La Chronique Agora

Apprenez à vivre avec l'inflation

** Aujourd’hui, nous nous tournons vers nos correspondants de guerre pour des nouvelles du front — et ils nous apprennent un principe important :

* "Apprenez à vivre avec l’inflation", commence un titre du Financial Times. Le FT fait allusion au banquier central d’Angleterre, Mervyn King, selon qui l’inflation — déjà plus forte qu’à aucun autre moment de ces dix dernières années — va encore grimper.

* Aux Etats-Unis, les nouvelles ne sont guère différentes. "Inflation mondialisée", titre le Wall Street Journal, qui se rend enfin compte de ce qui se passe. Les prix des biens importés de l’étranger augmentent près de quatre fois plus vite que les chiffres officiels de l’inflation US.

* En Argentine, pendant ce temps, le taux d’inflation dépasse officiellement les 8%. Officieusement, il atteint probablement le double.

* Et de l’autre côté du Rio Plata, Horacio Pozzo parle de "Brésil et inflation : la lutte continue". L’inflation au Brésil vient d’enregistrer sa plus grande hausse mensuelle en 12 ans.

* L’inflation semble gagner, en d’autres termes.

* On dirait que Ben Bernanke pourrait être en train de "regretter" ses baisses de taux, déclare Nigel Lawson, chancelier britannique sous Margaret Thatcher. Bernanke a paniqué devant le credit crunch et a fait passer le taux directeur de 3,25% à 2%. La déflation était le principal ennemi, pensait-il. Les Européens voyaient les choses différemment. La BCE a maintenu son taux à 4%… et déclare maintenant qu’elle pourrait l’augmenter. Il semblerait que les Européens avaient raison.

** Sur tous les fronts, les nouvelles sont les mêmes — les prix grimpent plus abruptement qu’il y a un an de ça. Le pétrole a grimpé. L’or, qui flaire la crainte de la hausse des prix à la consommation, remonte aussi.

* Le pétrole mène la charge de l’inflation. Et Boone Pickens affirme que non seulement il tient le haut du pavé… mais qu’il pourrait en plus grimper encore. Selon lui, la production pétrolière mondiale a atteint un sommet à 85 millions de barils par jour, tandis que la demande touche les 86,4 milliards de barils. Le cours va encore grimper, pense-t-il, à moins que la demande de pétrole ne chute assez pour égaler la production disponible.

* Bien entendu, Pickens "prêche pour son église". Il est lourdement investi dans le pétrole, et veut peut-être que vous fassiez la même chose. Mais il pourrait avoir raison.

* L’inflation gagne du terrain. Les positions défensives cèdent… les forces de la stabilité des prix (sans parler de la déflation) semblent battre en retraite. Pour l’instant, l’opération est plutôt ordonnée. Mais de telles retraites sont difficiles à régler. Le général qui se retire n’est plus maître du champ de bataille. Il prend ce qu’il peut. Et ce qu’il obtient, souvent, c’est une déroute — quand ses troupes paniquent. C’est à ce moment-là que les victimes s’accumulent.

* Nous parlons ici d’une différente sorte de guerre. C’est un conflit bizarre… avec des caractéristiques remarquables. Pour commencer, même si l’inflation gagne très clairement… la Fed américaine lutte encore contre la déflation, non l’inflation. Le taux directeur de la Fed — à 2% — atteint à peine la moitié du niveau officiel de l’inflation des prix à la consommation aux Etats-Unis, à 4,2% pour les derniers chiffres. Mais ces 4,2% nécessitent une chambre de torture et toute une équipe de scribouillards pour tordre et étirer tous les chiffres. "Des ajustements saisonniers", comme ils les appellent. "Des prix hédonistes", ajoutent-ils. Pour les premiers, les saisons ne semblent jamais changer. Les mauvais chiffres bruts semblent toujours aller en s’améliorant. Un ordinateur peut coûter 1 000 $ une année. L’année suivante, les statisticiens peuvent mettre le prix à 500 $ — même si un client devrait malgré tout le payer 1 000 $ dans les boutiques. Pourquoi ? Parce que c’est "un meilleur ordinateur", disent les mathématiciens. S’ils pensent qu’il est deux fois meilleur, ils imaginent que le prix a été divisé par deux.

* Nous ne sommes pas là pour chercher querelle aux margoulins. A la Chronique Agora, nous sommes plutôt à la recherche d’instruction. Nous lisons les gros titres. Nous étudions les chiffres. Nous examinons les opinions, les idées, les théories folles, les formules farfelues. Nous nous mettons aussi à genoux… et passons des heures à méditer, ivre, invoquant les dieux pour nous inspirer… ou nous porter chance.

* Et où est-ce que ça nous mène ?

* Nous n’en sommes jamais tout à fait certain.

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