La Chronique Agora

Aquaculture, une hausse potentielle à suivre de près (1)

Par Sylvain Mathon (*)

Au cours de l’année 2006, les mers du globe ont livré un volume record de produits : le chiffre avoisine les 160 millions de tonnes — et il a probablement été battu depuis. Pour l’année 2004, ce volume (aux trois quarts destinés à l’alimentation humaine) n’était que de 140 millions de tonnes…

Dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture, les données sont souvent fragmentaires, mais sur le long terme, néanmoins, la tendance ne laisse pas de doute : la production halieutique est en augmentation constante. La consommation mondiale s’est multipliée par six depuis 1950 — et elle croît d’environ 2% par an.

Dans le même temps, les stocks naturels diminuent. Depuis 15 ans, les crises successives de la morue, de l’anchois, du thon rouge sont autant de symptômes d’une extinction mondiale annoncée… pour demain.

Le Blue Peak est déjà derrière nous !
La FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime qu’une moitié des stocks halieutiques mondiaux est exploitée à son maximum depuis 30 ans, tandis qu’un autre quart est surexploité, en reconstitution ou bien carrément épuisé. En d’autres termes, le Blue Peak de la pêche mondiale est déjà derrière nous. C’est une nouvelle inquiétante, car la pêche d’espèces sauvages fait vivre une bonne partie des populations les plus précaires du globe. Mais c’est ainsi : les thoniers ultra-modernes ou les pirogues sont dans le même bain et au rythme actuel, selon une étude digne de foi, la totalité des stocks halieutiques en exploitation aujourd’hui aura disparu avant 2050.

A l’heure où les pirates somaliens — souvent d’anciens pêcheurs — multiplient les attaques contre les grands navires en transit dans le golfe d’Aden, il faut se souvenir que l’Erythrée dénonce depuis longtemps le "pillage organisé" de ses eaux territoriales par les chalutiers occidentaux. Au printemps dernier, l’un des navires rançonnés par les pirates était, justement, un thonier espagnol… Sans vouloir justifier la piraterie, il existe là un contexte de compétition pour les ressources qui, joint aux facteurs politiques, exacerbe les troubles.

Depuis trente ans, le secteur progresse de 8,8% par an en moyenne
En attendant, les prises de pêche en 2006 étaient en baisse pour la deuxième année de suite, et en recul de quatre millions de tonnes par rapport à l’année 2000 — ce, malgré le perfectionnement des techniques et l’augmentation des tonnages. Si la production augmente toujours, malgré la diminution des prises, c’est donc à l’aquaculture — et à elle seule — qu’on le doit. Le secteur pèse déjà 43% de la production totale (chiffres 2004). Depuis 30 ans, il progresse de 8,8% par an en moyenne — la plus forte croissance de tous les secteurs concernant les productions animales. Et pour cause : les jours du bar "de ligne" à l’étal de votre poissonnier sont probablement comptés : face à une pression démographique toujours plus forte, le seul relais de croissance réside dans l’élevage.

90% du marché est asiatique…
Le poisson fait vivre une moitié de la planète : 2,6 milliards d’individus en dépendent pour 20% au moins de leurs apports nutritionnels. Inutile de vous dire que la proportion augmente chez les habitants côtiers, surtout les plus pauvres.

La consommation mondiale est de 16,5 kilos par personne et par an : comptez 20 kilos pour l’Europe, 24 kilos pour les Etats-Unis et surtout, 26 kilos pour la Chine. A titre de curiosité, les Français en consomment 34 kilos et les Espagnols, champions en la matière, 43 kilos.

Le marché mondial des produits de la mer confronte une énorme proportion d’artisans desservant les marchés locaux à une poignée de pôles industriels. Il en va de même pour l’aquaculture : les paysans chinois, qui pratiquent l’élevage depuis des millénaires, continuent d’écraser les statistiques mondiales.

La suite dès demain…

Meilleures salutations,

Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora

(*) Globe-trotter invétéré et analyste averti, Sylvain Mathon est un peu "notre" Jim Rogers… Après avoir travaillé durant dix ans au service de grandes salles de marché, il met depuis février 2007 toute son expertise en matière de finances et de matières premières au service des investisseurs individuels dans le cadre de Matières à Profits, une lettre consacrée exclusivement aux ressources naturelles… et à tous les moyens d’en profiter. Il intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises.

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