La Chronique Agora

Ce que nous avons appris ces 20 dernières années

La « Nouvelle économie » n’a pas rempli ses promesses… et maintenant l’économie « à l’ancienne » menace de rétablir ses droits.

Ni nous, ni personne d’autre ne saura jamais, en détails, comment fonctionne réellement une économie. Une économie est une chose naturelle – elle a évolué, elle n’a pas été conçue.

Elle réagit à des milliards de facteurs… passés, présents et futurs… bien trop nombreux, ambigus et subtils pour qu’une personne, un groupe ou un algorithme informatique les maîtrise – agrégeant les désirs, fantasmes et terreurs nocturnes désespérées de milliards de personnes, chacune ayant sa propre « information ».

Toute tentative par quelques-uns de lui imposer leur propre vision ne fait que fausser l’économie, la subvertir et la corrompre.

C’est pour cette raison que la planification centrale – qu’il s’agisse de la version dure des bolcheviques… de la version légère des républicains et des démocrates… ou de la version bizarre de Donald Trump – ne fait que retarder la croissance et réduire la satisfaction.

Non seulement les autorités ne peuvent pas avoir accès à tous les faits… ni voir comment ces faits s’intègrent les uns aux autres (le petit Alfred veut-il une glace au chocolat… ou un ourson en guimauve ?) – mais les données les plus importantes ne sont pas du tout des « faits » : ce sont des tendances rusées, des engouements et des préférences fluides qui ne peuvent jamais être prédits.

Au moment où les autorités ont enfin réussi à trouver comment offrir plus de nuggets de poulet au petit Alfred… il grandit et devient végétarien !

Si l’on résume tout ce que nous avons appris au fil des ans :

Quasiment tout ce que l’on entend sur la politique telle que liée à l’économie n’a aucun sens.

La Réserve fédérale « ajuste » les taux d’intérêts… les autorités ont pour objectif de stimuler la « demande »… l’inflation est trop basse… les inégalités sont trop élevées… les Chinois ne respectent pas les règles du jeu…

Bla… bla… bla…

L’information va tous nous rendre riches (peut-être)

Pour confirmer que tout cela n’est que sottises, revenons sur les deux dernières décennies – afin de voir un peu plus en détails ce que nous avons appris.

Nous avons commencé à relier les points en 1999. A l’époque, les Etats-Unis étaient au sommet de leur puissance, de leur richesse et de leur prestige. L’économie se développait au rythme de 4% par an. L’inflation des prix à la consommation était à la moitié de ce chiffre. Le marché actions était en plein boom.

Pourtant, quelque chose n’allait pas. Il ne fallait qu’une once d’or pour acheter les 30 actions du Dow en 1980. En 1990, il en coûtait 40.

Les actions US valaient-elles vraiment 40 fois plus ? C’est peu probable.

A cette époque régnait l’idée répandue que « l’information » nous rendrait tous riches. Les dot.com étaient « des sociétés de l’information » et n’étaient pas valorisées en fonction de l’argent qu’elles gagnaient, mais selon le nombre de vues qu’elles engrangeaient.

Des entreprises – qu’elles s’occupent de mines ou de chiffons – ajoutaient simplement un « .com » à leur nom… et valaient soudain deux fois… trois fois… dix fois autant.

Dans le même temps, le temps, l’épargne et les ressources physiques n’étaient plus à la mode. Avec le World Wide Web, nous avions toute l’information du monde à portée de main. Avec autant de connaissances disponibles, disaient les partisans, on ne fera plus d’erreurs.

Les universitaires éclairés à la tête de la Fed, par exemple, pourraient trouver exactement le bon taux d’intérêt, exactement au bon moment. Terminé, les mauvais investissements. Plus de ressources mal allouées. Fini, le gâchis de temps et de capital.

Nous pourrions envisager un glorieux avenir d’avancées technologiques stupéfiantes…

… Parce que désormais, même le bouseux le plus attardé ou l’habitant du trou le plus paumé de la chrétienté pourrait aller sur internet, découvrir les secrets de l’ingénierie chimique nanomoléculaire avancée, et trouver un remède contre le cancer…

… Ou à tout le moins inventer une nouvelle appli permettant de suivre plus facilement la dernière amourette lesbienne de Miley Cyrus.

Nouvelle ère et folie

Ainsi, resplendissantes dans la beauté radieuse de la Nouvelle ère, les dot.com sont devenues folles. Entre septembre 1998 et mars 2000, le Nasdaq a triplé. Des entreprises qui n’avaient jamais enregistré un centime de profit – et ne le feraient jamais – furent évaluées à des milliards de dollars.

Le plus remarquable, dans tout cela, fut l’apparition d’une toute nouvelle espèce d’être humain : Silicon Man. L’ancien modèle, Homo sapiens skepticus, se demanda ce que diable il se passait.

« Comment ces entreprises pourraient-elle valoir autant ? » demanda-t-il.

« Tu ne piges pas le truc », répondit Silicon Man.

Votre humble correspondant faisait partie de ceux qui ne pigeaient pas. D’après son expérience, qu’il s’agisse de vivre avec une grande famille ou de lancer une entreprise, il lui manquait souvent le temps, le talent, la sagesse, l’intelligence, l’énergie ou les ressources.

Pas une seule fois il ne se rappelait avoir manqué d’informations. Au contraire, il était souvent inondé d’information : trop de faits… trop d’opinions… trop de possibilités.

Si le général Custer avait apporté toute l’Encyclopaedia Britannica avec lui sur les plaines de l’ouest, se demandait-il, se serait-il tenu éloigné de Little Bighorn ?

Supposons que les généraux d’Hitler aient eu accès au récit de la malheureuse campagne russe de Napoléon par Armand-Augustin-Louis de Caulaincourt : auraient-ils ordonné à la Wehrmacht de rester dans ses baraquements en Westphalie ?

Attendez… ils avaient bien les mémoires de Caulaincourt. Ils ont quand même lancé l’invasion.

Opinions ringardes

L’économie classique n’était pas très utile non plus. Smith, Bastiat et al. – dans cette Nouvelle ère, ces antiquités n’avaient-elles plus aucune valeur ?

Ils enseignaient que la construction de richesse est un processus long et difficile : l’épargne, l’apprentissage, le développement de compétences et d’habitudes, la recherche de ce que les gens veulent et de comment le leur donner au mieux.

A présent, plus rien de tout cela ne semblait compter. Les ordinateurs et les technologies de l’information avaient remplacé le besoin de discipline, de règles, de persévérance et d’épargne… et toutes les vertus qui avaient rendu possible la civilisation.

C’est du moins ce qu’il se disait. Là encore, cela semblait peu probable.

Mais lorsque votre correspondant exprima son avis, de nombreux lecteurs s’en offusquèrent. Ils comptaient déjà l’argent que la Nouvelle ère leur rapporterait. Ils pensaient que les vieilles idées n’avaient plus cours. Ils dirent qu’ils n’avaient pas besoin de ces opinions ringardes.

L’un de nos propres partenaires prédit que notre entreprise – fournir des idées, des opinions et des recommandations financières… basées sur l’analyse à l’ancienne et l’économie classique – serait bientôt rendue obsolète par les nouvelles technologies de communication.

« Tout ça, c’est déjà sur internet, » a-t-il dit. « Toute l’information qu’on pourrait vouloir ».

Mais le monde n’est pas toujours gentil ou facile. Surtout pour ceux qui envahissent la Russie, oublient le passé ou pensent connaître l’avenir.

Parfois, ce sont ceux qui « pigent » le mieux… qui se font le plus avoir.

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