La Chronique Agora

Après le big-bang dans les subprimes…

** Cette fin d’année ressemble de moins en moins au schéma classique qui se met habituellement en place sur les indices boursiers en conclusion d’une année marquée par une tendance haussière. Il suffit pour s’en convaincre de constater que les places européennes alignent une troisième séance de repli.

Mercredi, l’Eurotop 100 reculait de 0,45%, le DJ Stoxx 50 de 0,5% ; Madrid chutait de 0,7% et Zurich de 0,85% — malgré la relative stabilité du FT 100(Londres) et de l’AEX (Amsterdam). Le paradoxe n’est qu’apparent puisque l’équilibre n’a pu être préservé que grâce à des valeurs comme Royal Dutch (pétrole), BskyB (télé-réalité) ou Northern Rock (4,5%, un « dossier » très spécial) dont l’impact indiciel a compensé le repli des valeurs cycliques et bancaires.

Ce genre de hausse ne reflète en rien un regain de confiance dans la conjoncture britannique ou néerlandaise en 2008, pas plus que la hausse de Total ou d’Arcelor-Mittal ne préfigure une hausse de la croissance des bénéfices des entreprises cotées sur le CAC 40 l’an prochain.

L’indice phare, qui fêtera dans 10 jours ses 20 ans d’existence, a enfoncé symboliquement le seuil des 5 500 points mercredi soir, après un nouvel échec en séance sous les 5 550 points.

Le CAC 40 demeure en proie à une volatilité de mauvais augure, laquelle traduit surtout la vulnérabilité des valeurs françaises depuis mercredi dernier. Notons au passage que le plafonnement est survenu sous les 5 800 points dans des circonstances tout à fait exceptionnelles.

L’indice a enregistré une variation de 80 points (entre 5 466 et 5 547) dans des volumes relativement modestes, à peine cinq milliards d’euros. Voilà qui démontre que les gérants n’ont pas encore déclenché d’opérations de window dressing à grande échelle. Pendant ce temps, les investisseurs américains se sont montrés peu présents malgré le net renchérissement du dollar à 1,4350/euro, son plus haut depuis fin octobre.

Le CAC 40 reste prisonnier de l’attraction exercée par les 5 500 points. Et il semble de plus en plus difficile de le stabiliser vers 5 540 points (cours de référence du 1er janvier), ne serait-ce que pour lui éviter de terminer l’année 2007 en territoire négatif. Les valeurs phares du SBF 80 ont encore abandonné 0,5%, ce qui porte à 5% leur repli depuis le 12 décembre et à -7,5% leur performance annuelle.

Wall Street n’a guère contribué à soutenir la tendance en fin de parcours mercredi, puisque l’indice Dow Jones repassait dans le rouge (-0,3%) vers17h30, effaçant ses 0,5% de gains initiaux pour cause de renversement de tendance sur les valeurs bancaires. A mi-séance, le Dow Jones chutait de 0,6% pour se retrouver à tout juste 1% du palier des 13 000 points, le Nasdaq Composite ricochant une nouvelle fois sous les 2 600 points.

Les opérateurs européens auraient pu passer outre : après tout, les indices américains se sont déjà tirés de situations plus délicates en seconde partie de séance lorsque des supports paraissaient menacés. Mais ils n’ont voulu prendre aucun risque alors qu’ils devaient parallèlement digérer une série de statistiques défavorables en provenance d’Allemagne.

** Les prix à la production outre-Rhin ont bondi de 2,5% en novembre en rythme annuel après des hausses de 1,7% et de 1,5% en octobre et en septembre. Le moral des industriels allemands est reparti à la baisse en décembre, selon l’institut économique IFO, dont l’indice du climat des affaires ressort en recul de 1% (à 103 contre 104,2 en novembre).

Ces nouvelles données — collectées auprès de 7 000 chefs d’entreprises, un panel qu’il convient de qualifier de représentatif — confirment la dégradation des anticipations économiques révélées lundi par le baromètre de l’institut ZEW, retombé au plus bas depuis janvier 1993. Le scénario tant redouté se résume en un seul mot : stagflation.

Les marchés ont également sanctionné l’annonce par la BCE de l’insuccès d’une opération de refinancement trimestrielle programmée ce mercredi. L’institut francfortois n’a pu allouer que 48,5 milliards d’euros sur les 50 milliards prévus, faute d’une demande suffisante émanant de la centaine de banques autorisées à enchérir.

** A Wall Street, les investisseurs ont pris connaissance — presque simultanément — des lourdes pertes trimestrielles (3,6 milliards de dollars) subies par Morgan Stanley qui provisionne 5,7 milliards supplémentaires sur son portefeuille de dérivés de crédit, soit 9,4 milliards de dollars au total en deux mois.

Le titre s’adjuge cependant 1% grâce à l’annonce en parallèle d’une injection de cinq milliards de dollars de China Investment Corporation au sein du capital de la banque d’affaires. Un sauvetage qui s’apparente par bien des aspects à ceux dont ont bénéficié dernièrement Citigroup, Bank of America, Washington Mutual ou Ambac Financial…et la liste n’est pas exhaustive !

Et ce n’est probablement qu’un début : la bulle de l’immobilier va continuer de se dégonfler aux Etats-Unis… et mon petit doigt me dit que celle qui sévit à Londres va éclater si fort début 2008 que le « bang » fera trembler les vitres de la City et s’entendra jusque dans les faubourgs de Boulogne-sur-Mer ou de Calais. Et cela n’aura rien à voir avec les pétards du célèbre carnaval nordique !

Philippe Béchade,
Paris

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