. Dès que les cours ont décalé de plus de 2,5% (alors que le CAC 40 était quasi stable), la même mécanique infernale de ventes préprogrammées sur franchissement de seuils s’est emballée… face à zéro contrepartie.

▪ Des valeurs qui s’enfoncent sans explication
Pourtant, les carnets d’ordres avaient belle allure quelques millisecondes avant que les supports techniques ne soient enfoncés. Mais à partir de -3%, pfuitt ! Plus rien, plus une ligne à l’achat, juste le temps de cligner une fois des yeux.

Au second clignement d’yeux, c’est du -5%, au troisième, c’est du -8%… Le temps d’attraper sa souris pour zoomer sur le graphique (non, ce n’est pas une erreur de diffusion des cours), trop tard : le titre est déjà réservé à la baisse.

Hier, c’est Zodiac qui a plongé de 5% — en plein marché haussier, la faute à des objectifs pas aussi précis que les analystes l’auraient souhaité — et qui limite la casse à -2,2% au final.

C’est beaucoup moins spectaculaire que -10,5% sur EADS le lundi 11 décembre mais cela en dit long sur la vulnérabilité réelle du marché parisien, alors qu’en apparence, c’est une hausse en béton.

Le CAC 40 affichait hier soir un gain de 0,44% en clôture, sa plus forte hausse depuis le 11 décembre dernier et il a inscrit à 14h29 un nouveau zénith annuel à 3 670.

Ce qui commence à intriguer certains commentateurs, c’est que la Bourse de Paris et celle de Francfort viennent d’aligner une vingtième hausse sur une série historique de 23 (depuis le 19/11).

L’emprise de la programmation algorithmique sur les marchés atteint des sommets et dépasse peut-être les rêves les plus fous des prix Nobel de physique et des médailles Fields de mathématiques.

Ce n’est plus la maîtrise du risque qui permet d’anticiper le comportement des marchés, c’est la maîtrise du comportement des marchés qui abolit (fictivement) le risque.

La performance des places européennes (+0,42% en moyenne mercredi soir et +0,6% à la mi-journée) était acquise dès 10h30 le matin. Ensuite, toujours le même scénario de dérive latérale sans volumes au sein d’une fourchette hyper-étroite se perpétue (pour la sixième séance consécutive).

Résultat : la volatilité est au tapis et ce n’est sûrement pas un hasard en cette journée marquée par l’expiration des dérivés sur indice VIX. Le marché ne reflète plus rien d’autre que lui-même ; le monde réel devient une variable totalement marginale — sinon une forme de guerre perpétuelle des robots sur des échelles de temps qui défient l’imagination.

▪ L’algotrading règne en maître à Wall Street
Des spécialistes américains interrogés sur CNBC à la fin de la belle séance haussière de mardi (un copier/coller de celle de lundi) évoquaient l’influence grandissante, voire hégémonique de l’algotrading — à ne pas confondre avec les transactions haute fréquence, et pourtant cela y ressemble diablement. Il représente depuis plusieurs semaines 66% (ou plus) des volumes quotidiens à Wall Street.

Les spécialistes se sont particulièrement intéressés au cas d’Apple qui est devenu la valeur la plus travaillée de l’histoire des marchés américains. Des milliers de programmes algorithmiques ont été développés par des particuliers férus de mathématiques ou des hedge funds (qui embauchent à prix d’or des physiciens de haut vol). Ils peuvent ainsi trader « la pomme » à la milliseconde, et très fréquemment en scalping (série d’allers-retours ultra-rapides), un peu à la manière des devises et des matières premières.

Les volumes sur Apple dépassent les 10 milliards d’euros quotidiennement, et parfois les 15 milliards d’euros, soit bien plus que la totalité de chiffre d’affaires de l’ensemble des valeurs du SBF 120 ainsi que des small et midcaps sur la semaine !

Et Apple a effectivement pesé sur le Nasdaq 100 qui a lâché -0,5% mercredi soir.

Le Dow en a terminé sur un repli de 100 points, le S&P a reculé de 0,75% et finit au plus bas du jour.

Il est fort probable que des opérateurs habitués à une hausse ininterrompue depuis quatre semaines et demi aient choisi de couper leurs positions lorsqu’il est devenu évident que celles prises le matin seraient perdantes en overnight et que le rally de fin d’année avait peut-être jeté ses derniers feux lundi puis mardi soir.

L’équation risk-reward semblait pourtant pencher en faveur des permabulls à 48 heures de la séance des « Quatre sorcières ». Mais le consensus haussier devient tellement uniforme — tout comme les réflexes de précaution des opérateurs — que ce ne sont pas deux ou trois titres qui sont susceptibles d’être victimes d’un flash krach mais bien les indices boursiers dans leur ensemble, malgré leur apparente invulnérabilité aux sombres perspectives conjoncturelles et au risque de dislocation sociale de l’Europe — au lieu de l’euro comme nous continuons de l’anticiper.

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